Les partis politiques APM-Maliko, Fasfisna et URP ont organisé, le jeudi dernier, au centre Djoliba de Bamako, une conférence-débat, sur le thème : « La révision constitutionnelle en cours ». La conférence était animée par le Pr Issa COULIBALY et Boubacar Mintou KONE.
C’était en présence des présidents des 3 formations politiques, des acteurs de la société civile, des députés, de leaders de jeunes.
D’entrée de jeu, M. Souleymane DOUMBIA, au nom des 3 formations politiques, a rappelé que l’initiative s’inscrit dans une volonté commune des formations politiques concernées d’instaurer un cadre de concertations et d’échanges sur des questions d’intérêt national. Il s’agissait, selon le responsable politique d’approfondir les échanges sur le processus de révision constitutionnelle en cours, de contribuer à sa compréhension et de participer à la vulgarisation des dispositions du projet de révision constitutionnelle et d’offrir l’opportunité aux populations de se prononcer sur cette réforme.
Il a soutenu ensuite qu’après plus de 20 ans d’exercice démocratique, une révision constitutionnelle s’impose à notre pays en vue de consolider les acquis et adapter notre texte fondamental à l’évolution de la société.
Cette révision constitutionnelle, dont le vote est attendu en principe le 1er juin prochain à l’Assemblée nationale, suscite de discussion sur son opportunité, sa légitimité et sa légalité.
Sur la forme et sur le fond de ce processus, des acteurs politiques et de la société civile sont partagés.
Le conférencier Issa COULIBALY, juge administratif de son état, a éclairé la lanterne des participants sur les grandes lignes du projet de constitution. Il a précisé que la révision est partielle et non totale et qu’elle ne concerne ni la durée ni le nombre de mandats présidentiel qui est de 5 ans et renouvelable une seule fois. Le changement majeur proposé dans le nouveau projet de constitution, selon lui, est le renversement de l’ordre constitutionnel. Car explique-t-il, le parlement sera composé de deux chambres dont l’Assemblée nationale et le Sénat qui sera créé en remplacement du Haut conseil des collectivités. Aussi, a-t-il fait savoir, la Cour suprême sera remplacée par la Cour des comptes et la haut Cour de justice sera supprimée également.
Des griefs sur la révision constitutionnelle
Il a ajouté que le nouveau texte prévoit aussi que désormais, le président de la Cour Constitutionnelle soit nommé par le président de la République et non par ses collègues de cette Cour. Toute chose qui, selon le conférencier Issa COULIBALY, peut constituer une entrave au processus démocratique.
Par ailleurs, même s’il admet que la constitution du 25 février 1992 a montré des insuffisances et de lacunes qu’il faut corriger, il estime que le contexte de sa révision n’est pas propice à cause de l’insécurité grandissante sur une partie du territoire national.
Ainsi, selon lui, une révision constitutionnelle dans ce climat n’est pas légale parce que notre État n’est pas en mesure d’assurer la plénitude de son pouvoir sur l’ensemble de son territoire.
« L’administration n’est pas partout sur le territoire national. Il y a certaines localités du nord du pays qui échappent au contrôle du pouvoir de l’État central. Ainsi, en révisant une constitution dans ce contexte, l’État se rendrait coupable d’une violation de la constitution », a-t-il soutenu.
Suite aux exposés des conférenciers, le Secrétaire général du réseau APEM, Ibrahim MAIGA, a ajouté que cette révision crée des problèmes qu’elle n’en résolve. Selon lui, la création du SÉNAT dans un pays comme le nôtre ne peut que renforcer l’idée du fédéralisme. Il a informé que le Sénégal, qui a expérimenté ce système dans notre sous-région, est en train de l’abandonner.
En plus de ce chapitre, M. MAIGA a émis des réserves sur des dispositions du nouveau texte de la constitution, dont l’article 81, qui autorise le président de la république de désigner le président de la Cour constitutionnelle. Ce qui, à son avis, mettrait en cause de l’indépendance de cette institution qui joue un rôle de haute portée pour l’ancrage de la démocratie. La meilleure formule, a-t-il suggéré, est de permettre aux membres de la Cour constitutionnelle de désigner leur président.
Selon le président du parti APM-Maliko, Modibo KADJOKE, il n’est pas également admissible que ce soit le président du SÉNAT qui devienne le président de la République, en cas de vacance du pouvoir au lieu du président de l’Assemblée nationale. A son avis, cela comporterait le risque de voir une personne sans légitimité diriger le pays à l’hypothèse que des membres du SENA seront nommés.
En outre, M. KADJOKE regrette que ce texte ne valorise pas nos langues nationales, après plus d’une décennie de lutte et de travail de promotion nos langues.
Par ailleurs, si certains acteurs ont exprimé leur mécontentement quant à la suppression du Haut conseil des collectivités, le Pr AKORY pense que cette institution à l’état actuel ne servait à rien. Les élus qui siègent dans cet organe n’avaient aucune voix délibérante, donc ils n’ont pas de pouvoir réel, a indiqué M. AKORY.
Cependant, quoiqu’elle soit sujette à débat, cette révision de la constitution a le mérite de renforcer le pouvoir du président de la république qui peut limoger désormais son Premier ministre. Aussi, a-t-elle l’avantage de ne pas toucher au mandat du président de la république.
Par Sikou BAH
Source: info-matin