Washington, bien qu’il ait condamné le coup d’Etat militaire qui a renversé Mohamed Bazoum, a fait ami-ami avec les militaires de Niamey. Les Etats-Unis sont allés jusqu’à adouber le pouvoir d’Abdourahamane Tchiani. Avec à la clé la remise le 2 décembre 2023 de la copie figurée des lettres de créance de la nouvelle ambassadrice américaine, Kathleen FitzGibbon.
Pour garder leur relation avec le Niger dans le seul but de sauver leurs installations militaires, installations stratégiques. A travers cette reconnaissance, la Maison Blanche et le département d’Etat américain ont voulu faire sortir progressivement le Niger de l’isolement diplomatique dans lequel certaines puissances et organisations régionales, notamment la France et la Cédéao, ont voulu le confiner depuis les événements du 26 juillet 2023.
Mais cette amitié n’a pas duré longtemps. Quatre mois après le retrait des troupes françaises du Niger, le 16 mars 2024 dans une directive, les autorités nigériennes ont dénoncé l’accord de coopération qui liait les deux pays. Niamey a fait comprendre aux Américains que leur gigantesque base aérienne 201 d’Agadez et ses 1100 soldats engagés dans la lutte anti-jihadiste sont désormais indésirables.
Avec cette directive d’un trait de plume, le général de brigade Abdourahamane Tchiani, le nouvel homme fort de Niamey, a annoncé la fin d’une relation bilatérale étroite avec Washington vieille de douze ans.
Il a justifié sa décision par le fait que cet accord a été imposé par les Etats-Unis, arguant qu’il n’a jamais été approuvé par les citoyens nigériens. Il a également reproché au pays de l’oncle Sam le manque de respect envers les normes diplomatiques, particulièrement durant la récente visite des officiels américains à Niamey.
Ce départ forcé est donc un immense revers stratégique pour Washington qui, jusque-là, s’était montré très conciliant avec les militaires.
Malgré cette dénonciation, le Pentagone a dû travailler par tous les moyens avec les autorités nigériennes pour déterminer s’il existe un moyen viable pour les troupes américaines de rester dans le pays.
Ce n’est un secret pour personne, le Niger est un point stratégique pour les Américains. Cette présence permet à l’armée américaine d’avoir un regard sur l’ensemble du Sahel et en particulier sur la Libye, qui est la voie d’accès vers la Méditerranée et d’y faire planer une menace armée.
D’où la présence des gigantesques moyens humains et matériels sur la base aérienne d’Agadez. Selon les derniers décomptes, il y a aujourd’hui sur les tarmacs deux avions de renseignement électromagnétiques, deux hélicoptères de manœuvre et surtout une dizaine de drones MQ 9 Reaper.
Dans ce nouveau bras de fer entre Washington et Niamey, des questions fusent de partout. Quelles implications en termes de sécurité nationale après le départ des Américains au Niger ? Quels sont les possibles scénarios futurs en termes de relations diplomatiques entre le Niger et les Etats-Unis ? Quel avenir pour les Américains dans le Sahel ?
Certains experts en sécurité affirment déjà que si un moyen viable n’est pas trouvé entre les deux parties pour le maintien des troupes américaines dans le pays, les conséquences seront énormes pour le Niger en proie aux attaques jihadistes, mais aussi pour l’ensemble de la région du Sahel.
“Le départ des forces américaines pourrait créer un vide sécuritaire, offrant potentiellement un avantage aux groupes terroristes actifs dans la région. En outre, les relations Niger-Etats-Unis sont fortement complexifiées par cette annonce. C’est le dernier signe en date de l’affaiblissement des liens entre les deux nations. L’impact sur d’autres aspects de la coopération bilatérale reste incertain mais sera obligatoirement important pour la population civile”, a analysé un expert en sécurité au Sahel.
Cependant l’hypothèse la plus plausible serait que les Etats-Unis voudront conserver des moyens de surveillance au Sahel. Déjà le Tchad peut apparaître comme une destination logique. Le pays est frontalier avec le Niger, il a une frontière commune avec la Libye. L’idée de créer des bases franco-américaines en Afrique de l’Ouest est évoquée avec insistance ces dernières semaines, même si pour l’heure rien n’est écrit.
Ousmane Mahamane