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Révision constitutionnelle : « Le moment est très mal choisi… »

Le Gouvernement malien a adopté un projet de loi portant révision de la Constitution du 25 février 1992. En principe, c’est ce jeudi 1er juin 2017 que ledit projet de loi de révision constitutionnelle doit être adopté par les députés .Puis, le texte sera soumis à l’appréciation des millions de maliens à travers un referendum le 9 juillet prochain. Mais d’ores et déjà, des citoyens maliens sont pessimistes quant à l’opportunité de cette reforme constitutionnelle. Au cours d’un micro trottoir réalisé par notre équipe de reportage, les maliens expriment leurs avis sur la révision constitutionnelle. « Le moment est très mal choisi pour une telle entreprise et il faut revoir le projet constitutionnel lui-même », «Il n’est jamais bon de réviser une constitution à une année des échéances électorales », «Cette révision constitutionnelle est un acte qui se fait sur le dos de la population », indiquent les maliens. Lisez notre micro-trottoir !

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* Ibrahima Khalil Ben Mamata Touré, Juriste de formation, membre du Recam (réseau des citoyens actifs Mali) : ‘’Le moment est mal choisi et le projet de révision est un travail presque bâclé car le peuple ne s’y reconnait pas dedans’’

Le Mali a un besoin de révision constitutionnelle mais cela doit s’opérer dans des conditions idoines. La constitution actuelle a montré des limites à des points bien précis avec l’évolution et les besoins exprimés par les institutions et le peuple malien. On peut en citer l’intérim de Dioncounda qui a dépassé les 40 jours prévus, et d’autres manquements. L’accord de paix est un vecteur essentiel qui invite le gouvernement à présenter ce projet au parlement pour une sortie de crise. Mais la vérité reste que cette révision constitutionnelle ne doit nullement s’opérer sans au préalable poser les jalons d’un État au sens du droit international car le Mali est dans des difficultés et l’article 118 de la constitution pose la condition de ne pas réviser sans que nous n’avons pas une intégrité territoriale. Sur papier, le Mali est reconnu de Kayes à Kidal et dans la pratique beaucoup de localités échappent au pouvoir de Bamako, donc comment récolter l’avis des populations dans les zones non contrôlées par l’État lors d’un référendum ? La révision devrait se faire à la condition que les groupes armés déposent les armes et aussi que Kidal soit ouvert au reste du Mali. Le moment est très mal choisi pour une telle entreprise et il faut revoir le projet constitutionnel lui-même qui fait polémique auprès des intellectuels Maliens surtout dans son préambule et aussi par la création d’un sénat qui remplacera le Haut conseil des collectivités, une Cour des comptes. Dans le projet, beaucoup de choses restent flouent et on est en droit de se demander si c’est carrément une révision ou un changement intégral de constitution. En définitive, je dirais que nous devons œuvrer plus à pacifier le pays pour une cohésion nationale et unité nationale d’abord que pour s’attaquer à une révision. Le moment est mal choisi et le projet de révision est un travail presque bâclé car le peuple ne s’y reconnait pas dedans. Nous avons signé un accord à Alger et organisé une conférence d’entente et maintenant il est question du texte fondamental du Mali et je propose que l’on prenne le temps qu’il faudra pour ficeler un texte digne de ce nom qui n offensera personne où tous pourront s’y reconnaître.

* Moussa Sangaré, Caissier dans un centre d’imagerie médicale : ‘’ Le Mali n’a pas besoin d’une deuxième chambre’’

