La rupture entre communautés n’est pas irrémédiable malgré les dégâts physiques et moraux causés par la guerre, les abus commis par toutes les parties prenantes, les différences d’intérêts entre individus et communautés, ainsi que les difficultés de communication dues à l’éloignement géographique par un déplacement massif
En vue d’apporter sa contribution au processus de réconciliation, OXFAM en collaboration avec Handicap international et WILDAF Mali, a mené une enquête, simultanément au Mali et au Burkina-Faso, sur le thème de l’impact du conflit sur les relations au sein et entre des populations originaires du nord Mali. Le rapport de l’enquête intitulé « Reconstruire la mosaïque : Perspectives pour les relations sociales après le conflit armé au nord du Mali », a été lancé jeudi au Radisson Blu. La cérémonie s’est déroulée en présence du représentant du ministre du Travail et des Affaires sociales et humanitaires, Almoctar Haïdara, du directeur d’Oxfam, Mohamed Coulibaly, et de la responsable des politiques et plaidoyer humanitaires pour Oxfam au Mali, Mme Ilaria Allegrozzi.
Le rapport reflète les opinions et perceptions des personnes interrogées et vise à faire entendre leur voix, afin de mieux comprendre l’impact du conflit sur les relations sociales et mettre en valeur les solutions envisagées par les populations elles-mêmes. Il a aussi pour objectif de nourrir la réflexion et guider les différents acteurs nationaux et internationaux impliqués dans des initiatives de réconciliations.
L’enquête a été menée en juin 2013. Les personnes interrogées pour l’étude sont unanimes : les insurrections précédentes n’avaient pas eu de conséquences aussi néfastes et ce conflit est différent des précédents, parce qu’il a engendré une dégradation de l’état des relations sociales.
Pourtant, explique le directeur d’Oxfam, l’étude révèle que, malgré les dégâts physiques et moraux causés par la guerre, les abus commis par toutes les parties prenantes, les différences d’intérêts entre individus et communautés, ainsi que les difficultés de communication dues à l’éloignement géographique par un déplacement massif, la rupture entre communautés n’est pas irrémédiable. « Les blessures peuvent être soignées », assure-t-il. Parce qu’il y a une volonté affichée par la grande majorité des populations interrogées d’entamer un processus de dialogue et de réconciliation.
Mohamed Coulibaly est convaincu que ce processus doit commencer par la base, facilité par les acteurs auxquels les populations accordent plus de confiance et se basant sur les liens qui unissent les différentes communautés du Nord du Mali depuis des siècles. Il doit prendre en considération leurs complexes relations d’interdépendance économique, sociale et culturelle. « La reconstruction du tissu social ne se fera pas sans obstacle et des défis majeurs devront être relevés », a-t-il cependant averti. Les résultats de l’enquête montrent en effet que des minorités non négligeables issues des populations déplacées et surtout réfugiées, sont d’avis que la séparation entre communautés est une option inévitable et/ou plus adéquate pour le redressement du Mali.
Un retour timide de la population déplacée a déjà commencé mais les risques de tensions entre ceux qui reviennent et ceux qui sont restés demeurent. La prise en compte d’avis plus radicaux, de solutions durables pour les populations contraintes à quitter leurs lieux d’origine, le tout combiné à une gestion adéquate de l’aide humanitaire, sont autant de questions essentielles à prendre en compte afin d’aboutir à une réconciliation à long terme. Un besoin de justice à la fois équitable et perçue comme telle, apparaît comme une priorité pour les populations interrogées, avec la nécessité de lutter contre l’impunité et d’établir la vérité sur les crimes commis.
Mohamed Coulibaly invite les décideurs nationaux, les institutions internationaux et les communautés de réconciliation à s’approprier ce rapport et prendre en compte les recommandations dans le processus de la réconciliation. Des séances de restitution à la population sont prévues à Gao et Tombouctou. Pour faire connaître le rapport et partager les recommandations, une mission de plaidoyer se rendra à Paris, Bruxelles, Madrid, Washington, New York, Addis-Abeba. « Nous espérons être en mesure d’améliorer la pertinence et l’efficacité des acteurs nationaux et internationaux impliqués dans les initiatives de réconciliation et de développement du Mali », a-t-il indiqué.
Almoctar Haïdara a, lui, félicité les acteurs concernés pour leur engagement constant pour la promotion de la paix dans notre pays.
Fatoumata NAFO
Source: L’essor