C’est notre confrère et doyen Sy Souleymane Sy de la Radio Bamakan qui a donné le sobriquet Kocoumbo, l’Etudiant noir à Seyba Lamine Traoré parce qu’il est très noir. Notre héros de la semaine est un joueur qui a fait l’unanimité autour de sa personne, à travers ses qualités techniques et physiques. Dès lors, il est facile de comprendre pourquoi il a fait le bonheur des deux grands clubs du Mali, le Djoliba et le Sade malien de Bamako, avec lesquels il a gagné le doublé (Coupe/championnat). Numéro dix idéal, il savait dribler dans un mouchoir de poche et donnait plus d’orientation aux mouvements de diversion qu’il soit en attaque ou au milieu. Il est regrettable de savoir que son passage à l’étranger, d’abord au Gabon, puis au Qatar n’a pas été récompensé. Autrement dit, avec son talent, Seyba Lamine Traoré aurait pu être un grand footballeur en Europe. Hélas ! Nous avons rencontré l’enfant d’Hamdallaye pour parler de son parcours et de sa retraite footballistique. C’est dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”
‘est à Hamdallaye-Plateau que Seyba Lamine Traoré a fait ses débuts dans le football avec le FC Léopard. Au bout de deux ans il est devenu à son jeune âge la coqueluche du quartier, dans les compétitions inter quartiers. Convaincu que le jeunot a de l’avenir et qu’il pouvait créer sa propre histoire, le président du FC Léopard décida de l’amener au centre de formation du Djoliba en 1988.
Admis dans la catégorie junior, comment expliquer son éclosion rapide à ce niveau et son transfert l’année suivante dans la catégorie senior ? D’abord il est indéniable qu’il est tombé sur un groupe de juniors du Djoliba (Makan Kéita, Oumar Bagayoko, Youssouf Sylla, Oumar Ly, Alassane Diallo dit Tom Foot, Oumar Traoré dit Rubesch, Mamadou Kéita, Bilal et autres) qui avaient de la valeur non seulement sur le plan individuel, mais aussi sur le plan collectif. Ils faisaient tout simplement rêver Karounga Kéita dit Kéké.
Seyba attribue son ascension fulgurante à la confirmation de son talent, dans sa catégorie d’origine. Mais il soutient également que Kéké l’a propulsé dans l’intention de le façonner pendant un bout de temps, et lui-même était persuadé qu’il devait saisir sa chance. Se retrouver au milieu de ténors du club comme Moussa Koné, Fagnery Diarra, Cheick Diallo, Maciré Diop, Karamoko Diané, Bakary Diakité… constituait, pour Seyba Lamine, un tunnel dont le bout était invisible. Des joueurs qu’il contemplait précédemment derrière les grilles du Stade Mamadou Konaté. Comment pourrait-il se faire une place au milieu de ces gens ?
Complexe d’infériorité ou manque de confiance ? Les bouts de matches en tant que réserviste et le championnat d’espoir lui permirent de tenir cette chance qu’il voyait très mince. Lors du match aller de la Coupe d’Afrique des champions en 1989, qui a opposé le Djoliba au Horoya de Conakry, Kéké le titularise pour mieux asseoir sa confiance. C’est surtout au match retour qu’il s’est beaucoup transcendé, loin de la pression des supporters et des dirigeants. Après une courte victoire à Bamako, les Rouges se sont qualifiés à la suite d’un nul vierge en Guinée. Cela consacrera du coup la titularisation de Seyba Lamine Traoré.
Au-delà de tout il devait gérer l’humeur des supporters, qui étaient intransigeants. Ceux-ci reprochaient à Kéké son entêtement à utiliser Seyba comme avant-centre, alors qu’il peinait à être ce renard de surface dont le club avait besoin. Ils ignoraient que l’entraîneur appréciait d’autres qualités chez le joueur. C’est-à-dire ses différents mouvements de diversion, ses déviations de la tête qui mettaient en difficulté la défense adverse. Le temps finira par donner raison à Kéké, l’année suivante Seyba Lamine devint ce grand attaquant dont le Djoliba avait besoin.
