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Présidentielle de 2015 en Guinée : La Cour constitutionnelle mise à l’épreuve

Cellou Dalein Diallo chef  UFDGparti opposition président Alpha Conde guinee

Les conflits électoraux qui naissent en Afrique ont leur cause dans la crise de légitimité des institutions et l’absence de règlement juridique du contentieux électoral. Ils se terminent souvent par des manifestations publiques violentes. Ainsi, les rues africaines, après la proclamation des résultats des élections, notamment présidentielles, par la Commission électorale nationale et la Cour constitutionnelle se transforment en véritable pétaudière. C’est ainsi que, de Conakry à Abidjan, d’immenses foules  de manifestants, s’emparent des symboles du pouvoir public, marchent, crient, revendiquent, pétitionnent, protestent et appellent à la révolte contre l’arrêt de la Cour constitutionnelle jugé favorable au camp présidentiel. Comme en témoignent les élections présidentielles en cours en Guinée, la pratique politique et institutionnelle semble regrettablement réduire, dans les faits, les compétences de la Cour constitutionnelle aux rôles classiques de  validation des candidatures à l’élection présidentielle, de proclamation des résultats et d’investiture du Président de la République élu. Pourtant, la philosophie que postule cette institution républicaine va bien au-delà de ces fonctions désormais connues. Elle devrait être, comme qui dirait, la protectrice de la paix sociale et la garante du processus électoral apaisé lorsque toutes les contestations électorales trouvent solutions dans sa saisine, par exemple, sur les actes préparatifs aux élections. Or, à s’en tenir à l’observation scrupuleuse des faits politiques et au raisonnement, l’une des vérités qui paraissent établies en Guinée, comme dans plusieurs pays d’Afrique au Sud du Sahara, est que les attributions de la Cour constitutionnelle restent négligées ou inconnues des acteurs politiques dans l’acquisition du Pouvoir politique.

 

Pour s’en convaincre, il suffit de se référer à la compréhension sur quelques notions juridiques ou de faire le tour du débat sur la qualité du fichier électoral et celui sur la Commission électorale nationale indépendante (CENI). La machinerie et l’administration électorales sont contestées à la fois au regard du principe de  neutralité et de la validité des actes administratifs sans que cela ne donne lieu à des actions judiciaires, sauf dans de très rares cas comme à l’Entre-deux-tours des élections présidentielles de 2010 où le Président et l’un des membres de la CENI furent condamnés, à sursis, par les tribunaux. Au règne de loi et à l’exercice de l’action judiciaire, les partis politiques guinéens semblent largement préférer les accords et le consensus politiques. Ainsi, on se demande ce à quoi sert-il d’établir et d’entretenir colossalement avec les maigres finances de l’Etat la Cour constitutionnelle si les partis politiques n’entreprennent pas de la faire intervenir à toutes les étapes des élections, avant de prendre les rues.

 

La raison évidente est que, en dépit de sa nouveauté,  cette Cour constitutionnelle ne rassure pas. Elle s’explique d’abord, comme pour l’Assemblée nationale installée en mi-mandat du Président de la République, par l’installation tardive de ses membres vers la fin de mandat du Président Alpha Condé. C’est, en effet, dans sa 5ème année de gestion du pouvoir, en avril 2015, six mois avant le premier tour des élections, que le Président de la République a confirmé par décret les membres qui lui furent proposés en vertu de l’article 100 de la Constitution. Par conséquent, les membres de la Cour n’ont pas suffisamment le temps de prendre matériellement toute la dimension de leurs charges sacerdotales et de contrôler entièrement le processus électoral. Ce retard eut pour conséquences juridiques d’empêcher techniquement la Cour de fonctionner et, donc, de connaître, notamment, d’éventuels recours sur le contentieux électoral, dans le cas d’espèce, législatif et communal ; obligeant ainsi les requérants potentiels à saisir la Chambre administrative et constitutionnelle de la Cour suprême, aujourd’hui disparue, peu outillée en ces matières, fortement méprisée et historiquement décrédibilisée dans l’imagerie populaire guinéenne. Ce qui fait qu’en s’en tenant au droit, l’élection du Président de la République qui aurait, en principe, mis fin à la Transition avec la mise en place des institutions constitutionnelles, n’a fait que la continuer. Car, au plan strict du droit, la Transition prend fin par l’établissement de toutes les institutions prévues par la Constitution selon la période  prévue à cet effet.

