Dans quelques jours s’ouvriront à Alger le premier round des négociations formelles entre le gouvernement malien et les groupes armés. Alors que toutes les parties disent reconnaitre l’indivisibilité du Mali, un projet à obédience sécessionniste est en gestation chez les groupes armés.
Depuis l’accord de Ouagadougou, les groupes armés, qui avaient proclamé l’indépendance du nord du Mali (Azawad selon leurs termes) avant d’y être délogés puis réinstallés après l’intervention française, se sont engagés à ne jamais remettre en cause l’intégrité territoriale du Mali ni le caractère laïc de l’Etat malien.
Dans le cadre du processus de dialogue, ils ont également reconnu l’indivisibilité du territoire malien, une ligne rouge que le gouvernement avait tracé pour sa participation à toute négociation.
Ces engagements des groupes armés n’ont cependant jamais été vérifiés dans les actes. Ainsi, malgré l’accord de Ouagadougou, des territoires sont restés sous leur contrôle et interdits aux plus hautes autorités maliennes. En mai dernier, face à la persistance du Premier Ministre à se rendre à Kidal, les rebelles lui ont promis l’enfer s’il foulait le sol kidalois et ces derniers n’ont pas manqué à leur promesse.
Cependant, ces évènements de Kidal ont certes servi de catalyseurs aux sentiments de belligérance mais ils ont également constitué un électrochoc pour la relance des pourparlers qui patinaient du fait du gap séparant les discours et les faits. Ils ont permis aux parties de convenir sur une date pour le début du dialogue inclusif formel. Et ce sera vers la quinzaine de ce mois de juillet dans la capitale algérienne, Alger.
Que va-t-on négocier : autonomie ou décentralisation avancée ?
Il faut dire que ces deux termes reviennent au même. Les deux supposent une concession du pouvoir central à des entités sous sa tutelle. Cependant ces termes restent importants dans la mesure où le premier, usité par les groupes armés, suppose, à leur entendement, de larges responsabilités juridiques, économiques et administratives que le gouvernement central devrait, selon eux, leur concéder.
Pour se faire entendre et comprendre, ils ont élaboré des projets qu’ils comptent soumettre au gouvernement pendant les négociations futures. Certaines parties de ces documents ont filtré dans la presse nationale.
En effet, selon L’Indépendant, le projet autonomiste du Mouvement National de libération de l’Azawad (MNLA) prévoit pour cette partie du Mali appelée « Azawad », la création d’une série d’institutions distinctes de celles de l’Etat central. C’est ainsi que le « Conseil Territorial de l’Azawad », composé de 60 membres dont le siège sera fixé à Gao, fera office de parlement ; le « Conseil Exécutif de l’Azawad », le gouvernement, sera composé de 30 membres et le siège sera fixé à Kidal.
En plus, « l’Azawad » sera dotée d’un Conseil économique, social, culturel, de l’environnement et de l’éducation dont le siège sera fixé à Tombouctou. Quant au Conseil de la Jeunesse, son siège sera fixé à Gossi.
Selon le même projet, sur le plan juridique et économique « l’Azawad réglementera et exercera le droit d’exploitation des ressources naturelles biologiques et non biologiques du plateau de Taoudéni et de toute autre zone ». La nouvelle entité fixera les règles applicables dans les matières suivantes : impôts, droits et taxes, la politique étrangère, accès au travail des étrangers, mines, tourisme, etc.
En matière de politique étrangère, elle sera représentée au sein des organismes régionaux, des instances de l’Union Africaine et « dans ses domaines de compétence pourra négocier…des accords avec les Etats voisins ou organismes régionaux et conclure…des conventions avec des autorités locales étrangères… » Il est également prévu qu’elle définisse l’hymne et l’emblème pour les sportifs qui représenteront « l’Azawad » dans les compétitions interrégionales et internationales.
L’Azawad sera-t-il alors un Etat dans l’Etat ?
De toute évidence, c’est ce qui est prévu au cours des pourparlers d’Alger. Cela parait d’autant plus probable que, selon toujours l’Indépendant, « les partenaires impliqués dans la résolution de la crise ont concocté un document qui correspond aux désidératas des mouvements indépendantistes ».
Il aisé de déduire que l’indépendance, l’aspiration première des groupes armés, n’a jamais disparu des cœurs. Le projet qu’ils soumettront sur la table des négociations s’apparente plus à une indépendance qu’à une quelconque autonomie ou décentralisation avancée. La dualité institutionnelle qui en ressort est plus susceptible de créer un conflit de pouvoir et de compétence territoriale que de résoudre l’absence de l’Etat dans le nord.
Cette situation inquiète d’autant plus les maliens que rien ne filtre sur les intentions du gouvernement malien. Que va-t-il proposé en échange ? Acceptera-t-il de s’inscrire dans ce projet des groupes armés qui, dans l’apparence, préserve l’Etat malien d’une division ?
On sait qu’avec la création d’un ministère de la décentralisation, avec à sa tête le plus grand spécialiste du domaine au Mali, le gouvernement préparait sa feuille de route pour les pourparlers. Cependant, du fait qu’un grand flou entoure les intentions du gouvernement malien, qui s’est seulement contenté de marteler ses lignes rouges, il est, en effet, à craindre que les autorités se laissent embarquer dans ce projet du moment où certaines dénominations territoriales resteront inchangées.
Quoi qu’il en soit, le gouvernement devra se rappeler que l’important sera de préserver, à l’issu des pourparlers avec les groupes armés, non seulement le nom « Mali » mais avec le fait « Mali ».