Les Catalans décideront jeudi 21 décembre si les séparatistes doivent revenir au pouvoir, dont ils ont été chassés après la mise sous tutelle de la région par Madrid, ou au contraire s’il faut ouvrir la porte à une majorité différente.
Le parti libéral et anti-indépendantiste Ciudadanos arrive premier aux élections.
Ce serait un évènement “historique”, selon un élu du parti ERC (Gauche républicaine de Catalogne, indépendantiste). Le nationalisme domine en effet en Catalogne depuis 40 ans et la région n’a eu qu’un président non nationaliste, Jose Montilla, un socialiste, par le jeu d’alliances. “Nos gens seraient démoralisés, cela encouragerait l’unionisme”, estime l’élu d’ERC. En cas de victoire, Ines Arrimadas, 36 ans, la chef de Ciudadanos en Catalogne, a promis de “dialoguer” pour surmonter la division de la société et de mener aussi des “politiques sociales”. La jeune libérale est perçue par les grands patrons comme un gage de stabilité et de prospérité retrouvée.
– Victoire de Carles Puigdemont
Exilé à Bruxelles, le président catalan destitué, qui promettait de n’exercer qu’un mandat, prétend continuer à la tête d’une liste “transversale”, “Ensemble pour la Catalogne”, pour récupérer “la dignité” du peuple catalan, “humilié” par la mise sous tutelle de Madrid. Sa victoire serait un camouflet pour le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy, qui l’a destitué. M. Puigdemont chercherait ensuite à être élu président de l’exécutif par le nouveau parlement régional.
Il est cependant poursuivi pour “rébellion” et tentative de “sédition” et ainsi visé par un mandat d’arrêt en Espagne. Ses partisans utiliseraient son arrestation au retour de Bruxelles comme la preuve de la politique répressive de Madrid. “Dans un pays civilisé, on n’envoie pas en prison un président” de région, explique-t-on dans son entourage. La Catalogne serait-elle alors dirigée par un président en prison? Ses proches estiment qu’ils ne peut pas être “privé de ses droits politiques”. L’entourage du “président” espère dès lors qu’une telle victoire permettra de forcer Mariano Rajoy à négocier.
– Victoire de l’indépendantiste Oriol Junqueras
Son parti, la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), est en tête dans les sondages. S’il l’emporte et que le parlement l’investit président, il pourrait cependant être maintenu en détention provisoire et la gestion des affaires courantes reviendrait à Marta Rovira, la secrétaire générale. S’il obtienait l’investiture, il mènerait une politique sociale “pour élargir la base” du mouvement indépendantiste, qui n’a compté en 2015 que sur le soutien de 47,8% des Catalans, confie l’élu ERC.
– Blocage “à l’espagnole”, nouvelles élections
Tous ces scénarios partent cependant du principe que l’un des trois favoris obtient l’investiture grâce au soutien d’autres partis. Les risques d’une paralysie politique, faute d’accord au sein des blocs indépendantiste ou “espagnolistes”, semblable à celle qui avait bloqué l’Espagne aux élections nationales de 2016 sont néanmoins élevés. “La formation d’un gouvernement sera très complexe, même au sein du bloc indépendantiste”, estime le politologue Pablo Simon.
Les indépendantistes ont notamment besoin de l’appui du petit parti CUP (Candidature d’unité populaire), qui exige une rupture immédiate avec Madrid, ce qui est désormais écarté par les deux autres partis souverainistes de Carles Puigdemont et d’Oriol Junqueras. En face, Ines Arrimadas, même soutenue par les socialistes et le Parti populaire de M. Rajoy, pourrait ne pas avoir assez de voix pour obtenir une investiture. La loi prévoit un retour aux urnes d’ici la fin mai si aucun gouvernement n’est formé.
– La surprise socialiste
“Les possibilités de blocage et de nouvelles élections sont très élevées”, estime dès lors le politologue Pepe Fernandez-Albertos. Sauf, poursuit-il, si les autres partis favorables à l’Espagne préfèrent éviter cette situation de blocage et laisser gouverner le candidat socialiste Miquel Iceta, en minorité.
Celui-ci a plus de “capacité de dialogue” avec d’autres partis, note le politologue. Il propose notamment de défendre l’amnistie des indépendantistes poursuivis.
Ce cas de figure s’est déjà produit dans une autre région secouée par l’indépendantisme, le Pays basque, quand le socialiste Patxi Lopez l’a dirigé, sans majorité, entre 2009 et 2012.