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Primature : Vers un renforcement de Mara ?

Dans le microcosme politique malien, les rumeurs sont loin de désenfler au sujet du départ de Moussa Mara de la Primature. Dans certains cercles à Bamako, et  à en croire certains titres de la presse locale, on est aussi sûr de son départ que deux et deux font quatre. Moussa Mara partira ou ne partira pas ?

pm premier ministre moussa mara chef gouvernement parti yelema

A lire la presse locale, où on ne finit pas de spéculer, le départ de Moussa Mara ne serait qu’une question de temps. Il y a quelques semaines les noms de quelques barons du Rassemblement pour le Mali (RPM) circulaient dans la presse, étaient cités en permanence comme « premier ministrables » possibles après Moussa Mara : Mahamane Baby, Nankouma Keïta, Bocary Treta, Abdoulaye Idrissa Maïga. Il va sans dire que les projecteurs de l’actualité restent braqués sur Mara, qui, pour le moment, fait une sourde oreille à ce qu’on pourrait qualifier de spéculation d’une presse prise en otage par des politiques, lesquels se livrent une guerre sans merci par journaux interposés. En début de semaine, la rumeur,  « qui tue l’info », le donnait pour démissionnaire ou démissionné, provoquant du coup un ramdam qui a réveillé tous ou presque avant le démenti apporté par Moussa Mara lui-même.

Ce qui s’est réellement passé à l’aéroport…

D’aucuns ont expliqué qu’il serait menacé d’être demis de ses fonctions à cause de son absence à l’accueil du président de la République le vendredi dernier à l’aéroport Bamako-Sénou, avant d’ajouter que Mahamane Baby serait pressenti à la tête du gouvernement. Tous, ou presque, se sont empressés de dire qu’il a refusé de se rendre à l’aéroport pour accueillir le Président IBK. Et le drame, sans mener une véritable investigation sur l’incident. La nouvelle a été traitée avec passion et dépourvue de toute équité. Alors que la vraie version, selon des sources dignes de foi, est que l’heure exacte d’arrivée du Président n’a pas été communiquée au Premier ministre. Après maintes communications, la tour de contrôle de l’Aéroport aurait confirmé au Premier ministre que l’avion du Président atterrirait à 16h23. Le Président serait venu à 16h03, au moment où le cortège du Premier ministre devait prendre la route de l’aéroport. Une simple erreur de communication, manipulée ou involontaire, dont les détracteurs du Premier ministre se sont saisis pour le cuisiner. Alors qu’IBK lui même avait aussitôt, avec le Premier ministre, mis aux oubliettes et considéré comme une routine dans la gestion des affaires.
Jamais le départ d’un Premier ministre n’a aussi fait l’objet de spéculation que celui de Moussa Mara, arrivé à la tête de l’exécutif le 05 avril 2014, après la démission inattendue du Premier ministre Oumar Tatam Ly, tombé sur le champ d’une bataille d’influence orchestrée par quelques apparatchiks du RPM et proches du Président de la République. La nomination de Moussa Mara, on s’en souvient, a été diversement appréciée tant dans les rues que dans le microcosme politique. Au RPM, on avait eu du mal à avaler la couleuvre, et s’en est suivie une sorte de guerre froide, qui a fini par migrer dans la presse où les deux camps ont trouvé des « avocats de second ordre ».

Il y a quelques mois…

Moussa Mara a été jugé responsable de la dégradation de la situation à Kidal, où l’armée malienne a subi une tannée terrible à l’occasion de sa visite qui a été jugée inopportune, impréparée, et dont les conséquences ont été désastreuses. Les critiques ont fusé.

On le disait populiste, dur d’oreille, enclin à la « bravitude ». Nombreux sont ceux qui lui en tiennent encore rigueur. Ils ne lui pardonnent pas de s’être rendu à Kidal. Mais il n’y a pas que ça. Ce qu’on ne dit pas assez, c’est qu’au sein du RPM, parti politique du président IBK, certains pontes ont encore du mal à accepter le choix du « boss » d’avoir porté Moussa Mara à la tête de l’exécutif.