 

Ensuite, la composition de cette Cour, comme toutes les autres cours constitutionnelles africaines, pose problème. L’équilibre, garanti en théorie, semble, dans les faits, donner mathématiquement l’avantage au parti au Pouvoir et à ses alliés, donc au RPG Arc-en-ciel. La CENI illustre mieux cette question de transformisme politique en Afrique où seul le parti au pouvoir est à même de garantir aux acteurs politiques leurs biftecks, de leur donner des contrats, des marchés publics et de leur offrir des honneurs. Les commissaires proposés par l’Opposition ont, pour la plupart, transmuté dans les rangs du parti du Président en fonction.

 

Enfin, l’autre raison est que, de tous temps, depuis la première vague des élections à l’ouverture démocratique de la Guinée au multipartisme intégral, au commencement des années 1990, les directions politiques et leurs militants ont toujours considéré, à tort ou à raison, les juridictions, notamment la Chambre administrative et constitutionnelle devenue Cour constitutionnelle, comme des institutions sous la domination du Pouvoir politique. Aussi, la croyance populaire garde de mauvais souvenirs électoraux de quelques magistrats et prétend qu’aucune vérité ne sort de leur arrêt.

 

Depuis la prestation de serment de ses membres, la Cour constitutionnelle de Guinée est mollement et majestueusement réveillée, par les candidats à la Présidence de la République, d’un profond sommeil juridique par son entrée officielle en scène pour recevoir les candidatures, rendre sa décision de recevabilité et de validité sur de tels actes ainsi que le reste du processus électoral qui anime et agite l’ensemble du pays. Pourtant, avant le scrutin présidentiel, les questions juridiques sur lesquelles la défunte chambre constitutionnelle de la Cour suprême aurait pu être saisie, évitant le long dialogue barbant et soporifique, n’ont jamais manqué. Comme elles furent nombreuses ! Tenez, par exemple, l’houleuse discussion sur les accusations d’enrôlement, de part en part, de mineurs sur le fichier électoral qui aurait mérité attention, réflexion et analyse de la Cour constitutionnelle ou encore les multiples versions de quelques lois électorales. Il en est de même pour ce qui est des accords politiques conclus à Ouagadougou et la Constitution issue de ceux-ci. Pour éviter que cela n’appartienne à l’oubli ou à la petite histoire, on s’empresse de rappeler cet autre débat, dévoreur de temps, sur l’ordre des différentes élections d’après les accords politiques et la Constitution.

 

La Constitution, norme fondamentale du pays, est, elle-même, saupoudrée d’erreurs dans sa numérotation et quelques unes de ses expressions ne sont pas des plus heureuses. On garde également à l’idée l’affrontement, en 2010, autour des affiches politiques, entre militants de deux des principaux partis politiques au grand marché de la capitale qui prit fin grâce à l’intervention de l’Armée. De même que la question des affiches politiques, celle de l’égalité d’accès des candidats aux médias d’Etat et l’occupation des espaces publics lors des meetings sont aussi causes de troubles graves à l’ordre public. On a comme l’impression, en observant les campagnes électorales, qu’il serait dangereux pour certains partis politiques de fréquenter des portions du territoire que d’autres considèrent comme leur zone d’influence.

 

Ainsi, de telles attitudes de part en part, ne sont pas de nature à assurer la sérénité électorale, la paix et l’autorité qui s’attache à l’arrêt de la Cour. Malheureusement, il n’existe, sur ces détails-là, presque pas de décisions de la Cour constitutionnelle ou, en tout cas, l’ancienne Cour suprême en fut très peu saisie par les partis politiques. Ce n’est pas demain la veille, mais à considérer que cela soit plausible, les membres qui la composent ne me semblent pas assez outillés pour en rendre. Aussi, le pays n’a pas la culture de saisine de la Cour constitutionnelle. On ne connaît aucune jurisprudence sur l’interprétation d’un article de loi en matière électorale. Il fut un temps, rappelez-vous, souvenez-vous-en ! où certains acteurs politiques avaient estimé que la Constitution ne prévoit pas l’existence des partis politiques du Centre tandis que d’autres avaient compris qu’il eût fallu s’en tenir à ce que dit la CENI sur l’interprétation de la loi.  En revanche, on a cependant accès à plusieurs requêtes contestant la régularité des scrutins à l’élection présidentielle. Leur qualité juridique, du reste, laisse à désirer.

