A quelques jours du 29 juillet, date du scrutin pour l’élection du président de la République, le Directoire de campagne du candidat Soumaïla Cissé dirigé par Tiébilé Dramé a dénoncé, le vendredi 20 juillet 2018 au cours d’une conférence de presse tenue à l’hôtel de l’Amitié, la fraude sur le Fichier électoral mis en ligne par la Délégation générale aux élections (DGE). Le directeur de campagne de Soumaïla Cissé s’est insurgé contre le fichier mis en ligne. Lequel, à ses dires, comporte plusieurs anomalies. Et il a tenu le gouvernement responsable de cette situation. Si ces anomalies ne sont pas corrigées, a-t-il indiqué, l’URD n’ira pas à l’élection présidentielle du 29 juillet prochain.
Selon Tiébilé Dramé, le directeur de campagne du candidat Soumaïla Cissé, le fichier électoral 2018 du Mali a été audité en avril 2018 par un Comité d’experts nationaux et de l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif). Les conclusions de cet audit présentées au Premier ministre, le 27 avril 2018 indiquaient que le fichier électoral du Mali était ” suffisamment fiable pour permettre la tenue des élections générales de 2018 “. Le président du Comité d’audit et le directeur de la Délégation générale aux élections (DGE) avaient alors précisé que le fichier avait été nettoyé de tout doublon et que le nombre définitif d’électeurs avait été arrêté à 8 000 462 inscrits. «Toutefois, il nous a été donné de constater de nombreuses incohérences entre ce fichier audité et la version électronique mise en ligne à partir 4 juillet 2018 par la Délégation Générale aux Élections (DGE). Plusieurs sortes d’anomalies interrogent et peuvent être apportées à la connaissance de l’électorat malien : le fichier mis en ligne contient en fait 8 105 654 électeurs ; le retour des doublons : le fichier électoral contient de nombreux électeurs dont le numéro NINA apparaît à plusieurs reprises dans la liste électorale. Sur l’ensemble du fichier électoral, cette anomalie laisse supposer un potentiel de275 761 voix fictives ; des électeurs supplémentaires : le nombre d’électeurs indiqués dans les statistiques du fichier électoral ne correspond pas au nombre d’électeurs réellement inscrits. Sur l’ensemble du fichier électoral, cette anomalie laisse supposer un potentiel de 488 813 voix fictives ; des centres et bureaux de vote additionnels : dans certaines communes, le nombre de centres et de bureaux de vote ventilés par village, fraction ou quartier (VFQ) ne correspond pas avec le chiffre consolidé». Dénonce Tiéblé Dramé.
Décidément très en verve, le directeur de campagne de Soumaïla Cissé continue sur sa lancée : “Sur l’ensemble du fichier électoral, cette anomalie laisse supposer un potentiel de 477 000 voix fictives ; le fichier électoral pour les circonscriptions à l’étranger non documenté : alors que le fichier électoral fournit toutes les informations sur la liste des enrôlés au Mali (nom, prénom, sexe, photo, localité, date et lieu de naissance, centre et bureau de vote…), il ne contient aucune de ces informations pour les électeurs de la diaspora. Cela concerne 452 900 électeurs. A cela s’ajoutent d’autres anomalies comme, entre autres, des électeurs sans photo, des incohérences entre les statistiques du fichier audité et celles du fichier en ligne, la présence de circonscriptions sans centres ni bureaux de vote, mais avec des électeurs”, a-t-il relevé comme anomalies.
D’après Tiébilé Dramé, de ces différents éléments documentés, analysés et vérifiables, il en ressort un potentiel de fraude estimé à 1 241 574 voix, sans compter le vote des Maliens de l’étranger. Les électeurs supplémentaires s’élèvent à 488 813 (au moins 500 électeurs par bureau de vote) et les bureaux de vote additionnels (fictifs) s’élèvent à 477 000. Tiébilé Dramé a fait mention du retour des doublons dans le fichier électoral mis en ligne. Dans ce fichier, le numéro NINA de nombreux électeurs apparaît à plusieurs reprises dans la liste électorale. Et des villages, fractions ou quartiers (VFQ) sont attachés à plusieurs communes différentes, dédoublant ainsi toute la liste. On trouve des villages, fractions ou quartiers (VFQ) dans deux, trois, quatre voire cinq communes différentes. Comme autres anomalies, des électeurs sont sans photos, des communes ou des villages, fractions ou quartiers (VFQ) sont sans centres ni bureaux de vote, mais avec des électeurs. A ce titre, l’anomalie à Ménaka est illustrative.
