L’élaboration de la loi d’entente nationale est une recommandation de l’Accord d’Alger pour la paix et la réconciliation signée en mai 2015 à Bamako devant un parterre de présidents africains et de responsables de la Communauté Internationale. Elle semble désormais être arrivée sur le bureau du président de l’Assemblée Nationale après son adoption par le Conseil des Ministres du 31 mai 2018. Pour ce faire la société civile n’est pas restée en marge de la contestation de cette loi.
En effet, le vendredi dernier, des organisations de défense des droits de l’homme avec à leur tête l’Association malienne des droits de l’homme, ont dénoncé le caractère injuste du projet portant loi d’entente nationale. Recommandation phare de la Conférence d’Entente Nationale, le projet devrait être examiné par l’Assemblée Nationale le 13 décembre prochain. ‘’La philosophie du projet de loi est celle de devoir national qui, puisant dans nos valeurs sociétales, morales et religieuses, propose pour transcender le douloureux héritage de la crise née en 2012 le bénéfice du pardon aux fautifs et le bénéfice de l’indemnisation et de l’assistance publique aux victimes’’.Ces organisations pensent qu’il y a une discrimination dans ladite loi, car elle viole toutes les conventions internationales en matière des droits de l’homme. La quarantaine d’organisation des droits de l’homme au Mali, pensent qu’il y a deux poids et deux mesures. A l’article 4, il est stipulé que « les personnes coupables de crimes contre l’humanité sont exclues du champ d’application de ladite loi ». Dans ce cas cette catégorie de personnes ira-t-elle à la Cour Pénale Internationale. Cela malheureusement n’est pas spécifié dans la loi en question. Egalement à l’article 3, il est dit que « tout le monde est concerné par la même loi ». Alors le Gouvernement s’est-il trompé dans la rédaction ou cette incongruité est-elle faite pour noyer le poisson dans l’eau et tromper une fois de plus la vigilance du peuple meurtri du Mali ?
Les organisations des droits de l’homme ont raison primo de penser que si le Mali veut exister en tant que nation civilisée, il doit reconnaitre le courage et la dignité de toutes les victimes des exactions d’un passé proche. Si le Mali échoue à regarder en face ce qui lui est arrivé d’une certaine façon, cela reviendrait à reconnaitre que les victimes n’ont aucune importance et que seul l’avenir en décidera réellement. Et en même temps il perpétuera leur victimisation et s’en accommodera. Secondo, il est important de savoir que chacun est soumis à la loi. Le rang ou responsabilité de ceux qui ont transformé d’autres personnes en victimes, ne doit en aucun cas leur permettre d’être immunisés ou protégés des efforts de la société pour affronter son passé. Si l’objectif de cette loi d’entente semble être le suivant : dans l’intérêt de la réconciliation nous devons pardonner, cela est vrai, mais dans l’intérêt de la reconstruction, nous ne pouvons prendre le risque d’oublier. Cette loi d’entente doit permettre d’établir un fichier détaillé des crimes de la rébellion d’une part et d’autre part, effacer ces crimes pour ainsi dire en appliquant la loi entièrement, afin de donner un nouveau casier judiciaire aux criminels. C’est une chose de révéler au grand jour des souffrances endurées sous silence dans un passé récent, une autre chose est d’en tirer les leçons et de mettre en place un processus de mémoire durable capable d’empêcher le retour de telles violations brutales des droits de l’homme.
Peut-on se demander si les ressources humaines valables existent-elles encore dans ce Mali d’IBK ?Pour nous éviter une telle contradiction dans le texte du projet de loi. La réplique du premier Ministre SoumeylouBoubèyeMaïga consistant à dire que le gouvernement ne reculera pas, n’arrange pas les choses. Un gouvernement si puissant soit-t-il ne résiste pas devant un peuple déchainé et déterminé à défendre ses intérêts et éviter le bradage de la dignité humaine. L’exemple du ‘’SHAH’’ d’Iran est très édifient. Pour défendre ses droits, il a fui le pouvoir en 1978 pour éviter la furie de son peuple révolté, puis il est mort en exil. Un exemple plus récent, c’est celui du projet de réforme constitutionnelle de 2017, qui a voulu créer une royauté au Mali, avec la complicité d’un avocat mercantile malien, qui ne songe qu’à ses propres intérêts. Dans l’intervention du premier Ministre, il a laissé qu’à même une porte de sortie en disant que c’est un autre gouvernement qui peut reculer, mais pas l’actuel sous sa direction. Nous lui rappelons qu’IBK est à son cinquième premier ministre et huitième gouvernement depuis 2013. Nous ne serons pas surpris si jamais, un autre gouvernement venait et prenait en compte la relecture des parties constatées actuellement dans ladite loi. Dans ce pays, nul n’est indispensable. Attendons de voir comment l’affaire d’écoute interceptée par les américains relative à l’assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon va se terminer.Si le premier Ministre Soumeylou Boubèye Maïga veut rentrer dans l’histoire à tout prix, il doit accepter de faire des concessions pour parfaire ses œuvres. Mais s’il ne pense que « devant, c’est maïs », comme le disait l’ancien président de la Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo à la veille de l’élection présidentielle de 2011, il aura perdu son combat d’avance.
Badou S. KOBA
Source: Le Carréfour