Donald Trump a nommé un ambassadeur en République démocratique du Congo: l’émissaire américain va arriver dans un pays à la croisée d’une bonne demi-douzaine de scenarii possibles à six mois jour pour jour des élections du 23 décembre, supposées organiser le départ du président Joseph Kabila.
S’il est agréé par Kinshasa, Michael Hammer va présenter ses lettres de créances au président Kabila à un moment où le chef de l’Etat congolais doit se plier à un exercice qu’il n’aime pas: sortir du silence.
Et plus précisément, dire s’il va désigner un « dauphin » ou briguer un troisième mandat malgré la Constitution qui a sonné la fin de son second quinquennat le 20 décembre 2016.
Depuis cette date, le président Kabila, 47 ans – le benjamin ans des chefs d’Etat africains -, est toujours au pouvoir après deux reports des élections fin 2016 et fin 2017. Un article de la Constitution lui permet de se maintenir aux affaires jusqu’à l’installation d’un successeur élu.
L’envoyé américain, tout comme le nouvel ambassadeur de France attendu en septembre en remplacement de l’actuel, devront intégrer dans leur équation congolaise l’inconnue Jean-Pierre Bemba, acquitté par la Cour pénale internationale (CPI) à la surprise générale.
La CPI statuera définitivement le 4 juillet sur son sort. S’il est définitivement libre, l’ex-opposant numéro 1 de Kabila, l’homme fort de l’ouest et de la capitale Kinshasa, pourrait-il revenir en RDC et menacer le « clan des Katangais » au pouvoir ? Son acquittement est un « complot de l’Occident », murmurent déjà des pro-Kabila.
Avec les Etats-Unis, une poignée d’acteurs internationaux (Nations unies, l’Europe avec la France et la Belgique, et bien sûr l’Afrique) surveillent comme le lait sur le feu l’interminable feuilleton électoral en RDC, le pays des superlatifs – plus vaste pays d’Afrique sub-saharienne, plus grande mission de l’ONU au monde, premier producteur mondial de cobalt…
La RDC est un exemple de l’isolationnisme à géométrie variable des Etats-Unis: même au temps de l’ »America first », Washington prétend « soutenir des élections crédibles conduisant au premier transfert de pouvoir pacifique et démocratique en RDC ».
C’est ce qu’a dit jeudi le Département d’Etat en justifiant des sanctions contre « plusieurs hauts responsables » congolais pour leur implication « dans des actes importants de corruption liés au processus électoral ». Sans autre précision.
La RDC sera forcément au menu des discussions « off » ou « on » du sommet de l’Union africaine début juillet à Nouackchott. A défaut de s’y rendre le président Kabila va y dépêcher des émissaires.
Très formellement, les diplomates en poste à Kinshasa relève pour l’instant que la commission électorale convoque ce samedi le corps électoral pour le 23 décembre.
Cet acte officiel rend « irréversible » le triple scrutin présidentiel, législatif et provincial du 23 décembre, claironne le président de la commission Corneille Nangaa.
– Heure de vérité –
L’heure de vérité sonnera entre le 24 juillet et le 8 août, date-limite du dépôt des candidatures à l’élection présidentielle.
Le président devra alors choisir un dauphin: l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo ? le président de l’Assemblée Aubin Minaku ? son directeur de cabinet Néhémie Mwilanya ? Son frère Zoé ?
Ce ne sont que des rumeurs. Le président ne dit rien, ne fait part d’aucune préférence. Ses adversaires l’accusent de vouloir briguer un nouveau mandat à partir d’une lecture inattendue – et d’avance contestée – de la Constitution.
Des observateurs envisagent aussi un nouveau report de l’élection présidentielle, trop chère et trop lourde à organiser et qui serait « découplée » des deux autres scrutins.
« Les Congolais attendent de Kabila qu’il libère le processus électoral », martèle Me Peter Kazadi, proche de Félix Tshisekedi, investi candidat à la présidentielle par le parti historique d’opposition UDPS.
En attendant mi-juillet, le président Kabila va s’adresser à la Nation à travers le Parlement réuni en Congrès d’ici le 20 juillet et sans doute avant la fête nationale du 30 juin.
Il pourrait annoncer « des mesures significatives d’amnistie » pour apaiser le climat politique, avance à l’AFP un proche collaborateur du chef de l’Etat.
Ce climat délétère a suscité jeudi l’inquiétude du « Conseil national de suivi » du processus électoral.
Organe paritaire majorité-opposition, le « CNSA » cite « la non-libération de certains prisonniers politiques », « l’absence d’un consensus politique autour de la machine à voter » voulue par les autorités et rejetée par l’opposition, et « l’existence de 16% d’inscrits sans empreintes digitales » sur le fichier électoral expertisé par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).
Bref, le CNSA, issu de l’accord politique majorité-opposition du 31 décembre 2016, relaie les protestations habituelles des opposants.
Ces opposants « ne veulent pas des élections », répètent à l’envi le gouvernement et sa majorité, comme si les pro-Kabila cherchaient à faire déjà porter la responsabilité d’un nouvel échec du processus électoral au camp adverse, la société civile, l’église catholique, la communauté internationale. En attendant, le Parlement examine un texte portant statut des anciens chefs de l’Etat.