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Régime de transition malienne : Transition électoraliste versus transition refondatrice

Telle semble la dichotomie du débat public au Mali depuis un certain temps. Le thermomètre politique national est entré en surchauffe. Sitôt les 3 premières semaines de la Transition passées et plus encore depuis la mise en place du CNT, les sirènes sont en éveil, le débat s’anime, les thèses s’entrecroisent. Aujourd’hui pêle mêle, Appel Citoyen pour la Réussite de la Transition (ACRT) appelle à la candidature à l’élection présidentielle du Colonel GOITA, vice-président de la Transition ; le Comité Stratégique du M5RFP décrète des actions de terrain ; l’Imam Mahmoud DICKO à travers un Manifeste adressé au peuple, sort de sa réserve et renoue avec le terrain politique.

 

Tant que ça se limitait, à mettre face à face des visions différentes, des opinions diverses, s’était tout bénef pour l’ensemble de la nation, par conséquent une situation heureuse et bienvenue. Mais hélas, on constate graduellement que la situation dépasse les contradictions de perception et d’orientation. Le climat se charge peu à peu d’incertitudes, de risques voir d’enlisement pour la relative stabilité du pays. Les évènements s’enchainent et se suivent, on se dirigeinexorablement vers le raidissement, les écueils deviennent lourds d’incertitudes pour le corps Mali en état de convalescence : à l’incertitude politique et l’insécurité récurrente que nous vivons, s’ajoutent un climat socialnauséabond (grèves, revendications, vie chère, surenchères et désinvoltures sur les réseaux sociaux).

Si on n’y prend garde, on reformate les ingrédients qui ont précédé le 18 Aout 2020 et le cycle infernal de l’instabilité politique chronique est reparti. Aussi à la faveur de 2 débats,où j’ai été invité, respectivement sur Cherifla TV(1) et Radio Kledu(2) autour de thèmes : Les autorités de Transition ont-elles la légitimité de modifier la Constitution de 1992 ? etSituation politique et vie chère – l’idée d’une mission citoyenne m’est venue de m’adresser par voie de presse à mes compatriotes. A travers cet article, j’apporte ma modestecontribution à l’éclairage de la période charnière que constitue les 18 mois de transition mais plus encore je sollicitehumblement des acteurs, plus de modération, plus de retenue pour une sortie heureuse de cette Transition.

D’abord faisons une rétrospective et mettons-nous d’accord sur les mots et expressions. Ce qui s’est passé au Mali le 18 Aout 2020 ne s’appelle pas autrement, mais bien COUP d’ETAT.

Il est apparu accommodant pour les leaders de la contestation contre le régime décadent de IBK d’appeler le coup de force militaire par le terme élégant de “démission” et l’habillage démocratique du forcing de fin d’un mandat en cours par l’expression “parachèvement  de la lutte du peuple”. Soit, sans revenir sur le contexte et la faiblesse de la gouvernance de l’ancien régime et sans remonter le cours des régimes successifs de Mars 91 à Aout 2020, on est fondé à affirmer que les conditions objectives d’une nouvelle irruption de l’armée dans le jeu politique étaient réunies dès lors que les acteurs politiques en étaient arrivés à un niveau d’antagonisme exacerbé et irrémédiable, le soutien de la majorité étant désormais aléatoire et le Président de la République (PR) encore plus en déphasage de la réalité  : les partis de gouvernement, la majorité irritée de la tournure et de l’issue finale des élections législatives, le RPM écartelé entre des clans antagonistes avec un arbitrage partial du PR lui-même, la naissance d’un nouvel acteur politique la CMAS, le raidissement de l’Opposition légale et pour couronner le tout l’effet COVID, sous-estimé et mal géré quant aux restrictions et privations.

Pour la junte du CNSP, le déni de l’expression “Coup d’état” visait à contenir les réactions extérieures virulentes et  à faire barrage à la non reconnaissance des nouvelles autorités par la communauté internationale avec la CEDEAO comme cheval de prou.

