En s’embusquant derrière la Constitution pour braver les décisions des autorités, l’Opposition et les associations de défense des droits de l’Homme en font une lecture étriquée.
Dans un Communiqué du 28 novembre dernier, le FSD, la CoFoP et l’Adema Association, à grand renfort de publicité, avaient annoncé une ‘’grande marche populaire et patriotique, nationale, inclusive’’.
Le 4 décembre 2018, le Gouverneur du District prenait un Arrêté, interdisant toute manifestation sur des espaces et itinéraires précisés.
Dans une Déclaration conjointe, le 7 décembre 2018, le FSD, la CoFoP et l’Adema Association réagissent : ‘’en réponse à notre lettre du 4 décembre 2018 l’informant (comme le requiert la loi) d’un projet de marche pacifique, le Gouverneur du District a pris un arrêté interdisant tout le centre-ville de Bamako aux manifestations et aux réunions publiques. Cet arrêté est illégal. Il viole la Constitution du 25 Février 1992. C’est une provocation’’.
La brèche
L’Opposition est assurément dans une posture belliqueuse, en ayant une lecture tronquée de l’Arrêté du Gouverneur. Parce que n’importe quel apprenti juriste reconnaîtra qu’une décision de ce genre est prise dans le cadre de la préservation de l’intérêt général. Mais si l’Opposition se considère comme une menace sur l’intérêt général, c’est que très probablement l’Arrêté du Gouverneur est une réponse à sa lettre et en cela le premier responsable du District est dans son beau rôle de ne pas laisser prospérer la chienlit.
Une provocation de la part du Gouverneur ? Mais le Gouverneur ne fait que préserver l’intérêt général qui transcende les intérêts disparates de leaders d’opposition, lesquels envoient d’innocentes gens ‘’dealer’’ leurs prétentions dans les rues de la capitale. Si cela ne s’appelle pas provocation, on se demande ce que cela pourrait bien être.
La Constitution, la très sacro-sainte loi fondamentale, sert de refuge à tous les aventuriers.
Il est vrai que l’article 5 de la Constitution du 25 Février dispose : ‘’l’État reconnaît et garantit, dans les conditions fixées par la loi, la liberté d’aller et venir, le libre choix de la résidence, la liberté d’association, de réunion, de cortège et de manifestation’’.
La même Constitution dispose en son article 4 : ‘’toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’opinion, d’expression et de création dans le respect de la loi’’.
Certes, la Constitution garantit la liberté de manifestation, mais elle en encadre l’exercice, pour éviter les dérives possibles. C’est le sens de ces expressions : ‘’dans les conditions fixées par la loi’’, ‘’dans le respect de la loi’’ que l’Opposition ignore superbement.
C’est aussi le sens de la Loi n°05-047/ du 18 août 2005 portant Charte des partis politiques, qui stipule en son article 17: ‘’les marches ou meetings de protestation ou de soutien des partis politiques, ne sont pas soumis à une autorisation préalable. Cependant, les organisateurs sont tenus d’informer les autorités compétentes au moins 48 heures avant la date de la manifestation.
Les organisateurs assistent l’autorité publique dans le maintien de l’ordre’’.
L’article 18 stipule : ‘’ tout parti auteur de troubles ou de violences est sanctionné conformément à la loi’’.
L’inculture juridique
L’ordonnance n°036/PCG du 28 mars 1959 dit en son article 6 : ‘’tous cortèges, défilés, rassemblements de personnes et, d’une façon générale, toutes manifestations sur la voie publique et dans les lieux publics sont soumises à une déclaration préalable à l’autorité administrative, maire, chef de circonscription.
Cette déclaration doit faire connaître le nom et l’adresse de trois organisateurs, le jour et l’heure de la réunion, son objet ainsi qu’éventuellement l’itinéraire prévu pour le cortège ou le défilé ; la déclaration doit être signée par les trois organisateurs désignés, elle intervient vingt heures franches au moins et huit jours francs au plus avant la date du rassemblement. L’autorité qui reçoit la déclaration délivre immédiatement récépissé.
Le maire, le chef de circonscription administrative, selon le cas, et en dernier ressort le ministre de l’Intérieur peuvent interdire la manifestation si elle est de nature à troubler l’ordre public ; la décision d’interdiction est immédiatement notifiée aux organisateurs’’.
Par autorité administrative compétente, il faut entendre : le maire, les représentants de l’État (Gouverneur, Préfet, sous-Préfet,) et en dernier ressort le Ministre en charge de l’Administration territoriale et des Collectivités locales. Ceux-ci peuvent interdire les manifestations, lorsque celles-ci sont de nature à troubler l’ordre public. La décision d’interdiction est immédiatement notifiée aux organisateurs.
La liberté de manifestation n’est donc pas extensible à souhait, contrairement à ce que veulent faire croire à l’opinion des apprentis juristes.
Il faut noter également que le Gouverneur, dans son arrêté, prend pour motif l’état d’urgence en vigueur dans notre pays. Or, la Loi n°87-49/AN-RM du 10 août 1987, relative à l’état de siège et à l’état d’urgence, dit clairement à son article 7 : ‘’la déclaration de l’état d’urgence donne pouvoir à l’autorité administrative compétente (…) d’interdire, à titre général ou particulier, tous cortèges, défilés, rassemblements et manifestations sur la voie publique’’.
Alors, pour l’opposition, s’agit-il d’une inculture juridique ? Un déni de droit et la mauvaise foi ? En tout cas, il va falloir trouver mieux qu’un fétichisme constitutionnel et son corollaire de juridisme rébarbatif.
PAR BERTIN DAKOUO
Source: info-matin