Le 10 février 2020 restera mémorable dans les annales de l’Histoire du Mali. Ce jour-là, le président de la République du Mali, chef de l’État, chef suprême des Armées, président du conseil supérieur de la Magistrature, Ibrahim Boubacar Keïta annonce à la face du monde qu’il ouvrirait des pourparlers avec Iyad AG Ali, qu’il entend ainsi désormais respecter les décisions du peuple malien, s’y soumettre, s’efforcer de les mettre en œuvre. Sans naïveté aucune, sans candeur, sans grande illusion. Avec cependant l’espoir que les Fils du Mali, Iyad Ag Ali et Mobbo Hammadoun de Koufa prendront la main tendue.
Le successeur des Tounkas, des Mansas, des FAMAS, des Sonis et des Askias, des Émirs et des Amenokals, ajoute même, pour trouver grâce aux yeux des locataires actuels de l’Élysée, de Matignon, du Quai d’Orsay, l’angoissante et si troublante question : Que seraient devenus le Mali et les Maliens si Serval n’était pas intervenu en janvier 2013 ? Elle est troublante cette question parce qu’elle en appelle à deux autres : Que serions-nous devenus sans la colonisation ? Pourquoi le Président Modibo a-t-il eu la « folie » de demander à l’illustre gouvernement présidé par le Général De Gaulle, le chef de la France Libre, de libérer toutes les bases militaires qu’il occupait et cela le 1er janvier 1961 ?
Au juste, pourquoi le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, veut-il désormais se conformer aux décisions du peuple malien qu’il doit normalement redouter plus que tout autre ? Pour arrêter l’effusion de sang au Mali. Pour éviter que continue à couler le sang de tous ceux qui sont venus aider les Maliens à recouvrer l’intégralité de leur territoire national, à stabiliser le pays, à sauvegarder la forme républicaine et la laïcité de l’État, à restaurer la cohésion sociale, le bon vivre ensemble, à en finir avec la terreur au Mali, dans tout le Sahel et dans le reste du monde. Le président Ibrahim Boubacar Keïta n’a jamais cessé de dire que son pays constitue un rempart pour l’Europe, pour toutes les anciennes puissances coloniales.
Au fait, que veulent négocier les Maliens ? Ceux qui ne savent pas ce que l’on peut négocier avec Iyad Ag Ali et Hammadoun de Koufa ne sont blâmables que lorsqu’ils se dressent contre toute volonté de régler les problèmes par le dialogue. Ils ne savent pas quoi négocier, ils sont pardonnables. Quel homme sensé peut en vouloir à celui qui ne sait pas ? Mais s’ils ne savent pas, qu’ils se taisent et laissent ceux qui savent, et à qui on a confié la tâche de négocier, de le faire.
Depuis l’expression publique de sa ferme volonté d’écouter désormais davantage ce que dit le peuple malien et d’user de tout ce dont Allah l’a doté d’intelligence, de savoir, de savoir-faire et de savoir-être pour mettre en œuvre, autant que faire se peut, les décisions de ce peuple ; une certaine presse de France, ses affidés du Mali et du Sahel se sont déchaînés pour tenter d’intimider, voire d’effrayer le président Ibrahim Boubacar Keïta. Cette presse tente aussi d’ébranler la détermination du peuple malien à prendre son destin en main. Pour ce faire, des vedettes de la communication, indéniablement populaires en Afrique, ont été mises en mission commandée. Nommons-les : Juan Gomez et Alain Foka que le premier a appelé un jour, « cerise sur le gâteau ». Tous les deux ont à cœur de réussir leur mission de marquer l’intelligentsia malienne, de la détacher du président. Ils s’échinent à donner des complexes aux cadres, étudiants et élèves du Mali lors du Forum de Bamako. « Le débat africain », « Appels sur l’actualité » sont consacrés à la réussite de la mission : isoler le président Ibrahim Boubacar Keïta, l’emmener à renoncer à entamer des pourparlers avec des citoyens maliens en vue de stopper l’effusion de sang des soldats de toutes les nationalités qui sacrifient tous les jours leurs vies pour sauver le Mali, ramener la paix dans le Sahel et garantir la sécurité de l’Europe. Les Tchadiens, les Sénégalais, les Togolais, les Français, les Burkinabés, les Nigériens, les autres pays de la MINUSMA opérant au Mali ont payé un lourd tribut par le sang versé pour, il faut l’espérer, apprécier à sa juste valeur, la décision du chef de l’État du Mali et président de la République, chef suprême des Armées, président du conseil supérieur de la Magistrature. Quand un homme, à ce niveau de responsabilité, décide d’ouvrir des pourparlers avec l’accord de son peuple, que doit-on faire sinon bénir, accompagner la décision de toutes ses forces politiques, diplomatiques, morales, intellectuelles, et bien sûr militaires !…
Au lieu d’une telle attitude de compréhension, de compassion, d’encouragement, des questions fusent. Que seriez-vous devenus, que serait devenu le Mali, s’il n’y avait pas eu l’opération Serval ? Négocier avec les jihadistes d’accord ! Mais négocier quoi avec eux ? Ne faudrait-il pas des lignes rouges qu’il ne faudrait pas franchir ? Peut-on et doit-on négocier en position de faiblesse ? Négocier avec Iyad Ag Ali et Hammadoun de Koufa au moment où ils ne sont probablement plus les maîtres des lieux ? Quelle folie ! Autant de questions pour tenter d’embarrasser, de complexer les Maliens !!!