Coup d’Etat donc,  mais indéniablement opération salvatrice et moindre mal par rapport à la situation de blocage politique du moment et de l’aventure apocalyptique qui se dessinait. Les maliens dans leur majorité ont compris ou du moins acceptéavec un brin de fatalisme, le renversement du gouvernement légal  comme solution de délivrance d’un statuquo chargé de périls. La sortie des nouveaux maitres sur le Boulevard de l’indépendance et les ovations aux délégués de la junte quelques jours après les évènements sont, à cet égard, révélatrices.

Soyons, par conséquent clair, le régime actuel de la Transition  est bel et bien un régime d’exception. Les assises nationales et l’adoption de la charte ont certes fini par donner une onction de légalité, par gentleman agreement,  les acteurs ont tracé un cadre et une durée à la Transition. Ce régime a vocation principalement i) à assurer la continuité de l’Etat et ii) à nous conduire à la légalité constitutionnelle véritable, à la légitimité d’un pouvoir plébiscité par le peuple souverain.

Par voie de conséquence, la Transition ne saurait être la victoire d’une partie du peuple contre une autre partie, elle ne saurait non plus consacrer la victoire d’un camp sur un autre ” l’armée (les colonels) ne peut domestiquer les civils et hors de question de retirer le pouvoir à un régime élu même défaillant pour le rendre à un conglomérat hybride de politiques et associatifs même engagé et volontariste sans le verdict de l’élection ».   La Transition se doit d’être neutre, désintéressée et à équidistance des acteurs politiques.           La Transition est en place pour 18 mois, et 6 mois se sont d’ores et déjà écoulés, elle se doit (sécurité et continuité de l’Etat inclus) demieux gérer le temps restant imparti à travers

1) la lutte implacable et non sélective contre la corruption, sans a priori

2) la mise en place des réformes politiques et institutionnelles issues  des concertations nationales, du DNI  et des assises nationales de la Transition

3) l’organisation des élections

Aux autorités de Transition, Chers Mesdames/Messieurs,favorisez l’inclusion de tous les bords sociopolitiques, de toutes les énergies. Tous les acteurs doivent être consultés et impliqués à chaque étape du processus de transition, les décisions doivent tenir compte de toutes les idées émises. On ne peut gérer raisonnablement la cité sans les acteurs politiques !!!

A la Transition de créer les conditions de participation idoines pour tous, aux acteurs d’éviter l’auto exclusion à travers surenchère et diktat. Très clairement, les Autorités portent la responsabilité pleine et l’impérieux devoir de mener à termedans le délai imparti la Transition. Par conséquent, elles doivent concilier l’impératif de participation et d’inclusion  avec la nécessité du retour à l’ordre démocratique et constitutionnel de fonctionnement de l’Etat Moderne dans la limite des 18 mois. Hors de question qu’elles se laissentdistraire et oublient ainsi le sacerdoce du devoir historique et sacré : Servir le Mali quel qu’en soit le prix

Pour revenir au cœur du débat, la Transition est réformatrice et électoraliste, trop d’énergies sont  dépensées à opposer desthématiques théoriques conciliables. Transition Réformatrice ou Transition Electoraliste, que des débats de positionnement, qui ne participent pas forcement de la construction ou de la consolidation du pays. Soyons clairs, tout citoyen malien a pour leitmotiv la refondation “Malikouraw”. Les acteurs politiques, le M5RFP, EPM (ex majorité présidentielle), les autorités de Transition à travers le Ministère de la Refondation de l’Etat, chargé des relations avec les institutions, ne disent pas autre chose. Cependant, Refondation ne saurait êtreincantation ou slogan, et elle ne requiert nullementl’organisation d’un énième fora national.

