Le 29 juillet 2018, les Maliens ont une nouvelle fois rendez-vous avec les urnes. L’élection présidentielle à venir sera un réel test pour l’appareil étatique. Elle est surtout le verrou obligé qu’il faudra tenir ferme pour que le pays garde sa relative et précaire stabilité depuis 2013. Cependant, alors que les candidats, potentiels et déclarés, s’agitent dans un tohu-bohu indescriptible, l’électeur malien demeure pantois.
La marche de l’opposition et d’une partie de la société civile du samedi 02 juin 2018 a été violemment réprimée par les forces de l’ordre. Il s’agissait là d’un énième épisode d’un feuilleton animé par nos politiques, et qui pourrait avoir comme titre, « à la recherche du pouvoir ». Souvent, nos politiques se transforment en véritables comédiens, qui n’ont rien à envier à La commedia dell’arte.
Entre les chercheurs de strapontins, l’entourage du président sortant plus avide à garder leurs privilèges, et une opposition assez maladroite, l’on ne sait plus où donner de la tête. Des associations de partis politiques soutenant tel ou tel candidat foisonnent quasiment tous les jours, avec des acronymes inconnus de l’opinion public. Elles s’expriment dans un jargon que le Malien lambda ne comprend que très difficilement. Sauf miracle politique, l’on s’achemine encore une nouvelle fois vers un duel IBK-Soumaila. A moins que l’on ait droit à un scénario à la Donald Trump ou encore à la Macron.
Mais ce qui interpelle l’électeur malien, soucieux du bien-être de son pays, c’est cette impression que la classe politique n’a point retenu les leçons de la gouvernance des années d’avant la crise 2012. D’abord, IBK, qui promettait de rompre avec les pratiques de corruption et de népotisme, vu sa gouvernance, a un bilan assez peu défendable. Sur le plan de la gouvernance vertueuse, il aura peiné à appliquer ce qu’on pensait de lui : fermeté, rigueur et discipline.
Les scandales de malversation financières qui ont émaillé son mandat sont, à suffisance, des preuves que le président sortant ne maitrise pas, et son entourage assez malveillant, et les rouages du pouvoir qu’il est censé exercer pleinement. Néanmoins, toujours fort de son charisme naturel, il semble encore être le favori numéro 1 du prochain scrutin. Quant au « takokelen », une victoire dès le premier tour, que certains de ses partisans clament haut et fort, il est tout simplement irréalisable. En 2013, auréolé de sa supposée trempe d’homme d’Etat aux bras d’acier, il ne put le réaliser. Et ce n’est pas aujourd’hui, où son bilan est, pour le moins, en deçà des attentes, qu’il va accomplir cette prouesse.
De l’autre côté, le chef de file de l’opposition, Soumaila Cissé, jouit de plus de soutiens que lors du dernier scrutin. Et, l’idée qu’il pourrait être un meilleur président qu’IBK, circule dans certains milieux à Bamako et dans les grandes villes. Toutefois, lorsque l’on constate que son équipe de campagne n’hésite pas à acheter des manifestants pour remplir le stade du 26 mars lors de sa déclaration de candidature, l’on est aussitôt refroidi.
L’invitation du très populaire rappeur IBA ONE à la cérémonie y est aussi pour beaucoup dans le succès populaire de ce rassemblement. Néanmoins, les soutiens de Soumaila étaient présents en grand nombre, mais dire que tous ceux qui étaient ce jour-là au Stade, étaient des soutiens inconditionnels de Soumaila Cissé, est tout simplement faux. Pourquoi donc, celui qui est un des grands favoris de la prochaine présidentielle ne compte pas sur ses forces intrinsèques ? Ne sait-il pas que bon nombre de Maliens ne se laissent plus duper par ce genre de démonstration de force acquis à coup de billets de 2000 franc CFA ?
Tenir son rassemblement qu’avec ses soutiens, même dans un stade rempli qu’à moitié, aurait eu plus de résonnance dans le cœur de l’électeur malien qu’un stade archi-comble avec beaucoup de jeunes présents uniquement grâce à un billet de 2000 F CFA qu’ils ont empoché au détour d’un carré, ou juste pour faire la fête avec IBA ONE. Mine de rien, ce rassemblement que les soutiens de Soumi crient comme un succès, est peut-être finalement ce qui va lui faire couler au décompte final. Wait and see.
Mais avant, le géant que fut le parti Adéma aux premières heures du Mali démocratique, se retrouve aujourd’hui embourbé dans les sables mouvants de ses propres turpitudes. Par manque d’ambition politique, il ne présentera pas de candidat et soutiendra IBK. Résultat, dispersion des rangs, démission en cascades et surtout une terrible perte de crédit.
Fort est de constater, en l’état, que le Mali nouveau, debout sur les remparts, n’est pas pour aujourd’hui, fort malheureusement. La stabilité du pays passe avant tout. Aux politiques de le comprendre.
Ahmed M. Thiam
Source: infosepte