En effet, Tiéblé précise, que dans chacune des cinq communes de Ménaka, les électeurs inscrits apparaissent dans la catégorie “Commune” mais les circonscriptions (villages, fractions ou quartiers – VFQ) ne sont pas renseignées. Or, lorsque l’on consulte la fiche individuelle de chaque électeur, ils sont tous rattachés à des villages, fractions ou quartiers. “Au regard de ces constats, le Directoire de campagne du candidat à l’élection présidentielle, Soumaïla Cissé, prend à témoin l’opinion publique nationale et internationale avant le premier tour du scrutin du 29 juillet 2018. La responsabilité du gouvernement du Mali est entièrement et gravement engagée dans ce qui s’apparente à une vaste tentative de fraude tendant à prendre en otage le vote des Maliennes et des Maliens. Et pour que l’URD aille aux élections, il nous faut toutes les garanties de transparences. Une solution technique ne suffit pas, il faut une implication politique et l’implication de la Communauté internationale dont l’Organisation internationale de la Francophonie, la Cédéao, l’Union européenne, l’Union africaine. La communauté internationale doit dire ce qu’elle pense de cette grave situation”, a-t-il souligné.
Aux dires de Tiébilé Dramé, le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga a été informé du problème afin qu’un correctif urgent soit apporté à ce fichier mis sur ligne. “Les pouvoirs publics que nous avons rencontrés ne nient pas les faits. Ils ont dit qu’il faut réunir le cadre de concertation, procéder aux planifications. D’accord. Nous disons que les mesures techniques ne suffiront pas. Il faut créer d’autres types de mesures. Il faut que le gouvernement s’engage parce que lui seul est responsable de la tenue d’élections régulières ou non régulières et des éventuelles conséquences qui pourraient découler de la non tenue d’élections régulières. Il faut que le gouvernement s’engage avec des mesures politiques. Il faut que la communauté internationale s’engage. Elle est accourue au chevet du Mali en 2013 à la suite de l’effondrement de l’Etat du Mali. Elle contribue à la stabilisation du Mali. Elle paie un lourd tribut en termes d’hommes qui sont tombés au Mali pour sa liberté et sa stabilité. Et l’élection à venir est une élection importante pour la stabilité du pays. A ce titre, la communauté internationale ne doit pas être spectatrice du déraillement du processus. Donc, elle est aussi interpellée. Nous n’irons pas aux élections avec un fichier avarié. Les mesures techniques correctives ne suffisent pas”, a-t-il averti.
“Les soi-disant mercenaires serbes ou croates étaient des professionnels de la communication”
Tiébilé Dramé a démenti l’information sur les soi-disant mercenaires serbes ou croates venus à Bamako pour la campagne de Soumaïla Cissé et qui ont été refoulés par la suite. “Ils étaient des professionnels de la communication qui étaient venus participer à l’élaboration du support de communication du candidat Soumaïla Cissé. Il y a eu méprise sur eux. Et quand les autorités se sont rendu compte qu’il y a eu erreur sur eux, ils ont été libérés et ils ont quitté le Mali. Pourquoi Soumaïla Cissé ferait-il venir 4 ou 5 soi-disant mercenaires ? A quelle fin ? Le peuple malien exprime un fort désir d’alternance et de changement. Cela se manifeste chaque jour. Je crois que cela suffit. Les Maliens souhaitent une rupture avec la gouvernance chaotique, patrimoniale qui a amené le Mali au bord du gouffre. Franchement, au lieu d’amener des mercenaires, le peuple malien saura défendre son aspiration à la démocratie, au changement, à l’alternance et sera attaché à ce que sa volonté souveraine soit respectée”, a-t-il précisé.
Siaka DOUMBIA
Source: Aujourd’hui Mali