Dans la prochaine décennie, selon les estimations 2025 publiées sur le site de la Banque mondiale, 1,2 milliard de jeunes dans les pays émergents atteindront l’âge de travailler, pour seulement 420 millions de créations d’emplois attendues sur la même période.
En Afrique Subsaharienne, 70 à 80 % de l’emploi rural dans la région reste lié à l’agriculture. Avec l’arrivée prévue de 362 millions de jeunes sur le marché du travail au cours de la prochaine décennie, et des opportunités d’emplois estimées à 151 millions, des centaines de millions de jeunes seront par conséquent privés de perspectives d’insertion sur le marché du travail, ce qui aura des conséquences de grande ampleur sur le développement de nombreux pays. Nous vous proposons ici la première partie de la pertinente réflexion de notre confrère Mohamed Sacko qui est également un cadre de l’Agence pour la promotion de l’Emploi des jeunes (APEJ).
Le Mali n’est pas en marge, parce que confronté qu’il est à la problématique de l’emploi des jeunes. Le développement du capital humain, notamment par la formation professionnelle de qualité pour l’emploi, constitue au Mali une priorité nationale et un enjeu majeur pour le développement socioéconomique du pays et sa stabilité. En outre, au Mali, 60% de la population est âgée de 15 à 40 ans et le taux de chômage des jeunes, extrêmement élevé dans les zones rurales, représente une menace évidente pour la cohésion sociale et la sécurité alimentaire. Il est donc impérieux d’agir pour créer des emplois. Cela passe par l’adoption de mesures urgentes et volontaristes pour stimuler la croissance, ce qui permettra de renforcer la stabilité économique et sociale, de réduire les migrations de masse, d’améliorer les moyens de subsistance des populations, d’accroître leur résilience aux chocs économiques ou climatiques.
Quid du taux de chômage !
Selon les données de l’Institut National de la Statistique – INSTAT, le taux de chômage au Mali se chiffre à 3,5 % en 2024 et son explication réside principalement dans le reflet d’une économie dominée par le secteur informel et l’agriculture de subsistance qui absorbe une grande partie de la main-d’œuvre, même si les emplois générés sont souvent précaires et peu rémunérés. Toutefois, l’INSTAT précise qu’il est crucial de ne pas confondre ce faible taux avec une situation de plein emploi ou de travail décent pour tous.
Par ailleurs, le Bulletin sur les Indicateurs du marché du travail 2024 édité par le ministère de l’Économie et des Finances en octobre 2024, nous renseigne qu’au cours de la période 2021-2022, le nombre de chômeurs était estimé à 173 777, soit 2,4 % de la main d’œuvre. Le taux de chômage chez les femmes s’est établi à 3,2 %, tandis que celui des hommes est estimé à 1,2 %. Le taux de chômage global des jeunes de 15 à 35 ans était de 3,6 %, soit le taux le plus élevé par rapport à celui des adultes.
Selon l’INSTAT, le défi pour le Mali n’est pas tant de réduire le chômage tel que mesuré, mais d’améliorer la qualité et la productivité des emplois existants, de développer le secteur formel et de créer des opportunités pour une jeunesse en croissance. En clair, poursuit l’INSTAT, dans un contexte de forte formalité (secteur informel), beaucoup de personnes qui travaillent dans des conditions précaires ou qui sont sous employés ne se déclarent pas comme «activement à la recherche d’emploi», car elles ont déjà une activité, même insuffisante ou ont perdu espoir de trouver un emploi formel. Elles ne sont donc pas valorisées comme chômeurs.
-Un phénomène difficilement maîtrisable
La crise multidimensionnelle que traverse notre pays depuis plus d’une décennie s’inscrit dans la durée avec ses corollaires de déstabilisation, de migrations forcées et d’exacerbation du chômage des jeunes (hommes et femmes) en âge de travailler. Les jeunes sont confrontés à des défis systémiques en matière d’emploi en raison, d’une part, de l’inadéquation entre la formation et les besoins du marché, mais aussi entre la création d’emplois et la croissance de la population dont 60 % sont des jeunes tandis qu’environ 300.000 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail. Face à de tels défis, l’État n’a d’autres choix que de créer suffisamment d’emplois en mettant l’accent sur le développement et le renforcement de secteurs à fort potentiel d’emploi : les infrastructures et l’énergie, l’agroalimentaire, les soins de santé, le tourisme et l’industrie manufacturière locale, etc. En clair, l’État doit créer un environnement propice à une croissance économique durable.
