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Que sont-ils devenus ? Drissa Konaté dit Driballon : L’artiste de Médina Coura !

Comme la plupart des enfants du quartier populaire de Médina Coura, Driballon est né avec le don du football, c’est-à-dire qu’il rassemblait tous les atouts techniques nécessaires pour un avenir promoteur. Ses performances dans le quartier lors des compétitions de vacances et les tournois interscolaires lui donnent l’occasion de s’affirmer comme un futur champion.  Le sobriquet ” Driballon ” en dit long sur son savoir-faire sur le ballon. C’était un joueur polyvalent pour avoir commencé comme ailier et fini libéro, après la défection du titulaire au poste, Ousmane Doumbia dit Man. Dans un passé récent, son état de santé avait défrayé la chronique à Bamako. Il était très malade et hospitalisé au CHU du point G. Il a fallu l’alerte de Cheickna Demba de l’Association des supporters des Aigles pour que le Département des Sports lui vienne en aide. Driballon est toujours malade, mais pas alité, agrippé à la consigne majeure de son médecin traitant de limiter ses mouvements. Nous avons rencontré l’ancien joueur de l’AS Réal de Bamako et des Aigles du Mali, dans son salon, où il s’efforçait visiblement de faire entrevoir une certaine forme. Pour l’une des rares fois, notre interview a duré quatre heures d’horloge. Le jeu en valait la chandelle tant l’histoire de Driballon est magnifique et pleine de sensations. A l’image de son ami d’enfance Madou Doumbia de la radio Kledu, Driballon a une qualité : l’attachement à ses parents et surtout à la solidarité familiale.

Le talent de Drissa Konaté a longtemps fait courir les dirigeants du Djoliba AC et du Stade malien de Bamako, décidés de l’enrôler pour leurs clubs respectifs. Mais en tant que fils du Réal, Driballon opte pour le nid des Scorpions.

Un talent inné

C’est Tony Jagger qui est venu le chercher à la maison. Nous sommes en 1970 et Driballon a 16 ans, donc un cadet. Un mois a suffi pour qu’il signe sa première licence dans la famille de football d’Idrissa Touré dit Nany. Mais le doute va vite s’installer chez lui. En effet, malgré le fait qu’il avait du talent, Driballon se sentait mal récompensé, voire même abandonné. Pour la simple raison qu’on ne lui donnait pas de temps suffisant de jeu.

Noyé dans un fleuve de désespoir, le vieux Racine de la rue 18 s’efforce de lui remonter le moral. Il l’amena chez Ousmane Traoré. Visiblement touché par les larmes du jeune Driballon, Ousmanebleny (aculé par Fanta Mady Keïta aussi) consent à donner une chance au jeunot. Driballon n’en attendait pas plus  pour démontrer  qu’il avait du talent. Il profita du bout de temps à lui accordé pour enflammer les foules. Un jour, la séance d’entraînement s’acheva sur un de ses coups de patte : Driballon est porté en vedette par les supporters. A partir de ce jour-là, on le surveilla comme du lait sur le feu, jusque dans le quartier afin qu’il ne dérapât pas, quand on sait qu’à l’époque les jeunes de Bamako, surtout ceux des quartiers populaires, avaient le vent en poupe.

Depuis, il est convoqué dans tous les regroupements de l’équipe sénior, à l’occasion des matches officiels, en même temps qu’il évolue aussi avec les catégories d’âge. Au cours d’un match contre le COB, il met à profit quelques minutes pour marquer un grand coup avec ses accélérations et dribles éliminatoires et le Réal s’impose par 2 buts à 0.

A 18 ans, Driballon est logiquement jugé mûr pour intégrer définitivement la cour des grands. Ousmanebleny lui offre cette opportunité, à l’ombre des Seydou Traoré dit Guatigui, Idrissa Maïga dit Métiou, Bakary Bagayoko, Drissa Kanté dit Gorgui, Sinè Doumbia. Driballon fait désormais partie de l’une des meilleures générations des Scorpions. Ce qui donne plus d’éclat à son talent et à ses prestations, même s’il n’est pas totalement aguerri pour être titularisé à part entière. Cependant, il exploite au maximum les chances que l’encadrement technique lui donne. Et c’est dans ce cadre qu’il est sélectionné pour la première fois en équipe nationale en 1973, juste après la CAN de Yaoundé 1972, où les Aigles ont occupé la deuxième place.

