Les librairies françaises s’insurgent contre le choix des membres du jury chargés de la sélection des meilleurs romans susceptibles de recevoir le prix Renaudot. Elles jugent ce choix comme non judicieux parce que se portant sur un livre publié sur une plateforme d’édition dont les livres ne sont disponibles que sur commande. Cette révolte elle-même est-elle judicieuse ? Ne faudrait-il pas plutôt regarder la qualité plutôt que la provenance ?
Le prix Renaudot 2018 devient source de polémique dans le secteur du livre. Ce prix accordé aux meilleurs romans avait été désigné à un livre auto-édité sur Amazon, c’est-à-dire à compte d’éditeur. Ce choix des membres du jury fait révolter les librairies françaises ainsi que le syndicat de la librairie française (SLF). À l’unanimité, chacun justifie sa colère par le fait que les livres publiés sur la plateforme d’Amazon ne sont disponibles que dans ces propres librairies et cela uniquement sur commande. Or, un livre qui bénéficie de ce prix doit être grandement disponible au marché parce qu’il sera sollicité par le grand nombre. Ne faudrait-il pas voir cette lutte comme la peur des librairies traditionnelles face à la montée en puissance de la numérique donnante occasion au fleurissement des librairies en ligne ?
Cette révolte peut se traduire également comme la concurrence multiséculaire entre les maisons traditionnelles classiques et celles que nous pouvons appeler modernes, c’est-à-dire l’auto-édition donnant l’opportunité aux nouveaux auteurs de se faire publier facilement sans aucun frais. Les maisons d’édition classique voient leur fin prochaine avec la montée exponentielle du numérique sur la scène du marché mondial. Ce rejet du livre « Bande de Français » de Marco Koskas parmi 17 romans en compétition ne se traduise pas par un problème d’accessibilité du manuscrit, mais plutôt par une peur d’étouffement des marchés des librairies voire des maisons d’édition classique.
Il convient que le monde s’adapte et accepte la numérisation de nos secteurs de travail. En ce qui concerne ce rejet, il faudrait arriver à la compréhension que la qualité n’a pas de provenance. Le fait qu’un livre auto-édité soit sélectionné pour réceptionner ce grand prix ne devrait qu’être salutaire et servir de leçon aux maisons d’édition classique. Ce rejet n’est pas une attaque contre Amazon seulement, mais contre toutes les maisons d’auto-éditions qui devraient, au lieu de s’allier derrière ce rejet, appuyer cette plateforme d’édition.
Fousseni TOGOLA
Source: Le Pays