Il est clair que Tshisekedi est le choix du milieu pour Kabila qui n’aurait pas voulu être confronté à son ennemi (Jean-Pierre Mbemba dont il a pu se débarrasser il y a quelques années) via la victoire de Fayulu. Et aussi pour éviter le chaos postélectoral plusieurs fois pressenti par plus d’un observateur en cas de victoire de Shadary, poulain du président sortant tant voulait-on en faire un laboratoire de l’alternance démocratique du bassin du Congo.
Mais il m’est inconcevable que Le Drian, ce chef de la diplomatie française qui a fermé les yeux sur le cafouillage électoral de son ami Sassou (Denis Sassou Nguesso du Congo Brazzaville) trouve à dire sur les résultats des élections en RDC.
Je tiens à rappeler à Le Drian que, pour rafraîchir sa mémoire, dans la région, Kabila est le dernier arrivé et le premier à partir même si cela s’est fait sous des feux nourris de pressions venues de toutes part et de façon unanime. Et cela depuis que Trump, ne supportant pas les meurtres de deux de ses compatriotes dans l’Est de la RDC, a ouvert ce feu.
Kabila a quand même cédé. Je ne me dis pas satisfaite des résultats qui vraisemblablement ne sont pas ceux qu’attendaient le peuple de la RDC qui avait manifestement jeté son dévolu sur Fayulu lors de cette consultation qui a connu une alternance en demie teinte pour nombre d’observateurs.
Difficile alternance, mais alternance quand même. Ce que je comprends encore moins est le fait que Le Drian ferme les yeux sur tous les autres plus vieux mauvais crocodiles politiques de la région Afrique centrale qui, je ne l’oublie pas, a des enjeux économiques et stratégiques incommensurables qui menacent, entre autres, l’installation de la démocratie.
Cette pression à deux vitesses d’un Occidental et plus généralement des Occidentaux est symptomatique à mon avis du peu d’entrain que les peuples bantous manifestent de l’alternance par les peuples. Et puis, le peu d’embellie de cette victoire de Tshisekedi qui a hérité de la notoriété politique de son père sans en avoir ni la carrure ni le charisme est le fait absolu des rôles joués par les peuples qui ont tenu à goûter la démocratie par les urnes pour la première fois depuis 1960, année de l’indépendance de la RD Congo par la pression sans cesse exercée par l’épiscopat.
Rôle que refusent de jouer, jusque-là de façon franche et déterminée, les peuples, les églises et la plupart des acteurs de la société civile de cette partie de l’Afrique pour dégager leurs tyrans. Enfin, d’autres pensent que cette alternance par les urnes « organisée pour la victoire de Tshisekedi » sert dans l’absolu dans l’immédiat à éviter le chaos qui aurait pu avoir aussi de lourdes conséquences également à tous les niveaux sur les 9 pays voisins du pays de Lumumba.
Mais, à la long terme, cela pourrait créer un conflit entre Tshisekedi et Kabila s’il arrive qu’un jour ce dernier lui fasse du chantage sur les conditions de son accession à la magistrature suprême de ce pays de 80 millions d’habitants, de 2 300 000 km2 regorgeant des ressources de fabrication des technologies actuelles et à venir sur lequel les nouvelles prédatrices que sont la Chine et la Russie jettent désormais leur dévolue.
Sadio Morel Kanté
Journaliste-analyste, spécialiste de l’Afrique (France)
Le Focus