En choisissant Mara, IBK en a pris plus d’un au dépourvu au sein de son parti, où le souhait le plus partagé était de voir le Premier ministre sortir des rangs du parti. Un souhait dont ils n’ont jamais fait mystère, témoigne l’acharnement auquel ils ont soumis le Premier ministre apolitique Oumar Tatam qui a fini par démissionner. Au sein du RPM, après Tatam Ly, on voulait un Premier ministre qui soit politique, mais pas n’importe lequel : un des leurs. Et si IBK, encore une fois, est allé à la pêche d’un Premier ministre hors des murs de sa famille politique, on est en droit de dire qu’il y a baleine sous le gravier. Certains observateurs y ont décelé une sorte de désaveu d’IBK vis-à-vis de ses camarades du RPM, lesquels, de leur côté, ont parlé d’une entorse à la démocratie.
Aujourd’hui, chacun y va de son commentaire. Moussa Mara partira ou ne partira pas ? C’est la question qui reste pour le moment sans réponse, même si dans certains cercles à Bamako, on est aussi sûr de son départ que deux et deux font quatre. « Je pense qu’il se passe des choses beaucoup plus graves dans le pays, comme les enlèvements des civils et ceux qu’on décapite, et leur vie qui devient impossible, pour spéculer sur ce qui se passe dans les petits cercles Bamakois », déplore un confrère. Pour les observateurs les plus avisés, le scenario le plus plausible reste la reconduction du Premier ministre et un réaménagement technique du gouvernement. Et ce pour 3 raisons fondamentales. Primo, le Premier ministre bénéficie encore de la confiance des populations. En témoigne le dernier sondage de la Fondation Friedrich Ebert. Lequel confirme le capital de sympathie dont bénéficie le Premier ministre. Le débarquer maintenant serait très mal perçu par l’opinion nationale. Secundo, la situation actuelle du pays nécessite une certaine stabilité. Des actions concrètes ont été entreprises ces derniers mois. Une nouvelle dynamique de gestion a été impulsée avec Mara à la tête du Gouvernement. N’eurent été les pesanteurs politiques et les considérations personnelles, des résultats plus probants auraient été atteints. Un nouveau Premier ministre fragiliserait les chantiers en cours, relancerait les supputations politiques et remettrait en cause les fragiles acquis. Tertio, la situation relative à l’avion présidentiel et aux contrats d’armement lui est favorable. Son sens de l’anticipation et sa détermination à faire respecter les engagements pris par l’Etat auprès des institutions financières rassurent ces dernières. Sa présence à la tête du gouvernement, au regard de ses principes de gouvernance, rassure les bailleurs de fonds. Ces derniers, selon plusieurs sources concordantes, en auraient fait part à qui de droit. Débarquer Mara, maintenant et toute suite, reviendrait tout simplement à demander au FMI et autres institutions financières ‘’d’aller se faire foutre’’. A la lumière de tout ce qui précède, il en ressort que nous partons plus vers un renforcement de Moussa Mara avec un réaménagement technique du gouvernement que l’impression laissée par les récurrentes rumeurs.

Moussa Mara, un syndrome malien…

 

Dans l’entourage du premier ministre, Moussa Mara, on crie à une tentative de « déstabilisation et de torpillage sur plusieurs fronts ». D’autres sources diplomatiques affirment sans sourciller que s’il y a tout ce bruit, c’est parce qu’on fait grief à Moussa Mara d’être déterminé à assainir les finances publiques et à lutter contre la corruption, surtout que c’est lui qui aurait booster les audits des affaires de l’achat du jet présidentiel et du marché des équipements de l’armée au Bureau du Vérificateur Général et à la Cour suprême. Selon une récente enquête d’opinion de la Fondation Friedricht Ebert, « une majorité importante des citoyens de Sikasso (84,1%) et dans une moindre mesure de Ségou (76,5%) et de Kayes (68,2%) font confiance au Premier ministre, Moussa Mara, contre une majorité qui ne lui fait (ou modérément) confiance à Gao (57,8%). Une forte minorité de personnes ne lui font pas ou lui font modérément confiance à Tombouctou (42,5%) et à Mopti (36%) »

 

Mais il reste que tout ce remue-ménage à propos de la démission de Moussa Mara est révélateur d’un syndrome malien. Dans ce pays- nous avons bien conscience de remuer le couteau dans la plaie-, c’est une illusion que de croire que les journalistes sont un contre-pouvoir tellement qu’ils ont tout ce que le journaliste français, Serge Halimi, dénonce dans son livre « Les nouveaux chiens de garde (1)» : « journalisme de révérence », « journalisme de marché », « univers de connivence »…Résultat, la presse est devenue une pépinière de spéculateurs, de pisse-copie, de colporteurs de rumeurs. Au-delà de tout cela, cette rumeur concernant la démission de Moussa Mara est le symbole d’un pays qui, traumatisé par la crise, est toujours dans un cercle vicieux. Un pays où la peur de l’avenir pousse une classe politique tombée en disgrâce à allumer la mèche des querelles de personne autour des postes, ministériels compris.

 

Et, enfin, il est impossible de ne pas être d’accord avec tous ceux qui pensent que tout cela est un faux débat et que les vrais problèmes du Mali sont ailleurs : négociations à Alger, normalisation avec le FMI et d’autres partenaires…Car, écrit Adam Thiam, éditorialiste au quotidien Le Républicain, « la boîte à rumeurs ouverte ajoute à ce défi puisqu’elle n’existe que pour donner l’impression d’un bras de fer  entre lui et son Premier ministre. Le président n’a plus une minute à perdre : il reprend la main tout de suite, met l’éthique de son côté et affirme l’autorité  ou hélas il affronte  hélas la crise de régime seulement quatorze mois après son investiture. (2)»

 

  • Les nouveaux chiens de garde, Serge Halimi, novembre 1997, Editions Raison d’agir
  • Edito : Reprenez la main, président !, Adam Thiam, Le Républicain

 

Boubacar Sangaré

SOURCE: Le Flambeau  du   13 nov 2014.
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