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Réaction de Bakary Mariko : Le Mal Malien!

Au cours de mon dernier séjour au Mali un vieux compagnon de feu Modibo Keita le premier Président du Mali m’a interpellé sur la question suivante : « fiston selon toi si l’indépendance du Mali devrait se jouer actuellement, est-ce  il le sera ?  Je dis cela car tout le monde semble adopter la position stérile du spectateur, or ce qui se joue ici est loin d’être un spectacle, il s’agit de l’avenir et du devenir de notre pays le Mali.

Mariko Bakary ancien porte parole cnrdre puschiste

Avant d’ajouter :   Il existe actuellement presque un conformisme intellectuel au sein de notre société plus particulièrement au sein de nos grands partis au lieu d’être des aiguillons intellectuels stimulants de leur impatience généreuse et de leurs coups d’éperons agaçants le débat politique pour pousser le gouvernement à aller à des solutions réelles, crédibles et durables au drame malien qui se joue sous nos yeux, ils se contentent d’attendre et d’observer comme tout le monde. »

Oui Tonton, aujourd’hui, l’ampleur des défis et le rythme du changement souvent ne semblent pas s’être accompagnés de grandes notions ni de grands hommes pour les mettre en œuvre. Ce qui me fait penser à la lettre adressée en 1790 par Abigail Adams à Thomas Jefferson je cite : « Voici venus les temps difficiles qu’un génie aimerait vivre. Les grandes causes appellent les grands hommes ».

S’il y a eu dans l’histoire un moment où une vision stratégique globale du leadership a vraiment manqué dans notre pays c’est maintenant. Le besoin n’a jamais été aussi grand car l’incapacité généralisée de notre gouvernement et de certains leaders de nos organisations à répondre aux attentes de leurs commettants est un facteur inquiétant.

Où sont les intellectuels intègres du Mali ? C’est-à-dire ceux qui ont décidé de rompre le jeu de connivences des chevaliers du bien, du politiquement correct  et toute critique apparaît comme une traîtrise. Où est cette élite qui doit questionner notre société sur sa vérité ? Car comme disait Alain le philosophe : « une vérité qui cesse d’être questionnée finit par devenir fausse ». Or la vérité du Mali (c’est-à-dire son problème et sa solution) c’est son passé et sa classe politique.

Oui « l’avenir à un long passé » selon Talmud de Babylone surtout dans notre pays où chacun des grands événements qui jalonnent son l’histoire est ponctuée par la certitude qu’il a un destin d’exception qui le place en dehors de la loi commune des nations. Il en découle de fait une exception historique malienne mais cette exception est tragique. Elle réside dans l’incapacité de notre pays de s’adapter aux changements.

La crise a exposé le Mali et mis à nu tous les maux de sa société. Ses inégalités comme sa méfiance invétérée envers l’extérieur. Le Mali arrive tard en tout, il existe dans notre pays une triple tragédie : Militaire, économico-sociale et politique.

Cette crise a montré un pays désemparé, un Etat laxiste,  inefficace et en décrépitude malgré la force, la résistance et le courage de son peuple. Oui nous avons assez fait l’autruche, assez gémi sur le sort d’une nation qui s’est ravalée en peuple de victimes. Assez d’indignations stériles et de vaticination sur un passé disparu. Assez de recherche de boucs émissaires. Il faut désormais ouvrir les yeux, mobiliser les forces, s’engager dans la bataille de l’histoire universelle en refaisant le Mali qui continue à disposer d’atouts majeurs.

Alors comment un peuple qui disait plutôt la mort que la honte ! Une Armée qui disait vaincre ou périr ! Sont-ils devenus des adeptes de  «  la théorie du fruit mûr »? C’est-à-dire des gens émotifs, passifs et assistés qui attendent tout des autres !

Ah la démocratie exemplaire est passée par là, le vice fatal du système et la veille chimère édentée de la rupture avec le passé sont les responsables.

Oui cette démocratie exemplaire est marraine d’un mirifique modèle mafieux entretenu par l’élite, elle aura inoculé au Mali le poison des avantages acquis. Elle fut l’appariteur d’un cycle d’illusions, d’impuissance dans l’addiction de la corruption du népotisme et de la médiocrité.

Rarement dans l’histoire de notre pays les hommes politiques ont témoigné d’un tel aveuglement, d’un tel détachement, d’un tel cynisme qu’aujourd’hui. Leur ignorance des réalités est impressionnante, leurs yeux ne voient pas, leur cœur ne sent rien.

Or tous les êtres humains aspirent à la santé, à l’éducation, au savoir, à une existence sûre, à un emploi stable, à un revenu régulier, à mettre leur famille à l’abri des humiliations, à exercer pleinement leurs responsabilités politiques et civiles, loin de tout système d’arbitraire, protégés des malheurs qui offensent leur dignité.

Mais nos dirigeants actuels toujours les mêmes ont confisqué à leur seul profit « l’humanité » en laissant la majorité silencieuse dans l’exclusion et l’angoisse du lendemain.

Ils ont fait du jeu politique de notre pays la somme des humiliants et des humiliés. Ils ont avili le patriotisme qui est devenu agonisant, foulé au pied le sens de l’honneur et de la patrie, abandonné la résistance car on nous apprenait dans le temps à faire quelque chose de ce qu’on avait fait de nous, d’être digne en tout lieu et en toutes circonstances. Ils risquent même de menacer à l’occasion la survie de l’espèce.

