Le ministre d’Etat, ministre de la décentralisation et des collectivités territoriales, Abdoulaye MAIGA, a annoncé la fin de l’Accord d’Alger signé en 2015 « avec effet immédiat » après avoir constaté son « inapplicabilité absolue ».
8 ans après sa signature, le gouvernement de la transition a officiellement dénoncé l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger après 8 rounds de négociation entre le gouvernement et les mouvements armés.
Ce document qui avait pendant 8 ans mis fin aux hostilités entre les parties signataires est devenu caduc selon les autorités de la transition.
En effet, dans une déclaration lue à la télévision nationale par le Colonel Abdoulaye MAIGA, constatant l’inapplicabilité absolue de l’Accord, le gouvernement a décidé de mettre un terme à l’Accord.
Le ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale, porte-parole du gouvernement a évoqué « le changement de posture de certains groupes signataires », mais aussi «les actes d’hostilité et d’instrumentalisation de l’accord de la part des autorités algériennes, chef de file de la médiation».
En effet, entre le Mali et l’Algérie la tension est montée d’un cran après que le Président algérien ait reçu des personnes considérées, selon le gouvernement, hostiles à la transition. Ainsi, recevant des membres de la CMA et l’iman Mahmoud DICKO sans être informé, le gouvernement du Mali estime que l’Algérie a outrepassé son rôle de médiateur. Son attitude est qualifiée comme une ingérence dans les affaires internes du Mali.
En guise protestation, les pays deux avaient rappelé leur diplomate pour consultation en décembre dernier. Les deux diplomates ont finalement regagné leur poste début janvier.
Dans son communiqué, le gouvernement « constate avec une vive préoccupation une multiplication d’actes inamicaux, de cas d’hostilité et d’ingérence dans les affaires intérieures du Mali par les autorités » algériennes. Il dénonce également « une perception erronée des autorités algériennes qui considèrent le Mali comme leur arrière-cour ou un Etat paillasson, sur fond de mépris et de condescendance ».
Par ailleurs, le gouvernement de notre pays reproche à l’Algérie d’héberger des bureaux de représentation de certains groupes signataires de l’Accord de 2015 et devenus « des acteurs terroristes ». c’est pourquoi, le régime malien « exige des autorités algériennes de cesser immédiatement leur hostilité».
Une situation prévisible
Depuis sa signature, l’Accord d’Alger peine à trouver la route. Des chapitres dudit document n’ont pas pu être exécutés à cause de certains blocages dû notamment au refus des groupes armés de se désarmer et de se conformer à des principes d’intégration au sein de l’armée nationale. En décembre 2022, les groupes armés signataires réunis au sein du CSP-PSD (CMA et une partie du GATIA fidèle à Fahad Ag Almahmoud) ont suspendu leur participation aux mécanismes de mise en œuvre de l’accord. Cette suspension a renforcé la méfiance entre ces groupes armés et l’Etat. Aussi, le désaccord sur la réforme constitutionnelle, la rétrocession des emprises de la MINUSMA ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase en instaurant une atmosphère de belligérance.
Ainsi, pour la 1ere fois en août 2023, les hostilités ont repris entre ces groupes armés et les Forces armées maliennes (FAMa).
Dans ce contexte, l’annonce du Président de la transition, Assimi Goita, dans son adresse à la nation à l’occasion du nouvel an de mettre en place un processus de « dialogue direct inter-maliens» pour «privilégier l’appropriation nationale du processus de paix» affichait la volonté politique de la transition d’expérimenter cette alternative au motif que l’Accord avait montré ses limites.
A la suite de la dénonciation de l’accord, le Président Assimi GOITA a pris un décret déterminant la composition de la commission de travail sur le dialogue inter-Maliens.
« Regrets » et «préoccupation»
de l’Algérie
Accusée par les autorités maliennes, l’Algérie dans un communiqué signé par son ministre des Affaires étrangères a répliqué le vendredi 26 janvier.
L’Algérie indique avoir pris connaissance, « avec beaucoup de regrets et une profonde préoccupation, de la dénonciation par les autorités maliennes de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger ».
«L’Algérie prend acte de cette décision dont elle tient à relever la gravité particulière pour le Mali lui-même, pour toute la région qui aspire à la paix et à la sécurité, et pour l’ensemble de la communauté internationale », souligne le texte.
Se défendant des accusations du gouvernement de transition, l’Algérie indique que « le peuple malien frère sait que l’Algérie n’a jamais failli à travailler à la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, avec sincérité, bonne foi et solidarité indéfectible envers le Mali frère ».
Et d’ajouter : « le peuple malien doit aussi savoir et doit se convaincre que la longue liste des raisons invoquées à l’appui de la dénonciation de l’Accord ne correspond absolument ni de près ni de loin à la vérité ou à la réalité ».
Pour la diplomatie algérienne, la transition s’était inscrite dans une logique de mettre fin à l’Accord en rappelant notamment le retrait de la MINUSMA.
La diplomatie algérienne a affirmé que le peuple malien frère «doit savoir que des décisions aussi malheureuses et aussi malvenues ont prouvé par le passé que l’option militaire est la première menace à l’unité et à l’intégrité territoriale du Mali, qu’elle porte en elle les germes d’une guerre civile au Mali, qu’elle diffère la réconciliation nationale au lieu de la rapprocher et qu’elle constitue enfin une source de menace réelle pour la paix et la stabilité régionales».
La dénonciation de l’accord intervient dans un climat de profonde dégradation des relations entre le Mali et le grand voisin algérien, avec lequel le Mali partage des centaines de kilomètres de frontière. Le colonel MAIGA a ainsi lu le jeudi soir un autre communiqué vigoureux, spécifiquement contre l’Algérie.
PAR SIKOU BAH
Info Matin