La pratique du veuvage est l’une des traditions qui est en déphasage avec le combat pour l’émancipation des femmes. Cette tradition, qui viole une bonne partie des droits de la femme, doit être revue, estime le blogueur Fousseyne Togola.
Dans la plupart des sociétés, la femme porte le deuil de son mari durant 4 mois et 10 jours. Cela constituerait une pratique musulmane. Durant cette période, la liberté de la femme reste assez restreinte sur plusieurs plans. Sur le plan alimentaire, elle ne peut pas manger pendant quelques jours, hormis des aliments liquides. Durant 4 mois et dix jours, elle ne portera qu’un seul habit de couleur bleue. Elle doit rester enfermée dans une chambre en compagnie de gens qui doivent veiller sur elle. C’est en tout cas ce qu’a expliqué Coumba Bah, ex-chargée de communication à l’ONU Femmes et initiatrice de l’émission radio-télé, « Mosoya : An ka Muso Famuya Sa ».
Cette pratique a évolué dans le temps. Certaines exigences sont moins respectées au pied de la lettre, comme le fait de ne pas sortir durant les quatre mois et 10 jours. C’est ce que m’a fait comprendre ma grand-mère, Rokia Mariko. À ses dires, dans nos sociétés traditionnelles, cette pratique était encore plus dure envers les femmes : « Il était défendu de s’asseoir sur la même natte qu’une veuve. Une femme n’ayant pas perdu son mari n’était pas autorisée à lui remettre quelque chose main à main ; elle devrait la laisser par terre auprès d’elle. En plus, la veuve n’était pas autorisée à partager son plat avec toutes celles n’ayant pas perdu leur mari comme elle. »
Evoluer avec la science
De l’avis de certains, le temps de cette pratique dans les sociétés traditionnelles et musulmanes devrait être révolu. C’est le cas de Komakan Keita, enseignant dans le département Philosophie de la Faculté des sciences humaines et des sciences de l’éducation (FSHSE). Un jour, en plein cours en classe de maîtrise, il a laissé entendre que cette pratique date des premiers âges de l’humanité où le développement technologique faisait défaut afin de faire des tests de grossesse à la femme après la mort de son mari. « C’est la raison pour laquelle on enfermait les femmes en âge de procréer durant cet intervalle de temps après le décès du mari. Or, aujourd’hui, avec l’avancée technologique il est possible de savoir en trois minutes si une veuve est enceinte ou pas », a-t-il affirmé.
Pour Rokia Mariko, l’une des raisons fondamentales de cette pratique est de connaître l’état de la femme après la mort de son mari, mais aussi d’empêcher qu’un autre homme ne s’intéresse à elle avant la fin du veuvage.
Un deuil différent chez les hommes
Il serait salutaire de revoir cette pratique qui, selon moi, opprime les femmes en les privant de toute activité économique. En dehors de l’aspect économique, le veuvage peut impacter négativement la santé de la femme, parce qu’elle ne bouge presque pas. Dans certaines localités du Mali, où l’électricité reste encore un luxe, la chaleur peut constituer une punition sévère pour ces veuves en période de chaleur.
Cette pratique constitue une forme de discrimination ou d’oppression vis-à-vis des femmes. Il est clair que le deuil du mari ne dépasse pas, le plus souvent, deux mois au maximum. On dirait que le mari attend impatiemment la mort de sa femme pour convoler en justes noces. Pourquoi alors ne pas exiger des principes à ce niveau ? Tout simplement parce que l’on continue d’entretenir la mentalité qui voudrait que la femme soit une simple propriété de l’homme, « un objet » à lui.