En effet, l’entraineur Karl l’avait repéré au cours d’un match amical de préparation de ladite CAN, entre les Aigles et l’AS Réal. Cette entrée par la grande porte en équipe nationale ne pouvait que mettre en évidence sa valeur intrinsèque  de Driballon qui avait alors 19 ans. Il n’a quitté les Aigles que 15 ans après. Même quand il a eu la chance de s’expatrier, il a toujours répondu à l’appel du drapeau national.

Avec le Réal, Driballon a remporté trois titres de champion, une coupe du Mali, celle de 1980 où Beïdy Sidibé dit Baraka a exécuté le Djoliba d’une frappe imparable et surtout un quart de finale de coupe d’Afrique des clubs Champions.

Devenu intenable dans tous les compartiments du jeu, argumentation valable pour convaincre qu’il est un joueur à la technicité avérée, Tiecoro Bagayoko le sollicita pour jouer avec le Djoliba en 1975, à la faveur de la Coupe d’Afrique de clubs. Les Rouges devraient affronter l’équipe de Lomé 1. Grâce à ce match mémorable dans la capitale togolaise, un étudiant à l’époque, devenu ministre d’Etat de son pays 27 ans après, a profité d’une mission  pour chercher à rencontrer Driballon. Et cela par le canal du président de la Fémafoot, Amadou Diakité. Une fois dans la famille Konaté, le ministre togolais a rafraichi la mémoire de Driballon par rapport à l’événement, objet de sa présence. Et c’est avec un réel plaisir qu’il a remis la modeste somme de 300 000 Fcfa à Driballon.

Pourtant, ce match n’est pas allé à son terme, à cause d’un incident provoqué par Kidian Diallo. Comment ? Driballon revient sur ce match et surtout la manière dont les policiers l’ont intercepté en ville sur ordre de Tiécoro Bagayoko, afin de prendre part au match : “Après le match aller à Bamako, Tiécoro m’a sollicité pour renforcer l’équipe. C’est au retour de la ville que des policiers m’ont arrêté au rondpoint de Medina Coura. Le temps de réaliser ce qui m’arrivait, je vis Karounga Keïta dit Kéké avancer vers moi. Il me demanda de me préparer pour rejoindre l’équipe à l’internat. Au début, j’ai cru à une convocation de l’équipe nationale. Mais il finira par m’informer de tous les contours. C’est-à-dire que je devais jouer au nom de Mamadou Konaté dit Blanblan. Le jour du match et dans les vestiaires, je ne sais pas comment les Togolais ont eu l’information pour formuler une réserve sur moi, aux motifs que je n’ai pas joué au match aller et en plus je ne devais pas être un Malien, mais un Congolais. Je pense avoir joué le meilleur match de ma vie. Mais la rencontre a été interrompue en deuxième mi-temps, suite à un penalty imaginaire de l’arbitre central. Kidian Diallo saisit le ballon et demande aux joueurs de quitter le terrain. Subitement, les supporters ont envahi le terrain et certains m’ont même agressé. C’est le judoka feu Lamine Touré qui m’a transporté sur son dos pour m’évacuer dans les vestiaires”.

Mésaventures professionnelles

Ce premier mercenariat de Driballon a suscité d’autres prétentions chez Tiécoro Bagayoko qui, en complicité avec certains dirigeants du Réal, a pu négocier le transfert de Driballon au Djoliba. Les propositions de l’ancien directeur des Services de Sécurité étaient vraiment intéressantes, mais Driballon est influencé par d’autres dirigeants des Scorpions. Mieux, des supporters Noirs et Blancs de Bozola l’ont intimidé au risque d’écourter sa carrière. Dilemme entre les avances du Djoliba et les menaces des Réalistes, alors question : Que faut-il faire ? C’est dans cette angoisse que l’un des beaux frères de Tiécoro et un Belge lui ont proposé un contrat à Anderlecht, en Belgique. Driballon saute sur l’occasion, parce que pour lui, avec la nouvelle donne, il était entre le marteau et l’enclume.

