En raison de son rendement intéressant et des revenus qu’elle peut procurer, des paysans plaident pour une plus grande vulgarisation de cette céréale partout où cela est possible.
Le maïs défraye la chronique agricole nationale depuis quelques temps. Appelé également blé d’Inde, c’est une plante herbacée tropicale de la famille des poacées largement utilisée comme céréales pour ses grains riches en amidon, mais également comme plantes fourragères. Que représente cette plante pour un pays comme le nôtre dans sa quête pour la souveraineté et la sécurité alimentaire ? Quelles sont les contraintes auxquelles elle fait face ? Voyage dans le monde du « blé d’Inde ».
A la sortie de la ville de Bamako, à Kanadjiguila, alors que les premières pluies sont tombées partout dans le pays, Oumar Diallo, un Malien d’origine guinéenne, prépare ce qu’il a nommé son « champ de maïs » étendu sur 20 mètres carrés. Nous sommes en zone périurbaine, où ce paysan entoure son terrain par des haies pour protéger les pieds de maïs qui sortiront de la terre dans quelques mois. Cette pratique traduit l’importance et la vulgarisation, dont cette plante fait l’objet au Mali. Importance qui se traduit par une augmentation de sa production. En effet, le maïs a vu sa production augmenter sensiblement en passant de 322.493 tonnes en 1994/95 à 3.994.493 tonnes en 2018/19, soit une hausse de 1.139%, affirme Issa Koné, chef du département analyse et communication à l’Observatoire du marché agricole (OMA). « La production de maïs a plus que décuplé en 25 ans » ajoute l’expert. Cette forte progression est le résultat de l’apport important de l’Etat aux paysans à travers la subvention, accordée depuis 2008/09 aux producteurs pour les semences et les fertilisants durant la campagne agricole. Selon lui, cette grande production est aussi due à l’augmentation de la demande de maïs par les aviculteurs et les transformateurs traditionnels et industriels, aussi bien au Mali que dans les pays de la sous-région.
BOND SPECTACULAIRE – La richesse créée avec la seule spéculation comme le maïs est passée de 8 milliards de Fcfa en 1994/95 à 399 milliards de Fcfa en 2018/19, soutient le chef du département analyse et communication à l’OMA. Malgré ce bond spectaculaire, le Mali n’a pas encore exploité tout son potentiel de production en ce qui concerne le maïs. De plus, la demande du maïs va croissante aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
Pour Mamadou Doucouré, secrétaire général de la Confédération des producteurs de maïs, la céréale est une alternative face à l’insécurité alimentaire, à l’extrême pauvreté et à l’insécurité, à l’exode rural, l’émigration et l’enrôlement dans les milices. Il estime que le problème se situe à l’accès au financement, dont les conditions sont difficiles. « Les institutions financières exigent de nous des titres fonciers, seuls moyens d’accéder au financement. Or nous qui vivons de la terre, n’avons pas ces documents pour la plupart », déplore-t-il. M. Doucouré pointe aussi du doigt l’insécurité qui paralyse les grands bassins de production.
Dans certaines parties du pays, le maïs doit faire l’objet de plus de promotion vu son importance pour la sécurité alimentaire et pour cela, les services techniques de l’agriculture ont un rôle à jouer, soutient Moussa Sidibé, secrétaire général de la Chambre régionale d’agriculture de Mopti. « Sa culture se fait dans certaines zones de Bankass, mais à une petite échelle. Il est cultivé pour une consommation familiale, mais il n’a pas atteint un niveau aussi important que le mil et autres. Car sa culture dépend beaucoup de la pluviométrie. Or, ajoute-t-il, dans notre région nous atteignons rarement les 500 mm de pluie par an. »
Par ailleurs, le maïs n’est pas entré dans nos habitudes alimentaires. Les services techniques doivent s’atteler à sa vulgarisation en raison du fait c’est une spéculation très importante grâce à son rendement. Elle est en passe de devenir la première céréale au Mali, non seulement par rapport à la zone de cultures, mais aussi par rapport à son niveau de production, soit 3,5 millions de tonnes. Le rendement à l’hectare pour les variétés hybrides varie entre 5 et 9, voire 12 tonnes. « Il y a vraiment lieu de vulgariser cette culture chez nous », insiste ce spécialiste.
Culture de décrue. Les paysans des cercles de Yélimané et de Nioro du Sahel ont une façon particulière de cultiver le maïs. C’est ce qu’explique Amadou Fofana, deuxième vice-président de la Chambre d’agriculture de Nioro du Sahel. « Nous produisons beaucoup de maïs de contre-saison à Yélimané et Nioro sur 200 hectares répartis de part et d’autre des deux cercles. Pour cela, nous n’avons pas besoin d’eau », explique-t-il. « Nous cultivons sur des terres humides, où le manque d’eau est le dernier des soucis. Au contraire, on est obligé de prendre des mesures pour contrer l’hyper humidité de ces terres qui tue finalement les pieds de maïs. Seulement 60 jours après les semis, on peut récolter entre 4 et 5 tonnes de maïs à l’hectare. Et cela sans engrais chimique », assure Amadou Fofana qui explique que les producteurs de maïs utilisent plutôt des engrais organiques. « Le maïs est naturellement bien protégé contre les oiseaux granivores qui sévissent dans nos champs de mil. Il est sans doute synonyme de sécurité alimentaire chez nous car il est mieux protégé contre les principaux défis comme l’eau et les nuisibles comme les oiseaux granivores », souligne notre interlocuteur.
Dans cette partie du pays, la culture du maïs se fait dans le lit des lacs qui tarissent de longs mois pendant l’année. Ces terres occupent plus de 200 hectares cultivables à Yélimané et à Nioro du Sahel. « Le type de sol sur lequel nous semons la céréale est favorable à la culture du maïs. Toutefois, il y a des méthodes particulières à observer avant le semis. Nous battons le sol humide du lit du lac tari que nous recouvrons de sable, ensuite nous semons. En fait, les producteurs évoluent en duo durant le semis. Pendant qu’un premier paysan trimballe avec lui un grand récipient rempli de sable, dont il recouvre le terrain après le semis, et l’autre procède immédiatement à l’ensemencement. Car, explique-t-il, si on procède au semis avant d’ensabler le terrain, le maïs ne survivra pas à l’humidité extrême. Il exhorte les autorités à mieux préparer ces terrains qui sont propices à la culture du maïs. « La nature a fait une grande partie du travail, et je pense qu’avec la recherche agronomique, on pourra faire mieux. Si l’Etat arrive à faire des barrages dans ces zones, l’eau sera maîtrisée et relâchée en fonction des besoins et le producteur gagnera plus », soutient-il.
Nous ne connaissons pas d’attaque de chenilles car les dures conditions du Sahel ne leur permettent pas de sévir comme dans la région de Sikasso. Toutefois, il déplore la divagation des animaux qui pénètrent dans les champs et font des dégâts ». Par ailleurs, Amadou Fofana explique que les paysans ne rencontrent pas de difficultés pour vendre leur maïs, car les acheteurs viennent de la Mauritanie voisine et raflent la presque totalité de la récolte.
Khalifa DIAKITÉ
Source: L’Essor- Mali