Il est tout à fait normal de conformer la constitution avec le développement et la situation actuelle du pays, surtout que celle de 1992 n’a pas manqué de montrer ses limites et failli dans la résolution de la crise du nord, mauvaise gouvernance et corruption. La révision pour ma part doit être faite pour corriger les anciennes erreurs mais dans notre cas, elle suscitera d’autres problèmes dans la prochaine décennie tout comme nous rencontrons avec l’actuelle. Cependant il y’a plusieurs points que je ne trouve pas normal dans cette résolution, l’insertion de la charte Kouroukanfouga dans le préambule, le super pouvoir qui sera attribué aux institutions de la république et l’adoption du sénat. Par rapport à l’insertion de la charte de Kouroukanfouga, notre pays traverse depuis 2012, une crise de nature ethnique, raciale et religieuse. Cette insertion est selon moi discriminatoire car cette charte ne couvre que la zone du Mandé, même si le gouvernement affirme qu’il ne tient pas en compte le caractère interprétatif mais déclaratoire. Nous savons que le fondement de cette charte ne recouvre pas la réalité de toutes les ethnies maliennes. S’agissant du renforcement des prérogatives des institutions de la république, nous sommes dans un régime parlementaire, où on sent une certaine connexité entre les différents pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire). Les postes dans ces institutions s’octroient par les partis politiques. Le président de la république une fois élu par le peuple, mènera tout pour qu’il ait la majorité dans l’Assemblée nationale. Le président de la république qui a déjà une majorité écrasante à l’Assemblée nationale, est en possession des 3 pouvoirs par le seul fait que les membres de la cour constitutionnelle sont nommés par lui et par le président de l’Assemblée. Ce qui lui facilite ses actions. La constitution doit être une garantie pour le peuple contre les discriminations, la corruption, le clientélisme, la gabegie etc. La justice doit être indépendante et non attribuée à des juristes politiques qui pour la plupart défendent la position du pouvoir même défaillant. La cour des comptes détachée de la cour suprême exerce les mêmes professions selon l’article 125 que le bureau du vérificateur général. Et ce statut selon moi doit être expressément attribué à ceux qui ont le statut de magistrats et non fonctionnaires issu de la fonction publique. Concernant la création du sénat, Le Mali étant un état unitaire, à moins qu’il soit une fédération à notre insu, n’a pas besoin d’une deuxième chambre. Sur le plan économique, si nous examinons la pertinence de la création d’un Sénat au Mali, nous devrions d’abord interroger l’échelle des coûts : Combien un député malien coûte par tête d’habitants ? Quelle est l’évaluation de leur charge de travail par semaine, au mois et dans l’année ? Quel est le nombre de projets de lois élaborées, votées et adoptées depuis leurs élections et le nombre d’heures consacrées aux délibérations? Et finalement quels seront les coûts de fonctionnement d’un Sénat malien? En plus d’un maigre budget déficitaire de l’État malien, ces résultats aideront les citoyens maliens à prendre une décision éclairée dans le cadre d’un référendum si la création d’une chambre haute se justifie.Ce qui nous pousse au constat que l’appareil étatique est contrôlé par une association politique qui n’exprime que l’expression d’une petite portion du peuple. C’est pourquoi, je proposerai que les points ci-dessus soient rejetés par l’Assemblée nationale.

* Mohamed Touré, Malien de la diaspora : ‘’ Il n’est jamais bon de réviser une constitution à une année des échéances électorales’’

Je pense qu’en l’état actuel des choses ce n’est pas une bonne chose, pour la simple raison que le timing n’est pas approprié. Pour un pays en guerre, ce n’est vraiment pas une priorité tout de suite, nous sommes presque dans une année blanche au niveau de l’éducation. Il faut aussi savoir que l’objectif de cette révision n’est pas encore connu de tous pour le moment. Il n’est jamais bon de réviser une constitution à une année des échéances électorale. Concernant la création d’un sénat, pourquoi le président doit avoir le pouvoir de nommer des membres de cette chambre qui est censée être pour le peuple. Cette référence à Kuru Kanfuga qu’on veut introduire dans la constitution malienne risque de générer des quiproquos. L’introduction de toute référence au Kuru Kanfuga dans la constitution malienne ne ferait-elle pas ombre aux autres faits d’armes et de l’histoire des autres peuples maliens. Que ferait-on des héritages de Sékou Amadou ? de Soni Ali Ber ? de Babemba Traoré? de Biton Coulibaly ? de Hambodédjo ? de Firhoun Ag Alançar ? d’Askia Mohamed ? des érudits de Tombouctou ? de Diocé Traoré ? Ne faisons pas bégayer l’histoire par nos prétentions de faire valoir un peuple sur les autres. Au Mali, nous sommes un conglomérat de peuples avec la volonté de vivre ensemble. L’empire du Manding a été bâti sur les ruines du Ouagadou. Il a été enseveli par l’empire Songhoy qui a duré plus d’un siècle. Pourquoi ne pas dire que nous sommes tous songhoy ? Et puis depuis quand le terme Kuru Kanfuga a fait son apparition dans le Mali moderne ? Nous avons étudié l’histoire du Mali à tous les niveaux mais ce n’est qu’au 21ème siècle qu’on parle de Kuru Kanfuga. Faisons attention, nous n’avons pas besoin de tout cela maintenant.

* Mamedy Diarra, président du mouvement Méritocratie Malienne : ‘’Cette révision constitutionnelle est un acte qui se fait sur le dos de la population’’

Pour moi, je ne dirais pas que je suis contre la révision constitutionnelle mais je pense que cette révision constitutionnelle aujourd’hui est un acte qui se fait sur le dos de la population. Les députés qui sont nos élus, c’est-à-dire nos yeux et nos oreilles doivent défendre l’intérêt supérieur du peuple face aux intérêts politiques des politiciens.

Propos recueillis par Boubacar Traoré, stagiaire

Source: Le Républicain

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