Aujourd’hui dans notre pays il existe une juxtaposition flagrante entre une misère noire et une richesse ostentatoire et arrogante des milliardaires de la démocratie exemplaire. Le Mali est l’un des rares pays au monde où du jour au lendemain on devient milliardaire sans que cela ne choque personne. La corruption et l’impunité sont les deux mots clés de la réussite économique et sociale dans notre pays. Au Mali il est écrit sur l’argent tout sauf le mot non, l’argent peut tout avoir chez nous.

Notre société est en manque de repères. Comment voulez-vous qu’une société sans repères vive ? Nous avons abandonnés les valeurs que nous ont léguées nos pères de l’indépendance, et comme ironie de l’histoire, on peut faire d’un mal un bien car la crise actuelle montre les failles et faiblesses de notre société, l’étendue et la gravité du problème, elle a entamé les structures et les fondamentaux de notre société, à nous de chercher à savoir : comment lessiver la République sans jeter le bébé avec l’eau du bain ? Comment écarter d’une réaction nécessaire le nationalisme xénophobe ?

Comme on le dit tout mensonge devient une étape vers la vérité, comme tout mal peut être décrit comme la condition d’un bien futur.

Pourquoi comme toutes les grandes nations pendant leur crise, le Mali ne fait pas sienne « la théorie de la difficulté souhaitable »  c’est-à-dire faire d’un mal un bien en faisant une réflexion autocritique sur les erreurs et les impasses de sa crise ? Car notre pays plie sous le poids de son histoire alors qu’il a besoin de regarder le réel du monde pour y trouver une place. Comme disait Aimé Césaire :« on n’en peut plus de tant de mensonges, de tant d’abominations. »

Aujourd’hui, pour être capable de débrouiller notre nouvelle indépendance, nous devons faire la nécessaire reconstitution mémorielle, travailler et de cesser d’invoquer sans cesse un glorieux passé pour mieux dissimuler les turpitudes du présent. Pour le faire nous avons besoin d’abord de l’application du « principe de légitimité » car lorsqu’une personne ou une institution en position de pouvoir veut que les autres se comportent correctement, elle doit d’abord et avant tout donner l’exemple.

Or des prétendus chefs semblent ignorants et insensibles, bornés et irresponsables. Pis que tout, des solutions ont été échafaudées à la hâte ou tout simplement pas échafaudées du tout.

Nos leaders ont manqué d’engagement et de motivation, ils n’ont pas réussi à inculquer vision, compréhension et confiance au peuple.

Aujourd’hui nous devons faire du problème de leadership, l’élément central de l’effort de création du progrès, du mode de développement et de survie de nos organisations. Les problèmes actuels ne seront pas résolus sans des organisations performantes et les organisations performantes sans un leadership efficace.

Notre pays a besoin d’être dirigé pour combattre sa somnolence et pour l’adapter à l’évolution des circonstances, pour cela il lui faut un leader qui lui confère sa vision et son aptitude à traduire cette vision en réalité

Nous avons besoin de leaders d’avant-garde c’est-à-dire des leaders qui ne se contentent pas de pousser plus loin ce que d’autres ont déjà fait, mais des leaders qui créent de nouvelles idées, de nouvelles politiques et de nouvelles méthodologies selon Camus « créent dangereusement » et ne se contentent pas de maîtriser des activités fondamentales. Leur perspective est orientée vers la vision et ne perdent pas leur temps à chercher à savoir « comment il faut faire », mais à savoir « ce qu’il faut faire ».

Nos leaders doivent comprendre qu’on ne peut rien accomplir de valable sans détermination, pour diriger il faut savoir où on va soi-même, de ce qu’on a été à ce qu’on souhaite être, malgré les ambigüités, et contre l’adversité inhérente aux idéaux et aux intérêts. Ils doivent comprendre que la confiance est le ciment qui préserve l’intégrité d’une telle entreprise, le lubrifiant qui la permet de fonctionner. La confiance implique la responsabilité, la constance et la fiabilité. Or on ne fait confiance à des gens cohérents et constants, dont on connait les positions et qui s’y tiennent ; les leaders qui bénéficient de la confiance des autres se font connaître et précisent leur position.

En politique, la position c’est-à-dire ce qui est juste et nécessaire, la persévérance et la détermination sont des éléments déterminants pour créer un leadership de nature essentiellement humaine. Or c’est ce leadership transformatif et humain qui manque actuellement chez nous pour briser le fardeau de l’indifférence, de l’inaction, de l’injustice,  de l’insécurité, du népotisme, de la corruption, de la faim, de la médiocrité, et de la démagogie.

Alors pour clore cette variante inédite de la paranoïa politique, cette parenthèse de notre histoire contemporaine, la seule question qui vaille aujourd’hui est de savoir : Comment construire une société réconciliée, juste, respectueuse des identités, des mémoires et du droit à la vie de chacun ?

A mon avis pour répondre à cette question, il faut proposer un nouvel ordre, un nouveau contrat social, car le contrat social est au fondement de la nation. Lui seul libère l’homme de l’esclavage, de la dépendance, de l’arbitraire. Le contrat social lie tous les citoyens, quelques soient leur origine ethnique, leurs croyances, leur couleur de peau. Nous devons aujourd’hui sonner le tocsin de l’indifférence et de l’inaction.

  1. MARIKO BAKARY

France.

source : Autre Presse

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