Le gouvernement du Mali semble éviter (abandonné) tout débat public sur le contenu du pré-accord, qui a été soumis à Alger par la médiation aux représentants de l’Etat et aux groupes armés. Les parties doivent le partager avec leur base. L’exécutif national a apparemment fait fi de cette démarche ou a-t-il décidé de ne pas révéler aux Maliens les propositions de sortie de crise de la médiation internationale ? Que veut-on cacher aux Maliens ?
A Alger, le gouvernement a fait des amendements sans consulter les populations. A Bamako, il n’a pas non plus révéler aux maliens le contenu du pré-accord pour la sortie de crise. Ses amendements peuvent-ils lui sauver la face ? De toute évidence, la couleuvre sera difficile à avaler pour l’Etat et pour les Maliens.
Le document proposé par la médiation internationale préserve tout au moins l’unité nationale, l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Etat ainsi que sa forme républicaine. Mais la laïcité est mise à rude épreuve. Pour caresser les complices djihadistes du Mnla et alliés dans le sens du poil, la médiation a suggéré une « revalorisation du rôle des Cadis dans la distribution de la justice, notamment en ce qui concerne la médiation civile et pénale, de manière à tenir compte des spécificités culturelles et religieuses ». Si le texte est adopté en l’état, le Mali ne sera plus une République laïque, mais tout simplement une République islamique. Car dans un pays composé à plus de 90% de musulmans, les Cadis seront la plaque tournante de la justice malienne. Voilà le sens dans lequel l’Algérie souhaite entraîner le Mali.
Aussi, le pré-accord évoque une éventuelle révision de la constitution de 1992 pour prendre en compte les changements institutionnels. La médiation interpelle les différentes institutions de la République afin de prendre les mesures requises pour la révision de la constitution et pour l’adoption des mesures législatives et réglementaires nécessaires. Notre architecture institutionnelle connaitra un bouleversement important qui oblige l’Etat à réviser la constitution du Mali. Il sera mis en place une « deuxième chambre (Senat), représentant les collectivités territoriales et les notabilités traditionnelles et religieuses, et constituant avec l’Assemblée nationale, le Parlement du Mali. La représentation à l’Assemblée nationale sera améliorée. Le ratio habitants/député qui est actuellement de 60.000 habitants pour les régions du nord, passera à 30.000. La représentation équitable des ressortissants des communautés du nord du Mali dans les institutions et grands services de la République (Gouvernement, diplomatie, société d’Etat, etc.). A cet égard, un nombre minimum de postes ministériels, y compris dans les secteurs de souveraineté, devront revenir à des personnalités issues du Nord, de même que certaines fonctions électives... ».
Dans cette dynamique, il y aura la mise en place de collectivités territoriales dotées d’organes élus au suffrage universel, bénéficiant d’un très large transfert de compétences et jouissant des pouvoirs juridiques, administratifs et financiers. Ainsi, la région sera dotée d’une Assemblée régionale élue au suffrage universel direct, dont le président est le chef de l’exécutif et de l’administration de la région. C’est une forme d’autonomie qui ne dit pas son nom. Surtout que le même texte donne la possibilité aux organes élus de changer la dénomination de leur région. Kidal pourra s’appeler « Azawad ».
Ensuite, le pré-accord prévoit la création d’une force de sécurité intérieure, appelée police territoriale. Cette police sera placée sous l’autorité des collectivités locales, notamment les maires et présidents des conseils de cercle et de région. N’est-ce pas là une brèche que la médiation ouvre aux groupes armés pour caser tous leurs combattants qui ne seraient pas retenus dans les forces de défense et de sécurité nationales ?
La médiation demande au gouvernement de se plier à cette autre exigence des groupes armés, en déconcentrant la fonction publique. « Le gouvernement s’engage à transférer aux collectivités territoriales les services déconcentrés relevant de leurs domaines de compétences ; rendre plus attrayante la fonction publique locale ; déconcentrer le recrutement dans la fonction publique territoriale, dont 50% des effectifs seront réservés aux ressortissants des régions du nord ».
Voici, entre autres points (véritables pièges) contenus dans le document remis par la médiation algérienne au gouvernement du Mali et aux mouvements armés pour le partager avec leur base. A y voir de près, certains de ces points attribuent aux régions du nord des compétences dictées par l’autonomie ou le fédéralisme. La délégation gouvernementale, avant de revenir au pays, a certes déposé ses amendements (un document que nous publions dans son intégralité) à propos du texte, mais le gouvernement malien a choisi de garder le silence autour de ce compromettant document qui pourra bouleverser l’architecture institutionnelle de notre pays. Les Maliens ont le droit de savoir ce qui se trame contre eux à Alger.
Idrissa Maïga