Au Sénégal, la colère gronde. Dans les rues de Dakar comme dans les villages déplacés de la région de Lompoul, la multinationale française Eramet est aujourd’hui dans le viseur de l’opinion publique. En cause : l’extraction de zircon menée par sa filiale Grande Côte Opérations (GCO), accusée de causer des ravages irréparables sur l’environnement, les terres agricoles et les communautés locales.
À travers un nouveau micro-trottoir tourné dans la capitale sénégalaise, plusieurs citoyens expriment leur indignation. « Il ne faut pas que l’on exploite en laissant des conséquences négatives », lance un jeune Dakarois. Un autre appelle à « condamner » les méthodes d’Eramet, qui selon lui, ne bénéficient en rien à la population. Ces voix populaires rejoignent celles des écologistes et militants de la société civile, de plus en plus nombreux à exiger des comptes.
Le documentaire récemment diffusé sur la situation à Lompoul met en lumière les témoignages poignants de villageois contraints de quitter leurs terres. Ils dénoncent la pollution de l’eau, la disparition de la végétation, l’infertilité des sols – un désastre dans une région considérée comme l’un des poumons agricoles du pays. « On veut faire pousser des légumes, pas du sable et des machines », résume une habitante désespérée.
Le 19 avril 2025, lors d’une conférence tenue à Dakar, les experts Sylvestine Mendy et El Hadji Thiogane ont dressé un tableau accablant. Depuis 2014, les activités de GCO ont entraîné l’assèchement des terres fertiles, des déplacements forcés, et une hausse des problèmes de santé publique. Les Niayes, cœur maraîcher du Sénégal, sont aujourd’hui menacés par l’avancée des excavatrices.
À l’issue de cette rencontre, un communiqué de recommandations a été rédigé. Il réclame un moratoire immédiat sur les opérations d’Eramet et une évaluation indépendante des impacts environnementaux. Surtout, il appelle à une gestion durable des ressources naturelles, placée sous contrôle des communautés locales. Pour les militants présents, il ne s’agit plus seulement d’écologie, mais d’un combat pour la souveraineté du Sénégal.
La polémique dépasse désormais les frontières. En France, le député écologiste Benoît Biteau a interpellé le gouvernement sur les conséquences de l’exploitation du zircon. Il dénonce une « extraction néocoloniale » qui enrichit des groupes étrangers aux dépens des populations africaines.
Les appels se multiplient pour que les autorités sénégalaises prennent enfin position. Le silence prolongé du gouvernement est perçu comme une complicité. « On ne peut pas se dire panafricaniste et rester muet face à une entreprise qui détruit nos terres », a rappelé une militante lors de la conférence.
Face à cette pression croissante, un choix s’impose : continuer à céder aux intérêts étrangers, ou bien défendre la dignité des populations et l’intégrité de l’environnement. Le cas Eramet n’est pas isolé, mais il est devenu symbolique. Et il pourrait bien être le point de départ d’un réveil panafricain sur la gestion des ressources naturelles.
Par AWA SISSOKO