 

Qu’ils fussent faussement ou véridiquement conçus, ces arguments électoraux, portés devant  elle, auraient dû mériter, au moins, un avis de la Cour suprême d’alors. Rien n’y fit ! Cette discussion prit fin dans un assommant verbalisme creux et, comme toujours, par un arrangement politique contentant tout le monde. Dieu que les problèmes juridiques électoraux n’ont pas manqué durant ces 5 années écoulées ! Qu’ils n’eussent été suivis d’aucune décision de justice, c’est ce qui étonne. Pourquoi diantre les formations politiques de l’Opposition et du Pouvoir ne vident-elles pas totalement le contentieux électoral  avant de recourir à la rue, aux manifestations publiques? Est-ce pour les raisons précitées ?

 

Pourtant, c’est devant cette Cour méprisée que les aspirants candidats à la Présidence de la République font actes de candidature, après le dépôt de leurs colossales cautions et leur passage devant le collège des médecins attestant leur état de santé et leur aptitude à assumer la dignité présidentielle. N’est-ce pas une contradiction ? ou alors est-ce une comédie électorale à laquelle il faut, en acteurs talentueux, légalement se plier nolens volens?

 

On attend de cette Cour qu’elle rassure. C’est en cela que ces premières décisions sont importantes. Mais la condition dans laquelle elle a rendu son premier arrêt sur la recevabilité et la validité des actes de candidature à l’élection présidentielle du 11 octobre 2015 est une erreur juridiquement gravissime qu’il ne fallait pas se permettre et qu’il faut souligner. Juridiquement, le Président de la République n’aurait pas dû prendre le décret convoquant le corps électoral avant que la Cour n’arrête la liste définitive des candidatures à la Présidence de la République. Son décret n’aurait dû intervenir qu’après l’arrêt de la Cour. Autrement dit, la Cour arrête et le Président de la République décrète après. C’est cela, me semble-t-il, la bonne pratique institutionnelle. Puisque, la Cour aurait pu invalider, pour les motifs que la loi indique, les dossiers de candidature des huit candidats à la Présidence de la République. Que se serait-il passé, dans ce cas, alors que le corps électoral a été convoqué, par le Président de la République, pour le 11 octobre 2015 ? Un corps électoral convoqué et pas de candidats à l’élection présidentielle ? Mais on comprend la question du timing qui fit opter pour l’ordre inverse… Peut-être que son prochain arrêt sera rendu dans des conditions infiniment rassurantes.

 

Espérons que, dans son rôle de protection de la paix, la Cour veillera courageusement à la régularité des élections, s’inspirera de « la pratique des leçons tirées de l’histoire » du Conseil  constitutionnel de France pour corriger les imperfections de notre système électoral et sera attentive aux domaines conflictuels, notamment les affiches électorales, le déroulement des campagnes, l’égalité d’accès des candidats aux médias publics et les résultats des votes.

 

Pour cela, les compétiteurs doivent l’aider en lui portant confiance et en reconnaissant son autorité. C’est à ce prix, pour emprunter la formule à Anatole France, que la Guinée sera un pays de la raison ornée et des pensées bienveillantes, des magistrats équitables et des philosophes humains… Pour finir, gageons que les souvenirs du passé appartiendront véritablement au passé et que la justice, comme l’écrivait Honoré de Balzac, « est un être de raison représenté par une collection d’individus sans cesse renouvelés, dont les bonnes intentions et les souvenirs sont, comme eux, excessivement déambulatoires. Les parquets, les tribunaux ne peuvent rien prévenir en fait de crimes, ils sont inventés pour les accepter tout faits. »

 

Source: guineenews

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