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Prorogation du mandat de la législature en cours : meilleure option que la pratique des Ordonnances

Le choix du Gouvernement de proroger le mandat des Députés jusqu’à fin mai 2019 est la meilleure des options qui puisse éviter la pratique des Ordonnances dont les conséquences seraient catastrophiques pour le pays.

Le mandat de l’Assemblée Nationale arrive à terme le 30 juin 2019 après une prorogation de six mois par loi organique (Loi N° 2018-067 du 6 décembre 2018), votée et promulguée suite à un avis favorable de la Cour Constitutionnelle (Avis n° 2018-02/CCM du 12 Octobre 2018). Pour anticiper sur un vide constitutionnel que cette situation peut créer, le Gouvernement a consulté plusieurs acteurs sociopolitiques sur son ‘’projet de loi organique à l’effet de proroger le mandat à nouveau, pour le reste de l’année 2019’’.

Si les consultations menées avaient pour but de non seulement recueillir les avis et préoccupations des différents acteurs, mais également de discuter les implications des différentes options politiques pouvant être considérées et éviter au pays de tomber dans un vide institutionnel, il demeure néanmoins évident que le Gouvernement ne s’attendait point et ne doit pas s’attendre à bâtir l’unanimité autour d’une option donnée. Car, les différences de point de vue et les dissensions, l’acceptation, le refus ou l’opposition constituent tout autant le levain de la Démocratie. La prorogation, en 2018, a fait l’objet d’une polémique regrettable mais le Gouvernement a préféré, cependant, cette option.

Selon un Spécialiste du Droit constitutionnel, « même lorsqu’on n’est pas d’accord avec l’avis n° 2018-02, l’on conviendra que, désormais, la loi organique susmentionnée est entrée dans l’ordre normatif de notre pays et fait désormais partie du Bloc de constitutionalités». D’où sa force d’avoir établi désormais une possibilité qui semblait fermée ‘’puisque l’Article 61 de la Constitution dispose que les Députés sont élus pour 5 ans au suffrage universel et ne va pas plus loin ; ce qui a fait dire à beaucoup d’observateurs que la prorogation est anticonstitutionnelle’’.

Et notre à Spécialiste constitutionnaliste d’expliciter que la Constitution n’est pas un corps de normes figées, elle est une pratique et cette pratique est justement incarnée dans la possibilité ouverte de consulter la Cour Constitutionnelle qui est « l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics », selon l’Article 85, aliéna 2 de la Constitution.

L’heure n’est pas à une Assemblée Constituante

« En l’absence d’une Assemblée, une des solutions qui s’offrent est l’utilisation d’Ordonnances pour gérer les matières qui relèvent normalement du domaine de la loi. L’Article 29 de la Constitution qui dit que le Président de la République veille au fonctionnement des pouvoirs publics et assure la continuité de l’Etat ouvre bien cette possibilité au Président de la République. Contrairement à ce que certains pensent, une telle pratique n’est pas assujettie à une loi d’habilitation par l’Assemblée Nationale. La loi d’habilitation est pratiquée dans un tout autre contexte », a-t-il soutenu. Avant d’ajouter : « Dans le contexte politique actuel, plutôt polarisé, la pratique des Ordonnances risque de soulever de nouveaux problèmes ».

Par rapport à la mise en place d’une Assemblée Constituante qui est, en fait, une institution collégiale, détenant un pouvoir lui permettant de rédiger, adopter et réviser une Constitution, défendu par certains acteurs, celle-ci dépend des circonstances d’un pays : «Elle peut intervenir dans deux (2) conditions : premièrement, lorsqu’un Etat nouveau naît, on met en place une Assemblée Constituante pour élaborer une nouvelle Constitution ou encore à la suite d’un renversement de pouvoir par coup d’Etat militaire ou une insurrection populaire. En deuxième lieu, on peut mettre en place une Assemblée Constituante lorsque le pouvoir constituant intervient pour réviser une Constitution». Le Mali n’est dans aucun de ces scénarios politiques et n’est pas non plus en train d’aller à une transition politique. La Constitution, en son Article 118, a fixé les règles de révision de la Constitution.

« Au besoin, le Gouvernement peut recourir à l’Article 41 de la Constitution et le Président peut recourir à l’Article 50 ouvrant la voie à l’exercice de pouvoirs exceptionnels. Certes, le Gouvernement veut voir la Constitution de 1992 révisée mais nous avons besoin d’une législature en place pendant que le dialogue politique est en cours. Le rôle de la législature n’est pas seulement le vote d’une loi de révision de la Constitution. Certains acteurs donnent l’exemple de 1968 quand l’Assemblée Nationale a été remplacée par une sorte de Délégation parlementaire. Cet exemple n’a pas suffisamment prospéré pour nous donner des leçons dont nous pourrions nous inspirer aujourd’hui, le coup d’Etat militaire de novembre 1968 a vite mis fin à cette trouvaille politique de l’époque », a expliqué le Constitutionnaliste.

Mettre fin au dilemme de légitimité

A en croire celui-ci, remplacer l’Assemblée Nationale par une autre institution ne résout nullement le problème de la légitimité tantôt évoquée par certains. A moins qu’on veuille remplacer une structure perçue comme illégitime par une autre structure dont les membres seront choisis arbitrairement sur la base de critères subjectifs, sans aucun fondement légal. On ne résout pas un problème en en créant un nouveau ou plusieurs nouveaux problèmes. A défaut d’un fondement « légitime », nous avons au moins un fondement légal pour la prorogation de l’actuelle législature.

Ainsi, l’Assemblée Nationale actuelle devra être remplacée par une autre législature dûment élue suivant les lois qui découleront du dialogue politique, seule voie par excellence pour résoudre le dilemme de légitimité. Il en va de même pour toutes les institutions et toutes les autorités dont les mandats sont arrivés à terme depuis bien longtemps mais qui n’ont pas été renouvelés.

Il ne sert à rien de courir vite en besogne alors que le dialogue politique va bientôt démarrer et, de manière démocratique, les acteurs sociopolitiques vont débattre de tous les problèmes brûlants de l’heure, notamment la crise institutionnelle latente. Un chronogramme électoral sera soumis au dialogue politique et, une fois qu’il est validé, les moyens nécessaires seront à cet effet engagés à la tenue de toutes les consultations électorales qui s’imposent avant la fin de l’année 2019 et continuerons jusqu’à compléter le cycle électoral.

Le dialogue politique est, donc, l’espace démocratique idéal pour résoudre bien de questions politiques. Les réponses qui seront adoptées dans cet espace inclusif s’imposeront à tous les pouvoirs publics.

Cyril ADOHOUN

Source: L’Observatoire

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