Titulaire d’un Master professionnel en Droit des affaires et d’un Master of science en marketing et intelligence d’affaires, Nouhoun Kéïta est un jeune intellectuel qui se prononce régulièrement sur les sujets d’actualité. Disponible et engagé pour le débat d’idées, M. Kéïta est l’une des premières personnes à adresser une importante communication au Président du Comité des experts pour la révision de la Constitution. Dans cette contribution, il livre son analyse sur la loi n°2014-015 du 27 mai 2017 portant Prévention et répression de l’enrichissement illicite.
Étymologiquement, le terme «illicite» vient du mot latin illicitus, ce qui n’est pas permis par la loi ou la morale. L’enrichissement illicite est l’augmentation substantielle du patrimoine d’un agent public que celui-ci ne peut raisonnablement pas justifier par rapport à des revenus légitimes, soit un train de vie mené par cette personne sans rapport avec ses revenus légitimes.
Dans le domaine de la lutte contre la corruption, nombreux sont ceux qui réclament la sanction de l’enrichissement illicite. La Convention des Nations-Unies contre la corruption elle-même préconise son incrimination «chaque État partie envisage d’adopter les mesures législatives et autres nécessaires pour conférer le caractère d’infraction pénale… à l’enrichissement illicite… ».
C’est pourquoi, pour juguler la mauvaise gouvernance, la corruption, le détournement du denier public qui sont les principales causes de l’effondrement du Mali et l’appauvrissement massif de sa population avec toutes les conséquences néfastes comme cela fut récemment le cas en Libye avec la vente des immigrés clandestins qui fuient la misère et le manque d’opportunités, notre pays a adopté la loi numéro 2014-015 du 27 mai 2014 portant sur la prévention et la répression de l’enrichissement illicite. Cette loi est un véritable outil de promotion de la bonne gouvernance et l’obligation de rendre compte.
Cibles
Sont assujettis à la présente loi, les autorités publiques, élus et hauts fonctionnaires chargés de la gestion des deniers publics, toute personne physique civile ou militaire dépositaire de l’autorité publique, chargée de service public, même occasionnellement, ou investie d’un mandat électif, tout agent ou employé de l’État, des collectivités publiques, des ordres professionnels, des organismes à caractère industriel ou commercial dont l’État ou une collectivité publique détient une fraction du capital social. Ces personnes sont tenues de procéder à une déclaration de biens dans les trois (03) mois de leur nomination et dans le mois qui suit la cessation de leurs fonctions.
L’Office Central de Lutte contre l’enrichissement Illicite (OCLEI) a été institué avec pour mission de coordonner sur le plan national, régional et international, l’ensemble des mécanismes de lutte contre l’enrichissement illicite… Suite à une dénonciation faite contre un agent public, celui-ci dispose d’un délai de 60 jours pour justifier l’origine de son bien. Toutefois, il peut bénéficier de 30 jours supplémentaires.
À noter que la déclaration de biens du Président de la République est prévue par l’article 37 de la Constitution du 25 février 1992 qui dispose : “Après la cérémonie d’investiture et dans un délai de 48 heures, le Président de la Cour Suprême reçoit publiquement la déclaration écrite des biens du Président de la République. Cette déclaration fait l’objet d’une mise à jour annuelle”. Et celle relative au gouvernement par l’article 57 : “Avant d’entrer en fonction le Premier Ministre et les Ministres doivent faire au Président de la Cour Suprême la déclaration écrite de leurs biens…”.
De la Répression de l’enrichissement illicite :
Selon l’article 14 de la loi portant sur l’enrichissement illicite “la poursuite et l’instruction de l’infraction d’enrichissement illicite relèvent de la compétence des pôles économiques et financiers”. Si des déclarations et autres informations reçues, il ressort que des éléments ou des faits sont susceptibles de constituer un enrichissement illicite ou toute autre infraction à la loi pénale, l’autorité saisie (OCLEI) en fait la dénonciation au Procureur du Pôle économique et financier territorialement compétent pour les suites de droit.
Des Peines et Sanctions :
La peine est le châtiment infligé à l’auteur d’une infraction pénale (enrichissement illicite). Elle permet de punir le comportement illicite et de dissuader les contrevenants potentiels.
Selon l’article “le refus de s’exécuter, dans le délai imparti, sera sanctionné de la révocation ou de la déchéance immédiate de l’agent incriminé par l’autorité de nomination ou d’investiture”.
Lorsque la valeur des biens jugés illicites est inférieure ou égale à 50.000.000 FCFA, la peine sera de 1 à 3 ans et d’une amende égale à ladite valeur.
Lorsque la valeur du bien est supérieure à 50.000.000 FCFA, la peine sera de 3 à 5 ans d’emprisonnement et d’une amende égale au double de la valeur desdits biens.
Les complices encourent les mêmes peines que l’auteur de l’infraction principale. Les peines complémentaires suivantes peuvent être prononcées : la confiscation de tout ou partie de ses biens, l’interdiction à titre définitif ou pour une durée de 5 ans au moins d’exercer une ou plusieurs activités commerciales, professionnelles ou sociales à l’occasion de laquelle ou desquelles l’infraction a été commise, la fermeture de l’établissement de l’entreprise ayant servi à commettre les faits, la dissolution…
Retrait de cette loi, une incapacité du régime à réformer le pays
Pour ma part, je suis pour cette loi qui est certes imparfaite et par conséquent, elle doit être renvoyée pour un réajustement en vue d’inclure par exemple les législateurs dans son champ d’application. Elle permettra de lutter contre la mauvaise gouvernance et d’assurer le bien-être des maliens et surtout que la loi a un caractère général et impersonnel. C’est pourquoi, j’ai accepté un débat contradictoire face au Secrétaire général adjoint du SYNTADE sur l’opportunité de ladite loi. Son retrait dénote de façon péremptoire l’incapacité du régime actuel à réformer le pays à travers une lutte farouche contre la mauvaise gouvernance.
Notre pays a besoin d’un État fort pour s’imposer «si l’État est fort il nous écrase et s’il est faible nous périssons ». Dura Lex, Sed Lex (La loi est dure mais c’est la loi). Aussi, nous avons deux (2) choix, soit on se met en ordre de bataille pour mettre fin à la mauvaise gouvernance au Mali, soit on reste passif et c’est la mauvaise gouvernance qui va mettre fin à l’existence de notre cher pays.
NouhounKéïta