Driballon est enrôlé dans les 48 heures. Son père lui file sa vieille valise et cap sur l’aéroport. Entre temps, Tiécoro Bagayoko est informé et il fait bloquer l’avion avec instruction de débarquer Driballon parce qu’une telle décision du jeune Konaté équivaut à une trahison. Mais Driballon parvient à convaincre les émissaires du directeur de la Sûreté nationale qu’il s’en va en Belgique uniquement pour les vacances et qu’il reviendra au bout de quelques semaines. C’est dans cette circonstance que l’enfant de Medina Coura arrive à Bruxelles avec un tricot et des tapettes aux pieds.

Le coach de l’équipe d’Anderlecht, Raymond Gothaês, est informé de son arrivée et il donne son avis sur le recrutement de Driballon après quelques séances d’entrainement avec les réservistes. L’équipe type étant en vacance, il ordonne le logement de l’enfant de Medina Coura à l’hôtel. Mais Anderlecht sera court-circuitée par un autre club, l’Union Saint Gilloise. Son président convainc Driballon à signer un an de contrat. Pour quelles retombées par rapport aux primes de signatures ? Difficile de répondre, parce que selon Driballon, c’est le beau-frère de Tiécoro qui a tout encaissé.

De retour à Bamako pour les vacances,  Jeff Giron, devenu entre-temps son manager, lui demanda de rejoindre dans un bref délai la Belgique. Une fois sur place, il l’embarqua pour le Portugal pour évoluer au Belinasses. Là aussi, ses tests sont concluants et Driballon devient l’un des joueurs les mieux payés du championnat portugais. A ce niveau également, il n’a pas touché de primes de signatures. Mais quelques semaines après, l’ancien joueur italien, Arthur Georges, lui met la puce à l’oreille et Driballon se révolte pour réclamer ses droits. Peine perdue, les dirigeants du club s’en sont lavé les mains. Comme réponse, Jeff Giron lui rappelle ses conditions misérables au Mali. Finalement, il a tout laissé.

Après ce deuxième coup dur, Driballon se fera piéger par une interview  où il s’est prononcé sur la façon de travailler de l’encadrement technique. L’entraineur ayant mal digéré la manière dont la presse a exploité cet article sur Driballon, ne manque aucune occasion  pour l’assommer. Il ne cesse de rappeler à Driballon ses propos. Mais Salif Keïta dit Domingo, qui jouait d’office le rôle de conseiller de son cadet, lui donna des directives. Après des semaines sur le banc de touche ou dans les tribunes, l’enfant de Medina Coura permit à son équipe de s’imposer par 3 buts à 0 lors d’un match.

Le lendemain, la presse portugaise revint à la charge pour donner raison à Driballon et ne s’empêcha de trouver une brèche pour abattre encore l’entraineur. Ce qui va envenimer les relations entre les deux hommes. Il fut encore déclassé pendant quelques semaines, au bout desquelles l’équipe est étrillée par un score fleuve. Ce jour-là, les supporters s’en étaient violemment pris à l’entraineur et au président du club. Face à un tel malheur, Arthur Georges lui conseilla de rendre visite aux victimes. Ceux-ci comprendront cette attitude dans le mauvais sens et Driballon fut suspendu jusqu’à nouvel ordre. C’était lors de la saison 1977- 1978.

Mis dans un congé forcé, Salif Keïta intervient auprès des dirigeants de son équipe afin qu’ils lui donnent l’occasion de tenter sa chance ailleurs. Finalement, sa suspension sera levée et Driballon jouera trois matches avant la fin de la saison.

