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Redécoupage: les principaux griefs

Si la version d’un projet de loi, portant création des Collectivités territoriales en République du Mali qui circule en ce moment est à prendre avec des pincettes, il y a tout de même une certitude : il rencontre une forte résistance d’associations et de citoyens. Les griefs ne manquent pas…

Comme si elles s’étaient passé le mot, plusieurs associations sont sorties de leur gong pour pointer du doigt ce Projet de création des Collectivités, chacune s’appuyant sur ses propres griefs.

La bombe sociale
Ainsi, l’Association ‘’Gao Lama Borey’’ reproche au ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation de se cacher derrière l’Accord issu du processus d’Alger pour créer des circonscriptions, en l’occurrence des cercles qui seront tous à dominante Touareg ou Arabe et cela, au détriment des aires géographiques des autres communautés alors que l’Accord n’en parle nullement pas.
Elle reproche également au ministre Ag ERLAF de prétendre morceler la région de Gao pour la réduire au lit du fleuve Niger ; d’amputer le cercle d’Ansongo de deux communes pour en faire des cercles…
Pour cette association, les préoccupations sont clairement orientées vers les aspects ethniques et de privilège territorial.
Quant au Cadre de concertation des Kel-Ansar (G18), dans son Communiqué du 9 octobre, il voit dans le Projet gouvernemental une source potentielle de conflit ‘’en raison du non-respect d’un principe fondamental, la consultation des populations sur toute forme d’organisations les concernant’’. Ici, c’est le caractère attentatoire aux libertés fondamentales des populations qui est pris à partie.
‘’IR-Ganda’’ n’est pas en reste de cette vague de contestation du Projet de création de nouvelles Collectivités territoriales. Le Mouvement exprime sa ferme réprobation dans un Communiqué où il dénonce : ‘’le caractère discriminatoire du contenu du texte qui ne prend pas en compte les réalités spatiales, sociales et économiques de nos populations (…).’’

La complaisance
Certains citoyens s’accommodent mal de la configuration du Projet de découpage territorial. C’est le cas de ce juriste-Assureur, Conseiller municipal en Commune II du District qui se fend d’une démonstration sur la blogosphère. Pour lui, avec une augmentation du nombre de Cercles dans les régions de Kidal, Ménaka et Taoudénit (18 en tout), chaque Cercle étant une circonscription électorale, au regard de la Loi électorale en vigueur, le nombre de représentants des populations de ces régions à l’Assemblée nationale s’en trouverait sensiblement augmenté. Il fustige ainsi le déséquilibre subséquent: ‘’ici aussi si l’on prend le Cercle comme circonscription électorale, la Région de Taoudenit, 8 cercles (moins de 300 000 habitants) aura plus de Sénateurs que celle de Sikasso, 4 Cercles (avec plus de 1 million d’habitants)’’.
Pour un autre internaute, ce Projet de création des Collectivités territoriales en République du Mali ‘’ne répond en rien à une nécessité administrative, mais relève d’une volonté manifeste de faire toujours plaisir aux mêmes (Ndlr : Les Mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation)’’.
Comme on peut le voir, il y a une diversité de raisons pour lesquelles les uns et les autres rejettent le Projet.

La constance du principe
Toutefois, sur le principe d’un redécoupage administratif, il n’y a pas lieu de jouer à la vierge effarouchée. Il y a bien des dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. À titre illustratif, l’article 1er de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali souligne la : ‘’(…) prise en charge par les populations de la gestion effective de leurs propres affaires, à travers un système de gouvernance prenant en compte leurs aspirations et leurs besoins spécifiques (…)’’.
L’article 6 de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali stipule également que :
‘’ (…) Les populations maliennes et en particulier celles des régions du Nord auront dans ce cadre à gérer leurs propres affaires sur la base du principe de la libre administration (…) ;
‘’(…) améliorer la représentation des populations à l’Assemblée nationale par l’augmentation du nombre de circonscriptions électorales et/ou toutes autres mesures appropriées (…)’’.
Toujours sur le principe d’un redécoupage administratif, il faut remonter aux États généraux de la décentralisation, tenus les 21, 22 et 23 octobre 2013, au CICB. Parmi les recommandations au niveau Thème 9, il y avait : ‘’la réorganisation territoriale en lien avec l’approfondissement de la régionalisation’’ ; ‘’mettre à profit un découpage territorial résultant d’un dialogue inclusif en créant de nouvelles collectivités pour régler des aspects sécuritaires, sociaux et économiques’’.
Il ne faut pas non plus perdre de vue que l’initiative a germé sous le Président Amadou Toumani TOURE. Le Projet de découpage qu’il proposait, à l’occasion de son discours de Nouvel An 2011, comptait : 1 District ; 19 Régions au lieu de 8 actuellement ; 78 cercles à la place des 49 cercles que compte notre pays et 348 Arrondissements à la place des 285 existants.

Le réveil des antagonismes ?
Sur la forme, le Gouvernement a probablement péché par déficit de communication, par manque d’inclusivité des populations qui n’auraient pas été suffisamment associées à la démarche. Il s’agit en tout cas de griefs soulevés par certains opposants au Projet de redécoupage.
Éventuellement, il faudrait y ajouter la tare congénitale de notre décentralisation qui est la non-prise en compte des réalités culturelles, historiques de localités qu’on additionne de façon mathématique, sans réellement intégrer les notions de fiabilité et de viabilité.
In fine, à l’analyse des différentes réactions, l’on ne peut s’empêcher de noter, avec inquiétude, le réveil des antagonismes latents, l’exacerbation du réflexe identitaire, la tendance à jeter le bébé avec l’eau du bain. Autant le Projet en cours d’élaboration ne devrait apparaître comme une camisole de force, autant les populations devraient faire violence sur elles-mêmes pour s’inscrire dans une démarche globale. Parce que la paix n’a pas de prix.
Par Bertin DAKOUO

Source: info-matin

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