Assailli de toutes parts par les récriminations et désaveux, le Premier ministre Choguel Maïga, à peine remis d’un isolement médical, devait affronter une autre épreuve laborieuse : rebondir de sa marginalisation dans ce qu’il reste de son camp politique, après une première cassure du M5-RFP.
C’est visiblement pour déjouer les conséquences politiques d’un autre éclatement irréversible qu’il a beau tenter d’élargir son champ d’influence à l’ensemble de la classe politique. Il s’y est pris par l’improvisation d’une rencontre avec les partis politiques, une démarche qui a dû pécher à la fois par amateurisme et inélégance. Et pour cause, les principaux animateurs de la scène politique, approchés par nos soins, lui ont tous reproché de n’en avoir pris connaissance qu’à travers les réseaux sociaux. Ça n’est peut-être pas la seule raison pour laquelle la crème des états-majors politiques aura brillé par son absence dans une salle où le faible retentissement de la clameur en disait long sur le degré d’engouement. La bouderie intervient aussi dans la foulée d’une longue rupture des ponts entre Choguel Maïga et son ancien milieu naturel, qui n’a jamais autant souffert d’ostracisme que depuis l’avènement du président du MPR aux commandes du gouvernement : dépolitisation de l’attelage gouvernemental ainsi que de l’administration, sevrage financier des formations politiques privées d’aides publiques légales par son indifférence, etc. De quoi en déduire que les partis politiques ont peut-être répondu à l’invitation opportuniste du PM avec la même indifférence qu’il a souvent affichée à leur égard. Pour être intervenue, par conséquent, dans l’arythmie de la convivialité normale avec le chef du Gouvernement, l’initiative de la Primature aura souffert d’un déficit d’adhésion indigne de la notoriété de l’Exécutif à ce niveau de représentativité, avec notamment l’absence notoire des plus grands animateurs de la scène politique. Le Premier ministre s’est néanmoins suffi de l’audience disponible pour véhiculer un message dont l’insipidité donne peu de raisons aux grands absents de regretter leur posture absentéiste. Au lieu des pertinents sujets annoncés, en effet, l’adresse n’aura rien offert de plus que les envolées lyriques habituelles empreintes d’introversion et de prédominance du «je». En lieu et place des développements et échanges attendus sur la sortie du Mali de la CEDEAO – ou encore les dialogue inter-Maliens présenté comme «nouvelle étape de la transition», l’audience a plutôt eu droit aux traditionnelles incriminations.
Quant aux sublimes attentes et la raison d’être de la classe politique ont été royalement reléguées au rang d’accessoire au profit des préoccupations et inquiétudes personnelles du PM. Celles-ci transparaissent notamment dans l’insistance excessive sur l’histoire et la solidité de ses liens avec le pouvoir suprême ainsi que dans ses clins d’œil incessants aux relents d’imploration du chef de l’Etat pour un maintien à son poste. Pour ce faire, tout y passe : la laudation et le dithyrambe le disputent à l’aveu d’allégeance jusqu’à la prédisposition à la consécration du tout militaire au détriment du politique, son milieu naturel. La complaisance dans l’autoflagellation va même lui inspirer une culpabilisation de ses interlocuteurs politiques qu’il tient implicitement pour responsable de tous les revers que l’armée a connus sur les théâtres d’opération. Pareille posture peut contribuer à sauver des liens de collaboration, mais elle n’est pas à la hauteur de la dignité de la fonction qu’elle prétend préserver.
A KEÏTA