Autant le processus de sortie de crise dans notre pays se veut inclusif, autant faudrait-il jouir d’une légitimité historique qui fonde certaines revendications. Toute chose qui manque cruellement au Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA) qui bloque le processus d’installation des Autorités intérimaires à Tombouctou, laissant planer de sérieux doutes sur ses motivations réelles.
Contrairement à ce que peuvent prétendre certains partis politiques de l’Opposition démocratique et républicaine, le processus de paix et de réconciliation s’est voulu inclusif et il l’est toujours. Outre les politiques, toutes les couches socioprofessionnelles y ont été associées. Aucun Malien de bonne foi ne saurait soutenir qu’il a été laissé sur le bord de la route dans le processus d’élaboration de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger qui représente le substrat naturel fédérateur de l’ensemble de nos concitoyens.
Le coup de semonce
En ce qui est de la mise en œuvre de ce document considéré par l’ensemble de la Communauté internationale comme étant le meilleur possible, il est indéniable qu’il y a eu des retards concernant plusieurs points. Ce, au point de susciter des fâcheries entre les membres du Comité de suivi de l’Accord en ce qui est de l’opérationnalisation du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) et de la mise en place des Autorités intérimaires.
Depuis quelques jours, le MOC qui est né dans la douleur, après l’attentat terroriste dont ont été victimes les éléments des premières patrouilles mixtes, est opérationnel à Gao. L’on annonce son opérationnalisation prochaine dans d’autres localités du pays.
Désormais, l’équation à résoudre porte sur l’installation des Autorités intérimaires à Tombouctou et Taoudénit. Des hommes lourdement armés du CJA contrôlent, en effet, les check points pour exprimer leur désaccord pour la mise en place desdites Autorités intérimaires. Pour démontrer qu’il ne lance pas des menaces en l’air, une source rapporte : « ce matin (Ndlr : Lundi 6 mars) il y a eu des tirs quand les combattants du CJA ont appris que la délégation a l’intention de décoller de Bamako pour Tombouctou. Ils ont tiré pour avertir que, si la délégation décolle, ils vont eux aussi occuper comme prévu tous les bâtiments administratifs et tous les lieux symboliques de l’administration à Tombouctou ».
Cette déclaration corrobore la menace et la mise en garde du colonel Abass Ag Mohamed Ahmed, chef d’état-major du CJA, qui annonce que ses troupes font fondre sur Tombouctou si les populations locales n’étaient pas impliquées dans la gestion du Conseil régional.
La forfanterie
Au-delà de la belle forfanterie de ce colonel, de quelle légitimité pourrait se prévaloir le CJA pour vouloir en imposer à la République et à la Communauté internationale ? Il est difficile de trouver une explication crédible à son intransigeance. Et pour cause ?
Primo, ce mouvement né comme une génération spontanée, en tant que tel, n’a aucun fait d’armes à son actif. Or, historiquement, c’est le vainqueur qui fait payer le tribut au vaincu. Il n’a donc rien à exiger de qui que ce soit. De surcroît, comme l’a dénoncé Koen Davidse, avec un pistolet sur la tempe.
Secundo, le CJA ne justifie d’aucune légitimité historique pour exiger quoi que ce soit. En effet, il ne fait partie ni des signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger (signé les 15 mai et 20 juin 2015 juin) ni l’Entente sur la mise en place des autorités intérimaires (du 19 juin 2016). L’accord pour la paix et la réconciliation a été signé entre le Gouvernement, la Plateforme et la CMA. Idem pour l’Entente pour la mise en place des Autorités intérimaires.
Cependant, la reconnaissance du document permet de jouir de mêmes droits et devoirs que les signataires.
Tertio, le CJA n’a été créé que le 10 octobre 2016. Les deux principaux documents de référence avaient déjà été signés (mai et juin 2015 pour l’Accord, et juin 2016 pour l’Entente).
Quarto, l’Entente détermine clairement ceux qui désignent les Autorités intérimaires et selon quelles modalités la désignation devrait se faire. Il dit en son point 2.3, des Autorités intérimaires : ‘’au niveau de la collectivité territoriale de Région, l’Autorité intérimaire comprend autant de membres que le Conseil régional qu’elle remplace.
Les membres de l’Autorité intérimaire de Région sont désignés de façon consensuelle par le Gouvernement, la Plateforme et la Coordination parmi les agents des services déconcentrés de l’État, la société civile et les conseillers sortants’’.
Or, il est évident que le CJA ne représente aucune de ces Parties (Gouvernement, Plateforme, CMA).
Par ailleurs, contrairement à ce que prétend ce groupuscule armé, la société civile est bel et bien prise en compte, puisqu’elle est du vivier dans lequel doivent être puisés les membres des Conseils de région.
Au regard des quatre considérations qui précèdent, l’on est fondé à soutenir que le CJA est coupable d’usurpation de qualité.
Pis, le CJA est mû par des considérations inavouées. Son acharnement à caser un de ses responsables (à la réputation sulfureuse en des matières douteuses) à la tête du Conseil de région est révélateur d’enjeux qui sont totalement étrangers à l’implication des populations locales. Mais ça aussi, ça va vite se savoir.
Par Bertin DAKOUO
Source: info-matin