Fantasme, vue de l’esprit, comique : une pluie de qualificatifs ne suffirait pas pour caractériser la requête en récusation de six juges sur neuf de la Cour constitutionnelle, introduite par le Directoire de campagne du Candidat Soumi champion. Apparemment, le challenger du Président sortant perd les pédales pour n’avoir été crédité que de seulement 17,80% des voix, à l’issue du 1er tour de la présidentielle, selon les résultats provisoires définitifs du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation.
Sur la base du chronogramme de l’élection du Président de la République de 2018, les candidats à ce scrutin sont tenus de faire des réclamations, seulement les 4 et 5 août 2018, contre les résultats provisoires, proclamés par le ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation (MATD).
Le camp du candidat de la Restauration de l’Espoir, tout comme ceux des candidats Aliou DIALLO et de Cheick Modibo DIARRA ont saisi cette perche tendue par la loi. Pour le seul directoire de campagne de Soumi champion, on parle d’une vingtaine de requêtes, portant sur différentes irrégularités ayant émaillé le scrutin du 29 juillet 2018. Tout cela se mène sur fond de bataille de bataille acharnée avec ses poursuivants immédiats, pour la 2e place, synonyme de qualification au second tour.
A la différence des autres candidats contestataires des résultats communiqués par le département de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Soumi champion, à travers son conseil, a introduit une requête en récusation de 6 juges constitutionnels, dont la Présidente de l’auguste juridiction.
Les contestataires, s’ils ne se montrent pas jusque-là particulièrement démocrates, semblent cependant épouser les principes républicains en décidant d’en référer à la Cour constitutionnelle pour leurs réclamations.
Le comique de l’affaire, c’est justement le fait de récuser les juges constitutionnels que le directoire de campagne de Soumi a pourtant saisis autant pour ses requêtes que pour leur demander de se récuser. La turlupinade est de classe mondiale : on récuse 2/3 des 9 juges et on leur demande de trancher.
Le dessein de prendre en otage ce second tour est flagrant, car avec seulement trois juges, la Cour est incompétente pour statuer faute de quorum pour ce faire.
C’est évident, le camp Soumi tente le replâtrage d’un modèle qui doit s’inscrire en bonne place des exceptions dans les processus électoraux.
Pourtant, le Premier ministre Soumeylou Boubeye MAIGA avait tranché : ‘’nous ne permettrons à personne de prendre en otage les élections. Nous avons la capacité de maîtriser toutes les tentatives de sabotage de l’élection’’.
Pour une telle mise en garde, SBM peut s’appuyer sur des arguments de droits.
En se référant à la Constitution du 25 Février 1992, au Titre IX, relatif à la Cour constitutionnelle, il y a 12 dispositions (articles 85 à 91). Aucune des 12 dispositions ne fait allusion à une RECUSATION d’un juge constitutionnel.
Cependant, deux situations peuvent retenir l’attention dans l’article 92 qui dispose : ‘’le président de la Cour constitutionnelle est élu par ses pairs.
En cas d’empêchement temporaire, son intérim est assuré par le Conseiller le plus âgé.
En cas de décès ou de démission d’un membre, le nouveau membre nommé par l’autorité de nomination concernée achève le mandat commencé’’.
L’EMPECHEMENT temporaire est réglé par l’intérim ; alors que le DECES ou la DEMISSION est réglé par un remembrement (comme on le dit dans les domaines politique et syndical) pour le reste du mandat.
Autre argument de droit, les membres de la Cour constitutionnelle jouissent d’un mandat de 7 ans. Ce qui est différent d’une affectation administrative. Le juge constitutionnel n’est pas le juge au siège qui peut, lui, se récuser.
En effet, l’article 91 de la Constitution du 25 Février 1992 dispose : ‘’la Cour constitutionnelle comprend neuf membres qui portent le titre de conseillers avec un mandat de sept ans renouvelable une fois.
Les neuf membres de la Cour constitutionnelle sont désignés comme suit :
• trois nommés par le président de la République dont au moins deux juristes;
• trois nommés par le président de l’Assemblée nationale dont au moins deux juristes;
• trois magistrats désignés par le Conseil supérieur de la magistrature.
Les Conseillers sont choisis à titre principal parmi les professeurs de droits, les avocats et les magistrats ayant au moins quinze ans d’activité, ainsi que les personnalités qualifiées qui ont honoré le service de l’Etat’’.
Un autre argument de droit, c’est le cas où Soumi champion, non content d’être proclamé (non choisi par les électeurs) premier, à l’issue du premier tour du scrutin présidentiel, par la Cour constitutionnelle jetterait l’éponge. L’article 34 de la Constitution prévoit la reprise de l’ensemble des opérations électorales seulement en cas de DECES ou d’EMPECHEMENT de l’un des deux candidats : ‘’(…) Si avant le premier tour, un des candidats décède ou se trouve empêché, la Cour constitutionnelle prononce le report de l’élection.
En cas de décès ou d’empêchement de l’un des deux candidats les plus favorisés au premier tour avant les retraits éventuels, ou de l’un des deux candidats resté en présence à la suite de ces retraits, la Cour constitutionnelle décidera de la reprise de l’ensemble des opérations électorales (…)’’. Or, à ce qu’on sache, un empêchement n’est pas un abandon.
Last, not least, la Cour constitutionnelle est une Institution de la République. Par conséquent, elle est une des piliers de l’Etat et de sa souveraineté, tel que disposé au Titre II, ‘’De l’Etat et de la souveraineté’’, article 25 de la Loi fondamentale. Elle ne se récuse pas sur des humeurs.
PAR BERTIN DAKOUO
Info-matin