Il décroche même les titres de meilleur joueur et de meilleur buteur avec vingt-six buts. A la fin de la saison, le rêve des Rouges est brisé par le départ de leur vedette au Gabon. Comment il s’est retrouvé au Petro Sport de Port-Gentil ? Pourquoi il a n’a pas voulu continuer l’aventure à la fin de son contrat ? Seyba Lamine explique : “Mon départ pour le Gabon est consécutif à une page du journal Afrique Foot que votre confrère et doyen Gaoussou Drabo animait à l’époque. C’est à la suite de ses écrits sur mes performances et mes trophées que les Gabonais m’ont contacté. Tout est allé vite et j’ai signé un contrat de deux ans. Au Gabon, j’ai remporté la Coupe nationale en 1992. Je n’ai pas voulu renouveler le bail, parce que je ne me ressentais pas dans ma peau de Malien, source d’hospitalité, d’entraide. Bref, je n’ai pas apprécié certains agissements des Gabonais. Après analyse, j’ai décidé de retourner au pays”.
Ordre paternel
A peine Seyba Lamine débarque à Bamako pour reprendre les entraînements avec son club de cœur, qu’un conseil de famille se tient autour de lui. Ses oncles, tous Stadistes lui intimèrent de jouer dans l’équipe qu’ils supportent. Orphelin de père, un refus de l’ordre des frères de son père serait mal vu et mal interprété par l’opinion et même dans sa famille. Seyba a obtempéré et offrira au Stade malien de Bamako un second doublé, avec le but de la victoire sur un corner de feu Sory Ibrahim Touré dit Binké en finale de la Coupe du Mali.
Après cet exploit, il a pensé avoir respecté le pacte avec ses parents. Cela consistait pour lui de retourner au Djoliba, même au prix d’un an de suspension. Il reprendra service lors de la saison 1997-1998 et rééditera aussi un doublé avec les Rouges, avant de s’envoler pour le Qatar où il signa un contrat de deux ans le Rayan Sport local. A la veille de la Can-2002, il réintégrera sa famille d’origine, le Djoliba AC. Victime d’une blessure de ligament croisé, Kéké l’a envoyé au Maroc pour une intervention chirurgicale.
Certes l’opération a été succès, mais les choses se sont compliquées par la suite. Comment ? Le joueur donne sa version des faits : “Kéké tenait à ce que mon mal soit traité au Maroc. Effectivement les choses ont été réalisées ainsi. Seulement je n’ai pas suivi les conseils du médecin traitant, qui voulait que je fasse la rééducation sur place. Cela ne m’enchantait pas trop. J’ai demandé à achever le traitement à Bamako.
Je suis rentré précipitamment à Bamako. Au bout d’un temps de rééducation que j’ai jugé suffisant j’ai repris les entraînements et tout ce qui s’en suis. Mais je m’étais trompé”.
Entraîneur des juniors du DAC
Seyba Lamine paiera les conséquences de cette précipitation, parce que son genou lui faisait toujours mal quand il a commencé à jouer. La même année (2002), il a mis fin à sa carrière après quelques matches de championnat à l’AS Bakaridjan où il avait été prêté. Une fois à la retraite l’enfant d’Hamdallaye s’est reconverti en entraîneur en suivant des cours dans ce sens jusqu’à avoir la licence B de la Confédération africaine de football (Caf).
Jusqu’à l’éclatement de la crise qui a secoué notre football, Seyba Lamine entraînait les juniors du Djoliba. Parallèlement à ces fonctions, il a créé son centre de formation de jeunes. Lequel fonctionne avec beaucoup de difficultés, dans la mesure où c’est lui-même qui l’entretient. Puisqu’il n’a que le football dans sa vie, il est formel qu’aucun ne sera de trop, dans la légalité pour le maintenir afin qu’il produise de futurs champions du pays et même d’ailleurs.
Seyba Lamine est marié et père de quatre enfants, dont une fille. Son premier garçon, âgé de dix-huit ans est rentré des études de la Corée du Sud, il joue bien au football, mais son père tient beaucoup aux études eu égard à son âge. Dans la vie Seyba Lamine n’aime que le football, et déteste l’injustice.
A son actif deux doublés (avec le Stade malien en 1995 et le Djoliba en 1998), une Coupe Amilcar Cabral remportée en 1997 par les Aigles du Mali, un séjour prolongé dans les différentes équipes nationales. Ces exploits constituent d’ailleurs ses plus beaux souvenirs.
O. Roger
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