Les efforts des Autorités en faveur des jeunes (hommes/femmes) dans ces stratégies de réduction du chômage se fondent sur la nécessité reconnue d’adopter des politiques et des programmes propres visant à améliorer leur niveau de vie et à faciliter leur intégration dans la société. En effet, en vue d’apporter une réponse à cette problématique, les autorités ont élaboré, dans le cadre de la réduction du chômage et du sous-emploi, plusieurs documents stratégiques dont le Cadre Stratégique pour la Relance Economique et le Développement Durable (CREDD), le Programme National d’Action pour l’Emploi en vue de la Réduction de la Pauvreté, la Politique Nationale de l’Emploi (PNE), la Politique Nationale de la Formation Professionnelle (PNFP), le Programme Décennal de Développement de la Formation Professionnelle pour l’Emploi (PRODEFPE), le Programme Décennal de Développement de l’Éducation et de la formation professionnelle (PRODEC), les différents documents de gouvernance politique en lien avec l’agriculture, etc.
Nonobstant ces politiques et ces programmes, le phénomène du chômage devient difficilement maîtrisable. Est-ce à dire que ces politiques/programmes sont-ils inefficaces, loin s’en faut, mais ils sont vite dépassés par l’ampleur du phénomène. Il faut du temps et des moyens pour appliquer ces politiques/programmes dont les résultats sont visibles bien des années après. Or, le chômage n’attend pas, des cohortes d’étudiants en fin de cycle sont attendues chaque année pour être déversées dans la rue à la recherche d’emplois, des jeunes ruraux abandonnent quotidiennement leurs sites pour rejoindre les grandes villes à la recherche d’emplois tandis que ceux et celles qui y résident sont privés de perspectives d’insertion sur le marché du travail.
Quelques pistes de réflexion
Le financement est le processus qui consiste à fournir des fonds pour des activités commerciales, des achats ou des investissements. Mais, ce qui nous intéresse dans ce chapitre, c’est l’apport de l’État dans le financement des projets des jeunes. Pour cause, les jeunes n’ont pas assez de moyens pour créer leurs entreprises et l’autofinancement intégral ne permettra que rarement d’assurer un taux de croissance suffisant. Le recours aux capitaux externes, propres ou empruntés, offre un potentiel de croissance qui, judicieusement exploité, devrait compenser pour les jeunes la perte progressive de contrôle sur leurs projets.
Le financement des projets vise, donc, à stimuler la croissance tout en favorisant une participation accrue de la population à l’économie nationale, en particulier chez les jeunes, les femmes, les personnes pauvres et vulnérables et les migrants de retour. Ce soutien porte à la fois sur l’offre et la demande du marché : le financement des projets incite les entreprises à embaucher et former de jeunes qui ont déjà entrepris, tandis que les demandeurs d’emploi reçoivent des formations en ou hors entreprise.
Propositions : Afin de réussir à financer le développement d’une entreprise, il est essentiel de :
1-faire bénéficier les jeunes de dispositifs de formation professionnelle et numérique et d’un programme d’enseignement technologique dans les écoles ;
2-mettre en adéquation l’offre et la demande en rapprochant demandeurs d’emploi et employeurs ;
3-diversifier les sources de financement (internes et externes) pour stabiliser la croissance de l’entreprise ;
4-miser sur le financement massif des projets de jeunes à l’effet de faciliter leur intégration et leur employabilité dans le tissu économique et social ;
5-adopter une politique basée sur une approche innovante pour le développement des compétences (techniques, entrepreneuriales et «de vie») et la promotion de l’auto-emploi des jeunes dans les zones rurales à travers la vulgarisation de la méthodologie des «Écoles pratiques d’agriculture et de vie», une approche globale pour faciliter l’accès des jeunes au crédit, aux ressources productives, aux marchés et leur inclusion au sein d’organisations de producteurs.
A ce stade, la meilleure politique consiste, sur une période de 5 ans, à financer (en fonction des disponibilités du Trésor public) des petits projets porteurs et des activités génératrices de revenus oscillant entre 300.000 et 2.000.000 F. Chaque année 3000 à 5000 jeunes seront concernés par ce financement (sur fonds revolving). Un suivi régulier et rigoureux sera mis en œuvre pour permettre aux jeunes de rembourser dans un délai de 18 mois pour les projets de 300.000 F et de deux (2) ans pour les 2.000.000 F. A la fin des 5 ans, ce sont 40.000 jeunes qui auront bénéficié de ce précieux sésame de l’État…
A SUIVRE !
Mohamed Sacko
Source: Le Matin