Constitution Française de 1958 :
ARTICLE 8. « Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement.
Sur la proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions. »
Constitution Malienne de 1992
ARTICLE 38 : « Le Président de la République nomme le Premier Ministre. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement.
Sur proposition du Premier Ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions. »
Comme chacun le sait, la Constitution malienne est calquée, sinon a une grande similitude avec la Constitution française de 1958. Pour la démission des Ministres et celle du Premier ministre, les dispositions sont les mêmes aussi bien dans la Constitution malienne que dans la Constitution française.
Même si elles peuvent paraître claires, dans la pratique, ces dispositions concernant la démission d’un Ministre ou d’un Premier Ministre peuvent éventuellement poser problème. L’exemple frappant a failli être le cas de démission d’un ministre en France au mois d’octobre dernier.
Pour le cas de démission d’un Ministre :
Une situation désespérante peut arriver si le démissionnaire (ministre) compte vite s’en aller après sa démission. Il peut être confronté à un refus poli du Président de la République pour raison d’Etat. C’est arrivé en France il y a 7 mois. En effet, on se rappelle que l’ancien ministre de l’Intérieur français Gérard Collomb avait présenté sa démission le 1er octobre 2018 au Président Emmanuel Macron qui l’avait refusée dans un premier temps.
L’Elysée avait rappelé justement cet article 8 de la Constitution française (l’article 38 de notre constitution de 1992), selon lequel « le président de la République, sur proposition du premier ministre, nomme les membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions ».
Histoire de rappeler que le Ministre peut présenter sa démission, mais que c’est le Président de la République qui met fin à ses fonctions (quand il voudra) et que ce dernier peut ne pas accepter ou en tout cas, retarder l’acceptation de la démission.
La non acceptation de cette démission du Ministre de l’Intérieur français par le Président Macron a créé un certain malaise et engendré des critiques de toutes sortes : « ministre intérimaire », « situation surréaliste », « qu’il aille s’occuper de ses petits-enfants », etc, sans compter les départs de certains conseillers du ministre après le dépôt de sa démission.
La Présidence française a réagi en ces termes : « Face aux attaques dont le ministre fait l’objet, le président de la République lui a renouvelé sa confiance et lui a demandé de rester pleinement mobilisé sur sa mission pour la sécurité des Français ». Bref, une situation malsaine et même gênante pour le ministre démissionnaire, malgré lui…
Le ministre a bien démissionné, mais le Président de la République est aussi dans son droit constitutionnel puisque c’est lui et lui seul qui met fin aux fonctions des ministres.
Le Président Macron n’a finalement accepté la démission du Ministre de l’Intérieur Gérard Collomb que trois (3) jours plus tard, alors que ce dernier, en démissionnant, était pressé d’aller s’occuper de sa Mairie de Lyon. Et si cette non acceptation de la démission par le Président Macron devait-elle durer plus de trois jours, voire des semaines (compte tenu de la sensibilité du poste – raison de sécurité) ?
Pour le cas de démission d’un Premier Ministre (sans la motion de censure) :
Cet article 38 de la constitution malienne (article 8 de la constitution française) pose un autre problème. Le Président de la République ne dispose pas du droit de révocation du Premier Ministre. Il faut la démission du Premier Ministre pour que le Président puisse mettre fin aux fonctions de celui-ci.
Certaines affirmations prétendent qu’avant d’être nommé, une démission NON DATEE pré-écrite est faite par le Premier ministre. Or, un tel document ne serait rien d’autre qu’un faux en écriture, sans valeur juridique et inutile, selon l’avis de bien des spécialistes en la matière.
Alors, trouver un artifice politique et non juridique (c’est-à-dire déposer une démission pré-écrite sans date) pour faire démissionner un Premier ministre ne paraît pas quelque chose de commode. Il faut, à notre sens, une mention juridique claire sans ambiguïté dans notre loi fondamentale pour faire démettre facilement un Premier ministre par le Président de la république qui l’a lui-même nommé.
Revoir cet article permettra d’éviter une éventuelle crise au sein de l’exécutif (sans qu’on en arrive à une motion de censure). La constitution française qui en est la référence a connu au moins 24 amendements.
De tout ce qui précède, nous constatons que le Droit constitutionnel a ceci de particulier qu’il est souvent sujet à des interprétations.
C’est pourquoi, il nous paraît bienséant de puiser dans notre patrimoine historique et culturel pour fortifier et consolider notre loi fondamentale. Je veux parler de la Charte du Mandé ou Charte de KURUKAN FUGA adoptée en 1236 dans laquelle les 44 articles qui la composent sont clairs, concis et précis.
A titre d’exemple, la question du genre, qui focalise toutes les attentions aujourd’hui, était bien traitée dans cette Charte de Kuru Kan Fuga de 1236 :
Article 16 : « Les femmes, en plus de leurs occupations quotidiennes, doivent être associées à tous nos Gouvernements. »
Alors qu’en France, les femmes n’ont obtenu le droit de vote qu’après la seconde guerre mondiale.
C’est à juste raison que l’écrivain sénégalais, Cheikh Hamidou Kane, 90 ans, l’auteur de « L’Aventure ambiguë », dans une interview au journal Le Monde en août dernier, préconisait de recourir à cette Charte du Mandé (ou Charte de KurukanFuga) pour redéfinir notre type d’organisation et modifier nos institutions africaines « calquées sur celles de l’Occident ». Selon l’auteur, « Il faut que l’Afrique redevienne elle-même en se basant sur les structures antérieures à la colonisation », dit-il.
Malheureusement, au Mali, il est regrettable de constater que pendant que plusieurs grands intellectuels africains et occidentaux, reconnaissent la valeur de cette Charte comme l’une des premières Constitutions du Monde, beaucoup de nos compatriotes maliens rechignent à faire référence à cette Charte, ne serait-ce dans le préambule de notre Constitution. Dommage !
Sidiki BOUARE
Médaillé du Mérite National
Malijet