Avec une forte majorité gouvernementale réunie autour de lui, nombreux sont ceux qui se demandent s’il y aura enfin une vraie opposition au Mali. Le plus en vue pour la diriger est incontestablement Soumaïla Cissé, arrivé à la finale de la dernière présidentielle, mais l’homme ne semble pas être intéressé.
Soumaïla Cissé,
Fatoumata Sacko est pratiquement une inconnue du grand public de la scène politique nationale. Mais sur les ondes de RFI, elle a été présentée récemment comme étant une porte-parole du FDR (Front de sauvegarde de la démocratie et la République, front de refus du putsch des 22-23 mars 2012, puis front de refus à l’élection d’Ibrahim Boubacar Kéita au poste de président de la République, ensuite rien du tout) Il y a quelques jours donc, Dame Sacko est sortie des gonds du FDR pour s’insurger contre la nomination du général Moussa Sinko Coulibaly au poste de ministre de l’administration territoriale. Aux dires de la bonne dame, le maitre d’ouvrage de toutes les élections ne s’est montré ni neutre ni impartial dans l’organisation et la proclamation des résultats provisoires du premier tour de l’élection présidentielle.
On se rappelle en effet que le mardi 30 juillet, dans un show télévisé au cours duquel il a fait poireauter son public pendant plusieurs dizaines de minutes, le colonel Moussa Sinko Coulibaly, se contentant de quelques résultats fragmentaires, a laissé entendre qu’IBK pourrait avoir gagné par K.O dès le premier round. Bien sûr, le ministre est revenu sur ses prévisions seulement soixante douze heures plus tard avant d’être démenti officiellement par la Cour constitutionnelle, seul arbitre habilité à siffler la fin du combat, mais le mal était fait.
Si dame Sacko est sortie du bois, ce n’est plus pour remettre en cause la régularité du scrutin et l’élection légitime d’IBK. Des résultats acceptés de tous, y compris de son mentor qui était allé féliciter le vainqueur jusque dans son domicile privé avant même la proclamation officielle des résultats du second tour par la Cour constitutionnelle. La bonne dame crie au loup parce que l’organisation des futures élections législatives est en cours, le ministre avait même proposé des dates qui, pour le moment, ne font pas l’unanimité. Avec ces législatives, bien de choses pourraient changer dans la configuration actuelle d’une Assemblée nationale largement dominée par les partis membres du FDR. La bataille a déjà commencé mais non pas pour le contrôle de l’hémicycle mais pour savoir qui sera avec la majorité gouvernementale et qui sera contre le nouveau président de la République.
Soumaïla Cissé, chef de l’opposition ?
Logiquement, le FDR, front anti IBK par essence, devrait jouer le rôle de l’opposition. Mais il se trouve que ses trois principales composantes, l’Adema, l’URD et le Pdes (l’Umam de Jeamille Bittar et les Fare de Modibo Sidibé sont trop insignifiants pour peser dans la balance) sont actuellement en lambeaux. Le Pdes et l’Adema se sont déchirés avant même la tenue du premier tour de la présidentielle. Le premier, soutenant officiellement l’URD, a eu deux candidatures rebelles (Haïdara Aichata Cissé et Oumar Bouri Touré) dans ses rangs. Le second, présentant son propre candidat, Dramane Dembélé, a vu certains de ses barons prendre fait et cause pour l’ennemi, à savoir Soumaïla Cissé, Modibo Sidibé ou IBK. Après le premier tour du scrutin, Haïdara Aichata Cissé et Oumar Bouri Touré, contre les instructions de leur direction politique, ont battu campagne pour IBK, de même que Dramane Dembélé. Résultat : le Pdes et l’Adema sont aujourd’hui représentés dans le gouvernement d’Oumar Tatam Ly, le premier par Malick Alhousséni et le second par Abdel Karim Konaté
Quant à l’URD, elle est restée jusqu’au bout du processus électoral dans son rôle d’adversaire du RPM, le parti présidentiel. Mais adversaire veut-il dire opposant ? Le citoyen lambda, au courant de tout ce qui s’est passé, est vite tenté de le croire, il veut le croire pour que le Mali sorte de cette très longue période de gestion concertée du pouvoir, made in Ruche, ou de gestion consensuelle du pouvoir, style ATT. Une très longue période pendant laquelle, faute de véritable opposition, il n y a pas eu de véritables débats sur les grandes questions d’intérêt national, pendant laquelle l’Assemblée nationale est devenue une caisse de résonnance et un guichet d’enregistrement automatique du gouvernement.
Les observateurs de la scène politique aussi voulaient y croire quand IBK, après avoir clamé que sa gestion du pouvoir ne sera pas un partage du gâteau, n’a pas invité l’URD à participer au gouvernement. Et puis, Soumaïla Cissé s’impose quand même comme chef de l’opposition après être arrivé deuxième à l’élection présidentielle et possédant toujours son FDR, ou ce qu’il en reste.
Un mythe qui tombe
Mais l’ex-futur chef de l’opposition aurait déçu au moins à deux reprises. La première fois quand il s’est précipité chez IBK pour le déclarer vainqueur et le féliciter, manquant ainsi de sens démocrate, légaliste et républicain puisque le juge constitutionnel ne s’était pas encore prononcé. Mais pour Soumaïla Cissé, son comportement était normal, c’est dans la culture du Malien. Ce qui n’est pas dans la culture du Malien, c’est d’aller militer dans l’opposition et défendre ses positions. Deuxième déception car c’est Soumaïla Cissé en personne qui a raconté sur les ondes de RFI. Ce n’est pas dans notre culture que de diriger ou animer l’Opposition ? Et dire que certains croient que ce bon monsieur a lutté clandestinement contre le régime du général Moussa Traoré. On ne peut pas avoir été un opposant clandestin à un régime dictatorial avec tout ce que cela représente comme danger pour sa vie et sa liberté et refuser d’être opposant dans un régime démocratique qui vous reconnait officiellement et vous accorde des droits.
Et voilà un autre mythe qui tombe grâce à IBK. Bravo, monsieur le président.
Cheick TANDINA