Les forces françaises de l’opération Barkhane sont au Mali depuis cinq ans. Mais leur rôle là-bas n’est pas toujours bien compris en France. Didier François, spécialiste des questions de Défense sur Europe 1, s’est rendu sur place afin de constater leur apport auprès des populations locales.
“Il faut se souvenir de ce qu’était cette zone en 2013, une zone de non-droit avec des djihadistes et des groupes armés terroristes, qui contrôlaient l’ensemble de la partie nord du pays”, explique d’emblée le colonel Jean de Monicault, qui dirige en ce moment les opérations dans la région de Ménaka. Son rôle est bien d’empêcher les terroristes de reconstituer leurs forces à partir des zones très isolées où ils ont trouvé refuge.
“Actuellement, le nord est pacifié et à Ménaka, il y a un gouverneur. Il n’y a plus de groupes armés qui se promènent avec des armes en ville. Maintenant, il y a un camp dans lequel il y a une unité malienne en permanence, ce qui était inconcevable il y a quelques mois”, détaille-t-il au micro de Didier François.
Seulement, 4.500 hommes pour contrôler une zone comme le Mali, qui fait deux fois la taille de la France, ou le Sahel, qui fait la taille de l’Europe, c’est peu. L’idée principale, c’est de s’appuyer sur les armées locales et faire monter en puissance les armées africaines. Elles sont chez elles, elles connaissent le terrain. Le problème c’est qu’elles sont souvent très faibles avec des officiers parfois corrompus. En revanche, elles ont de bons soldats, de bons combattants dès lors qu’ils sont bien commandés et bien encadrés.
“Il faut être patient, certes. Tout cela s’inscrit dans le temps long. Ça a toujours été le cas dans tous les conflits. Mais on voit bien en prenant un peu de recul, que les choses progressent de façon très significative”, complète le colonel Jean de Monicault.
L’un des gros efforts fourni par Barkhane est donc d’intégrer des unités africaines dans chaque opération de combat. Avec en parallèle, un entrainement, comme cette formation dispensée par les légionnaires du lieutenant Anthony, qui porte sur la façon dont il faut interpeller un suspect sur un barrage routier. “Je trouve ça utile. Il nous a appris certaines qu’on ne savait pas auparavant”, confie un soldat.
“On est actuellement en train de conduire une instruction ‘contrôle de pick-up’, qui est véritablement la base du travail ici. On force vraiment les Maliens à être sur le devant de la scène et ce sont véritablement eux qui réalisent ces contrôles. Nous, l’armée française, on préfère rester en appui. On n’est clairement plus dans une phase offensive, on est vraiment sur la stabilisation du pays. Il faut redonner confiance et autonomie à cette armée malienne. Pour la plupart, ils ont envie d’apprendre et de participer à la protection de leur pays”, explique le lieutenant Anthony.
Du côté des populations locales, la présence de forces françaises est bien perçue. Chez les gens simples, sur les marchés, dans les villages, la crainte, c’est un départ trop rapide des Français et le retour des djihadistes. D’autant qu’une fois la sécurité rétablie, Barkhane concentre ses efforts sur la stabilisation des zones libérées en soutenant les activités économiques de base, les laiteries, les coopératives agricoles…
Comme le fait ce capitaine en installant des panneaux solaires et en creusant des puits : “La mission première de l’armée française actuellement au Mali, c’est bien la lutte contre les groupes armés terroristes. On peut arracher la mauvaise herbe mais si derrière, on ne replante pas quelque chose, c’est la mauvaise herbe qui va repousser. Donc notre travail est de donner l’accès aux besoins primaires, l’accès à l’eau, l’accès à l’alimentation, pour que la population puisse être complètement autonome.”
C’est à la demande du maire que les soldats français ont creusé un puits : “Barkhane a tous les appareils nécessaires pour avoir de l’eau.” Pour lui, l’opération Barkhane “sert vraiment à quelque chose”, notamment sur “la tranquillité” grâce à la sécurité. “Ils sont en train d’œuvrer aussi” pour “le développement”, assure-t-il. Et si en France, le rôle des forces françaises n’est pas toujours très bien compris, ce n’est pas le cas sur place : “Vous êtes loin. Vous êtes en France, eux, ils sont en Afrique. Nous, les Africains qui sommes avec eux ici en Afrique, on voit. Ils font quelque chose ici.”
Source: europe1