Comme dans une télé-novelas, les spectateurs ont eu droit, hier 7 décembre, aussi à un nouvel épisode, le quatrième, du Procès dit du Général Sanogo. Un procès qui, contre toutes les prévisions, s’annonce de trainer en longueur.
Lundi, 5 décembre, les protagonistes de ce grand cirque avaient quitté le prétoire sur une impasse : l’absence des témoins. Pour sauver les meubles et permettre au procès de se poursuivre, la Cour a instruit sagement, mandat d’amener à l’appui, de faire comparaitre les témoins au besoin par la force. Rendez-vous avait été, dans ce contexte, pris pour hier mercredi.
Comme dans les précédents épisodes, hier on s’est retrouvé dans le même théâtre de la Salle Lamissa Bengaly de Sikasso, avec les mêmes acteurs (les mêmes accusés, les mêmes accusateurs, les mêmes parties civiles, la même Cour), le même auditoire écartelé entre partisans et adversaire du Général Sanogo… et avec le même dispositif sécuritaire qui contrastent avec le quotidien des Sikassois pour la plupart affairés à autre chose.
Les abonnés aux joutes et effets de manches comme chaque fois étaient les premiers alignés dès le petit matin pour entrer dans la salle. Ils sont toujours nombreux à Sikasso, bien que les provisions pour nombreux d’entre eux s’épuisent drastiquement.
Vers 8 h 30, ce mercredi 07 décembre 2016, les vrais acteurs de la partie, pardon les parties du procès commencent timidement à rejoindre le chapiteau du théâtre qui se joue dans la salle Lamissa Bengaly de Sikasso. Ils avaient été précédés par la « bande des 17 » avec à leur tête le Général Sanogo, dans son V8 blindé, lunettes noires, costume marron clair et cartable en main, style cadre-sup, et qui joue la grande vedette.
La Cour d’assises des céans fait son entrée dans la Salle Lamissa Bengaly à 9 heures tapantes comme le diraient les frères soldats. Comme on est avec les militaires, continuons avec le parler militaire. D’un ton martial, le président de la Cour fait les accusés nominativement à la barre. Quinze d’entre eux, bons citoyens, répondant aux injonctions du pouvoir judiciaire sous astreintes, répondent présents à la barre.
Mais voilà, le compte n’y est pas. Tous les témoins aux épaulettes officiers et officiers supérieurs des forces armées et de sécurité du Mali (Famas) sont hors réseau ainsi que les personnalités politiques et religieuses comme l’ancien président Dioncounda et le prêcheur de renom, Chérif Madani Haidara. Une opportunité d’effet de manche servie à la défense sur un chapiteau d’or ! Elle crie au scandale, à la justice à deux vitesses et accuse le Ministère public d’avoir fait une application sélective du mandat d’amener des témoins.
Répondant au premier grief de la défense, la Cour estime qu’il n’y a pas eu d’application sélective dans le mandat d’amener des témoins.
Au regard de ce qu’elle considère comme une brèche (absence des témoins gradés à la barre), la défense s’engouffre et exige l’application de l’article 311 du code de procédure pénale. Ce qui veut dire ni plus ni moins le renvoi de la cause et des parties à la prochaine session d’assises.
En plus de sa demande de renvoi, la défense du Général Sanogo et de ses co-accusés estime que le Procureur général n’a pas été capable de procéder à la mise en l’état du dossier (le dossier n’est pas bien ficelé), aussi demande-t-elle à la Cour, la mise en liberté provisoire de ses clients.
Estomaquée face à une telle demande saugrenue, la partie civile qui est venue à Sikasso pour voir justice rendue à ses victimes exécutées sommairement à Diago, demande à la défense un peu de retenue et de décence. Comme réponse, la partie civile estime que les témoins de l’accusation présents dans la salle suffisent amplement pour que l’audience puisse démarrer afin que justice soit.
Quant au Ministère public représenté à l’audience par le Procureur général lui-même, il balaie d’un revers de main le folklore de la défense et assure que son dossier est en l’état, qu’il est bétonné. Comme la partie civile, le Parquet pense aussi que la présence de 15 témoins suffisent pour entamer des débats équilibrés et à confondre le Général Sanogo et ses co-accusés.
Pour trancher, la cour se donne 30 minutes. Elle se retire pour délibérer. On est 10 h 30 min à Sikasso.
Ponctuelle comme une horloge suisse, la Cour présidée par Mahamadou Berthé revient dans la Salle à 11 heures pour la reprise de l’audience. Elle statue et rejette la demande de renvoi de la défense. C’est donc parti pour le procès ?
Non ! La bataille des exceptions ne fait que commencer.
Vedette de ce scénario, la défense revient à la barre avec une pluie d’exceptions pour demander le renvoi de l’audience à une nouvelle session. Motifs ?
La défense conteste la compétence personnelle et matérielle de la Cour d’Assises à reconnaître les faits reprochés à ses clients. Elle estime qu’une Cour Civile n’est pas compétente pour juger cette affaire de bérets rouges. Raisons avancées ; les accusés sont militaires, les victimes sont militaires, les témoins sont essentiellement militaires.
Pour le Parquet, c’est une pirouette et une fuite en avant. Selon le Procureur général par contre, les faits qui n’ont rien de militaire (enlèvement et assassinat) prouvent que cette Cour a bien compétence à juger cette affaire. Poursuivant son argumentation, le Procureur général explique que des personnes ont été extraites de l’hôpital pour une destination inconnue d’où elles ne sont jamais revenues. Requérant en droit, il estime que renvoi devant une Cour d’Assises purge toutes inégalités.
Pour trancher sur l’exception de compétence soulevée par la défense, la Cour se retire pour délibérer et renvoie l’audience à jeudi 11 h pour vider les exceptions formulées par la Défense.
PAR SÉKOU CAMARA
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