Communiqué: A la demande du Gouvernement malien, le conseil de sécurité a décidé de mettre fin au mandat de la MINUSMA au titre de la résolution 2640 à compter du 30 juin 2023.
Cette décision de nos autorités, incontestablement souveraine, nous place aujourd’hui, plus que jamais face à notre destin.
A cette occasion, je m’incline pieusement devant la mémoire de toutes les victimes, civiles et militaires, nationales et étrangères tombées depuis le début de cette crise pour que notre nation ne s’effondre pas. Notre peuple, fidèle à son Dambé, restera à jamais reconnaissant à toutes celles et tous ceux qui ont consenti au sacrifice ultime en son nom.
Si en décembre 2012, le déploiement d’une force internationale au Mali, décidé par le Conseil de Sécurité à l’unanimité de ses membres, à la demande du Mali, a été qualifié d’acte historique par le chef de la diplomatie malienne de l’époque, la demande d’un retrait sans délai de la MINUSMA par un autre chef de la diplomatie à un peu plus de dix ans d’intervalle, est toute aussi historique. Le peuple malien, les autorités maliennes se trouvent ainsi, par leur volonté, placés face à leurs responsabilités. Ce moment est plein de promesses assurément, et trouve son fondement dans cette volonté affichée de souveraineté retrouvée pour assurer notre développement et notre sécurité essentiellement par nos propres forces.
Ce moment est aussi celui des défis pour notre peuple et pour nos autorités. La MINUSMA, en dépit des reproches qui lui ont été adressés tout au long de ces années a néanmoins joué un rôle important dans cette période critique de notre histoire qu’il convient de saluer.
Chacune et chacun de nous, les autorités en tête, doivent faire en sorte de combler le vide ainsi créé dans certains domaines de la vie de la nation pour que cette décision historique soit bénéfique à l’ensemble de nos populations. Nous devrons à cet effet répondre à quelques enjeux majeurs que sont :
• La mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali pour lequel la MINUSMA a le plus souvent joué un rôle de facilitateur utile. La situation actuelle de défiance des parties de l’Accord constitue un facteur de complexification supplémentaire qu’il convient de prendre à bras le corps et sans délai ;
• La prise en charge des actions sociales, de construction et de réhabilitation d’infrastructures dans le Centre et le Nord du pays matérialisés par les multiples projets à impact rapide réalisés par la MINUSMA au cours des 10 dernières années. Il est maintenant reconnu de tous que s’il n’y a pas de développement sans sécurité, il n’y a pas non plus de sécurité sans développement ;
• La poursuite du renforcement de nos forces armées et de sécurité mais aussi de notre administration dans toutes ces zones dans lesquelles opérait et parfois résidait la MINUSMA pour qu’aucun vide ou presque ne suive leur départ d’une part et que la construction de la paix dans notre pays soit pérenne et en perpétuelle amélioration d’autre part ;
• Le renforcement significatif de nos organisations de droits de l’homme afin qu’elles soient davantage outillées, davantage crédibles, davantage audibles et que leurs paroles pèsent et soient suivies d’effet par les autorités en charge de la gestion de notre Etat. Plus que jamais, nous devons relever le défi de notre souscription à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 Décembre 1948 et à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981 ;
• La crédibilisation de notre justice pour que les enquêtes ouvertes, particulièrement tout au long de cette crise mais pas seulement, puissent être clôturées. Cela, nous ne le devons ni à la communauté internationale, ni même à la communauté régionale, nous le devons d’abord à nous-mêmes, et plus encore à tous ces morts auxquels justice n’a pas été rendue ;
• La mise en place d’alternatives crédibles et durables pour les centaines voire les milliers de nos compatriotes qui vont perdre leur emploi, pour les nombreux sous-traitants qui vont perdre leurs marchés, afin que notre économie déjà mal en point ne s’enlise davantage ;
• La réalisation de l’aide humanitaire en faveur de nos compatriotes frappés par le dénuement ; la situation humanitaire reste très alarmante avec près de 8,8 millions de personnes ayant besoin d’une assistance et près de 380 000 déplacés. De tous les enjeux, celui-ci est sans doute le plus crucial.
Dans cette optique, il est fortement recommandé, voire impératif que nos autorités nous rassurent en communiquant aussi vite que possible sur leur plan de mitigation des risques liés à cette décision souveraine et historique.
J’invite chacune et chacun de nous à redoubler d’ardeur et d’effort pour accompagner nos autorités à relever ces défis efficacement et durablement, car même la résilience de notre peuple, si souvent mise à l’épreuve en ces moments de notre histoire, a des limites.
Dans cette période qui s’ouvre, en écho à notre Ministre des Affaires étrangères, j’invite nos compatriotes à continuer à porter haut nos valeurs d’humanisme et d’hospitalité, notamment vis-à-vis de ceux qui s’en vont, après avoir peu ou prou, contribué à leur manière, à la construction de la paix dans notre pays.
Bamako le 2 juillet 2023
Moussa MARA
Ancien Premier ministre
Commandeur de l’ordre national