Un autre incident s’est produit quand il s’est agi pour Driballon de retourner au Portugal après les vacances parce qu’il avait raté l’avion dans un premier temps. Les choses se gâtèrent entre Driballon et les dirigeants parce qu’il s’était rendu compte de certaines pratiques qu’on lui faisait subir.

Sur ce point précis, Salif Keïta s’était beaucoup fâché et même demandé à son cadet de refuser dorénavant les agissements des dirigeants. Malgré les interventions de son manager, Driballon a fermé toutes les portes de négociation et décide de rentrer au Mali. Et jusqu’à l’aéroport, les dirigeants du Benfica de Lisbonne sont entrés dans la danse pour le convaincre. A-t-il regretté cet acte ? Driballon explique : ” En réalité, la fougue de la jeunesse l’a emporté sur la raison. Sinon, j’aurai dû écouter les conseils de la femme de Salif qui a tout fait pour que j’attende le retour de son mari. Et quoique cela puisse coûter. Je me sentais pris en otage. Dommage, j’ai regagné Bamako”.

Ainsi, la même année de 1978, il retourne au Mali, pour reprendre sa place au Réal et en équipe nationale. Après la finale de la coupe du Mali de 1980, les dirigeants de l’Africa Sports d’Abidjan sont venus le chercher à l’internat  avec un billet d’avion. Il quitte les lieux sur la pointe des pieds. Mais problème : le contentieux avec le Belinasses n’est pas totalement vidé. Le président de l’Africa, Simplice Zinzou, a promis de trouver une solution.  Encore problème : les dirigeants de l’AS Réal bloquent sa lettre de démission et l’affaire est portée jusqu’au ministre en charge des Sports de l’époque, N’Tji Idriss Mariko. “A l’impossible, nul n’est tenu”, dit-on. Driballon décide de rester au Mali. Comment il a vécu ces faits ? L’enfant de Médina Coura a de la peine à revenir sur un passé qui l’a choqué : “Simplice Zinzou a tout fait pour me transférer en Côte d’Ivoire, avec la promesse de naturalisation. Mais les dirigeants réalistes n’ont pas voulu comprendre. J’ai dit à Amadou Diakité, en son temps directeur national des Sports, de m’aider à me libérer de ce piège, pour la simple raison que je suis le soutien de ma famille. Puisque mon aventure au Portugal a été un échec, qu’il s’investisse afin que je puisse refaire ma vie à travers  cette opportunité. Il m’a conseillé de rester à Bamako, avec une promesse d’emploi, qui ne sera jamais honorée. Je suis resté et c’est grâce à l’ancien ministre des Finances, Drissa Keïta, que j’ai pu décrocher un boulot en 1982 à la Cnar. Il m’a proposé la banque, le trésor et les assurances. Aujourd’hui, je l’ai perdu de vue, mais qu’il sache ce que je lui dois par rapport à ma réussite dans la vie. Et je profite pour le remercier encore. Si j’ai pu bénéficier d’une  pension, des retombées de l’assurance maladie, c’est grâce à ce grand monsieur qui m’a sauvé d’une mort certaine avec mon admission à l’hôpital du point G. Sinon, avant, j’ai eu des boulots à la Somiex et à la Sonatam, mais je les ai perdus avec mes aventures belge et portugaise”.

Driballon prend sa retraite en 1989, tout en s’occupant  de l’équipe junior du Réal.

Comme bons souvenirs, il se souvient de certains grands matches de sa carrière : son premier match comme titulaire contre l’Allemagne sous l’entraineur Karl, le match du Djoliba à Lomé et celui de Belinasses.

Son absence des terrains s’explique par le fait qu’un jour, les portiers du Stade omnisports lui ont interdit l’accès du terrain, malgré le fait qu’il a présenté sa carte de joueur international. Ce jour, il dit avoir pris le billet pour le présenter à Amadou Diakité dans la loge officielle, tout en lui disant ce qu’il pense de l’attitude des portiers. Depuis, il a diminué ses mouvements autour des stades.

O. Roger Sissoko

Aujourd’hui-Mali

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