Le mot démocratie vient du grec : dêmokratia, formé de dêmos, « peuple », et de kratos, « pouvoir ». On parle donc de pouvoir du peuple, de gouvernement du peuple… Abraham Lincoln, président des États-Unis de 1860 à 1865, aurait un jour déclaré que la démocratie était « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Partant de ce principe, le peuple malien, assoiffé de liberté, a mené une lutte politique au prix du sang des martyrs pour l’avènement de la démocratie. De la date du 26 mars 1991 à nos jours, quelles leçons pouvons-nous tirer de la démocratie ?
Certains diront que l’avènement de la démocratie malienne a permis : La liberté d’expression, la liberté de presse, la liberté d’association. A travers cette liberté d’association, d’autres parleront de la concrétisation du multipartisme : gage réel du pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple à travers la course au pouvoir selon les règles démocratiques…
Oui certes, mais en réalité la démocratie a aussi apporté : la corruption au dernier degré, le vol, la dégradation de nos valeurs éducatives et culturelles, la politisation de l’armée et de l’école, la mauvaise gouvernance et j’en passe ! Loin de nous l’idée de rejeter la démocratie, mais la gestion que l’on en a fait nous pousse à des interrogations.
Pourquoi, juste après 05 ans, notre démocratie a connu une crise ? Qui se rappelle des candidats à l’élection présidentielle de 1997 ? Si les archives sont correctes, ils étaient deux, seulement deux : Alpha Oumar Konaré et Mamadou Maribatrou Diaby. Les autres étaient où ? Ils se sont tout simplement retirés de la course alors que c’était une course démocratique ! Et oui, juste 05 ans après une élection démocratique, les partis politiques avaient montré leurs faiblesses en laissant place à une situation tendue et obligeant le parti au pouvoir du moment de faire des concessions pour mieux finir son mandat et depuis, c’est le même système politique qui domine.
Pour mieux corroborer cette tendance crise politique, un indépendant (paix à son âme), n’appartenant à aucun parti politique, est parvenu à gagner les élections présidentielles de 2002 en présence de centaines de partis politiques. 09 ans après ce fait, le pouvoir est repris par le pronunciamiento à la solde d’une mutinerie transformée en coup d’état.
Où étaient donc en mars 2012, les partis politiques qui, pour autant, bénéficient d’un financement public (0,25% des recettes fiscales/ Article 29 de la charte des partis politiques) ? Les partis politiques sont en quelques sortes l’espoir du peuple, mais hélas, le peuple malien se pose souvent la question suivante : notre maturité politique est-elle arrivée à l’étape de la démocratie ?
Les partis politiques ont lamentablement échoué leurs missions de mobilisation et d’éducation inscrites dans l’article 2 de la charte des partis politiques à savoir : « Les partis politiques sont des organisations de citoyens unis par un idéal, prenant la forme d’un projet de société, pour la réalisation duquel ils participent à la vie politique par des voies démocratiques. Ils ont vocation à mobiliser et éduquer leurs adhérents, à participer à la formation de l’opinion, à concourir à l’expression du suffrage, à l’exercice du pouvoir et à encadrer des élus. »
Pour mieux comprendre l’échec des partis politiques, revenons à l’organisation et au fonctionnement des partis politiques. Environ 3,3 milliards de francs CFA ont été répartis entre 66 partis politiques maliens comme aide financière de l’Etat au titre de l’année 2018 sur la base de l’article 29 ci-dessus. Ce financement devrait permettre aux partis politiques d’organiser des activités de sensibilisation, de formation des militants/sympathisants et d’encadrement des élus. Si et seulement si les partis politiques connaissaient la valeur de ces activités, ils ne s’affoleront pas à conquérir le cœur des électeurs à l’approche des élections (les partis politiques doivent s’entourer de conseillers valables pour y arriver).
Mais hélas, les partis politiques n’encadrent pas les élus, ne forment pas leurs adhérents, n’ont plus de projet de société et pire, les réunions électorales ne sont que de la liturgie politique ! Les partis politiques sont tombés à tel point que d’autres couches sociales prennent le relais (les religieux par exemple) au nom du peuple. Tout le monde s’exprime désormais sur tout domaine, tout le monde est spécialiste de tout, alors que la parole politique n’est pas du ressort de tous.
Normalement, la communication politique est « l’espace où s’échangent les discours des trois acteurs qui ont la légitimité à s’exprimer publiquement sur la vie politique. Ce sont : les hommes politiques, les journalistes et l’opinion publique au travers des sondages ». Mais hélas, comme on aime à le dire, la nature a horreur du vide.
A cet effet, les partis politiques devraient travailler à séduire au lieu de corrompre pour l’avènement du marais électoral. C’est ce qui pourrait garantir une démocratie parfaite (surtout celle acquise au prix du sang). Les partis politiques doivent donc œuvrer pour faire appliquer le théorème de l’électeur médian en centrant leur programme sur l’opinion de ce dernier et cela en mettant à profit l’existence du minimum de mécontentement dans le pays.
Gabriel Annaye Togo, Politiste
Source: Le Pélican- Mali