Dans sa publication, le ministre a été explicite : le Togo souhaite intégrer l’AES afin de renforcer la coopération régionale et d’offrir un accès à la mer aux pays membres. Cette démarche marquerait un tournant majeur dans la politique africaine du pays, articulée autour de trois priorités stratégiques notamment , l’accès maritime via le port de Lomé, plaque tournante incontournable pour les États enclavés de l’AES ; une unité politique renforcée face aux défis sécuritaires et géopolitiques ;la souveraineté africaine comme pilier commun, en marge des influences extérieures.
Cette volonté d’adhésion dépasse alors selon les explications du chef de la diplomatie togolaise, le cadre purement économique. Depuis le coup d’État au Niger, le Togo s’est imposé comme un partenaire clé de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), alliant neutralité diplomatique et pragmatisme commercial. Grâce à son port en eau profonde, véritable poumon logistique pour le Burkina Faso, le Mali et le Niger , le pays capte déjà d’importants flux commerciaux (ciment, hydrocarbures, denrées alimentaires). En rejoignant l’AES, le Togo pourrait consolider son rôle de corridor vital, tout en négociant des accords préférentiels pour ses exportations. Il pourrait également bénéficier des ressources sahéliennes (or, bétail, coton) pour son industrie locale. Enfin le Togo devrait peser dans l’architecture sécuritaire régionale, via des coopérations militaires ou anti-terroristes.
Cette alliance, si elle se concrétise, ferait du Togo un pont entre l’Afrique côtière et le Sahel, tout en réaffirmant une autonomie collective face aux blocs traditionnels.
AES-Ghana : une concurrence inquiétante pour le Togo ?
Pour certains observateurs, la volonté du Togo de rejoindre l’AES pourrait se baser sur le fait que ce dernier chercherait à devancer son voisin, le Ghana, qui pourrait prendre une place stratégique en proposant son port comme alternative aux pays sahéliens. Le Ghana s’est en effet rapproché de l’AES depuis la réélection du président John Dramani Mahama. Ce dernier a exprimé sa volonté de renforcer la coopération avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger, tout en réparant les relations dégradées sous le mandat de son prédécesseur, Nana Akufo-Ado. John Mahama a d’ailleurs effectué une tournée dans ces pays pour promouvoir sa vision.
Cette nouvelle posture du Ghana pourrait, selon certains experts, représenter une mauvaise affaire pour le Togo, jusqu’alors partenaire privilégié de ces trois États sur le plan économique. Pour le pasteur Edoh Komi, président du mouvement Martin Luther King et Premier adjoint au maire du Golfe 2 à Lomé, « si le Ghana se repositionne, le Togo perdra, car les pays de l’AES ne se tourneront plus exclusivement vers le port de Lomé, mais aussi vers celui d’Accra ». Il souligne que le Togo doit désormais mener une diplomatie économique proactive pour préserver ses avantages commerciaux.
Réactions des Togolais : entre soutien, scepticisme et indifférence
Si une partie de la population togolaise soutient cette initiative, d’autres se montrent dubitatifs, voire indifférents, considérant que cette question n’est pas la priorité du moment.« Il faut être prudent. Nous ne devons pas adhérer à l’AES simplement pour y être. Qu’en attendons-nous concrètement ? Nous avons déjà eu une expérience avec la CEDEAO… L’AES peut être une bonne chose, mais il faut savoir dans quoi nous nous engageons. »
« Ce n’est pas l’adhésion à l’AES qui résoudra nos problèmes. Ce que l’AES propose nous intéresse, mais nos dirigeants en font-ils autant ? La jeunesse souffre. Il faut d’abord nous satisfaire avant d’ajouter d’autres engagements. », ont confié des citoyens togolais au micro de TOUT TV AFRICA.
La publication du ministre Dussey sur une éventuelle adhésion du Togo à l’AES a finalement été retirée de ses comptes sur les réseaux sociaux. Cette démarche est interprétée par de nombreux analystes comme le signe d’une hésitation, notamment en raison de la présence du Togo au sein de la CEDEAO. Pour ces experts, si le gouvernement togolais souhaitait réellement rejoindre l’AES, l’annonce aurait dû passer par des canaux officiels. Le retrait des publications aurait pour but , selon eux , d’éviter toute confusion, dans l’attente d’une position claire.
À noter que les pays membres de l’AES, pour leur part, restent silencieux sur cette éventuelle adhésion. Ils réaffirment régulièrement leur ouverture à des partenariats gagnant-gagnant avec les pays amis, sans plus de précisions.
Source: toutafrica.com