Tous les éléments liés au concept de refondation ont déjà été identifiés à travers les assisses passées. Il s’agit ni plus ni moins de commencer l’application des décisions, résolutions et recommandations de ces différentes assisses et de laisser aupouvoir légitime qui sortira des urnes en Mars 2022, le prolongement des reformes.

Aujourd’hui, remettre en cause  la légalité du CNT et demander sa dissolution, au prétexte du mode de désignation de ses membres, fait fi de la désignation du Président, du Vice-Président et du Premier Ministre, qui l’ont été par collègeet par cooptation. Pourtant, il ne viendrait à l’idée de personneaujourd’hui de déférer devant les juridictions la désignation du Président, du Vice-Président et du Premier Ministre.

Le CNT est un fait, comme le sont la présidence, la vice-présidence et la primature pour la Transition. Les membres désignés proviennent de divers horizons : des hommes et des femmes, civils et militaires,  jeunes et moins jeunes, politiques et associatifs, privés et publics, de l’art et de la culture, des personnes handicapées etc… la diversité est clairement intégrée.

J’entends bien qu’une désignation a fatalement sa part de subjectivité et alors, aucune désignation ne fait l’unanimité. Oui dans l’absolu, il aurait été préférable que les conditions de désignation soit mieux soignées et  distillées avec plus encore de transparence, que les corporations et entités s’entendent sur des noms de représentants mais vouloir refaire l’histoire aujourd’hui nous mènera où ?

L’inclusivité CNT est plutôt  à rechercher par les conseillers avec à leur tête le Président du CNT. A ce propos, les acteurs en face doivent comprendre qu’inclusion ne veut pas forcement dire venir gérer. L’inclusion c’est tenir compte des propositions et avis de tous. Chaque partie doit jouer le jeu en pensant à l’intérêt supérieur de la nation. En conséquence, les membres du CNT se doivent d’être l’expression du pays réel, de traduire les aspirations du malien moyen, d’écouter la classe politique et les partenaires sociaux. Le travail « parlementaire » du CNT doit permettre d’établir et de faire connaitre l’état des lieux de la nation : toute l’opacité réelle ou supposée de la gestion publique passée doit être connue de l’opinion publique nationale (et internationale). Ce faisant, et par l’exemple faire comprendre aux organes en place que l’œuvre et les comptes de la Transition seront audités à la findu processus.

Ne nous trompons ni de combat, ni de calendrier, l’heure est à l’union sacrée de toutes les filles et de tous les fils de ce pays. Au regard de la situation sécuritaire, du climat social délétère et de la faiblesse de nos institutions politiques, ressaisissons nous, seule l’entente et la paix retrouvées de la majorité des maliens pourront nous permettre de passer le cap. Y a péril en la demeure, le temps est à la pondération, les tiraillements et atermoiements nous conduirons indubitablement  vers l’abime et la déchéance. A tous les protagonistes, un seul mot d’ordre, ayez pour une fois pitié du Mali et des Maliens et cela y va de votre propre intérêt car pour gouverner il vous faut un Territoire, un Peuple et des Institutions.

Aucune malice, aucune prophétie nourrie d’arrière-pensée  ne pourront plus abuser le malien. Trop c’est Trop ! Sachez que le peuple malien ne se laisserait pas indéfiniment manipulé par une partie des élites, qui ne sont d’ailleurs d’accord que sur un seul point : arriver par tous les moyens au pouvoir d’Etat et s’y maintenir vaille-que- vaille. Le peuple malien est suffisamment intelligent et à présent averti, il s’est nourri d’épreuves durant 60 années d’histoire. Le peuple malien a fait la preuve de sa très grande résilience.

Que tous (syndicats, corporations, partis politiques, associations) œuvrent pour la parfaite réussite de la transition avec en ligne de mire, le salut et le seul bénéfice du Mali aujourd’hui malade et impotent.

Amadou Alpha SISSOKO

    Expert/Formateur

Consultant Indépendant

    Source : SG du CREM

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