Les propos de son Excellence monsieur l’ambassadeur Toumani Djimé Diallo, peu diplomatiques il est vrai, tenus devant des sénateurs français, signent à mon avis l’agacement, l’exaspération même des intellectuels maliens, jugés à leurs yeux, indignes de réfléchir par eux-mêmes, de penser par eux-mêmes et de décider eux-mêmes ce qu’ils doivent proposer au président de la République comme feuille de route pour les pourparlers. Le harcèlement dont se sentent victimes beaucoup de Maliens si fiers d’être des Hommes Libres est tout simplement insupportable !
Que le président Emmanuel Macron, le Premier ministre Édouard Philippe, le ministre des Affaires étrangères chargé des affaires européennes, Jean Yves Le Drian, créditent les Maliens d’un minimum d’intelligence et de meilleure connaissance qu’eux de ce qui convient au Mali !…
Ciel, tout est négociable y compris la charia qui fait tant peur aux Occidentaux, y compris la forme unitaire, fédérale ou confédérale de l’État ! Les protagonistes en lutte n’ont connu dans leur Histoire que des fédérations, des provinces, des confédérations de tribus. Les empires maliens n’étaient-ils pas des fédérations ? Y compris la laïcité de l’État que certains rigoristes maliens agitent comme un épouvantail ! Ces rigoristes citent abondamment le deuxième article de la Loi de 1905 qui serait particulièrement anti-religieux ! De l’esprit et de la lettre des lois, serait-on tenté de dire !! Il faut pardonner à ces commentateurs improvisés des lois. Ils ne savent pas ; ou ils savent peu, mais voudraient rendre détestable la laïcité. Ce qui devrait compter pour les Maliens, c’est la pratique de la laïcité par les gouvernants maliens de l’indépendance à nos jours. L’État laïc malien se propose de respecter et d’être au service de toutes les religions pratiquées au Mali. Il se propose encore de créer toutes les conditions d’une pratique souhaitable et souhaitée par les disciples de toutes les confessions. Autant que les moyens de l’État malien le permettent bien sûr !
L’actuel ministre des Cultes, Thierno Amadou Oumar Hass Diallo, s’efforce à mes yeux d’incarner l’idée de la laïcité telle que vécue par les autorités et le peuple maliens. Monsieur Thierno Amadou Oumar Hass, ministre du culte et des affaires religieuses est aussi à l’aise dans une mosquée que dans une cathédrale ou un temple. À l’aise partout où les humains adorent Dieu l’Unique, le Créateur de l’univers, le Maître des mondes, le Clément, le Tout-Miséricordieux, qu’on l’invoque sous les noms d’Allah, de Jéhovah ou de « Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit », trinité qu’abhorrent les musulmans. La foi de monsieur le ministre du Culte et des Affaires religieuses Thierno Amadou Oumar Hass Diallo ? C’est entre lui et son Créateur qui est le Seul Juge Compétent dans l’au-delà !
Les donneurs de leçons déconseillent de négocier en vaincu. Si vaincu il y a, serait-ce l’armée malienne seulement qui est vaincue ? Porte-t-elle, elle seulement la responsabilité de la continuation de l’effusion de sang ? L’absence de la paix et de la sécurité dans le Sahel ? Du manque de stabilité au Mali, de l’enlèvement et l’assassinat parfois de victimes innocentes dont les plus célèbres parce que, homme et femme de média, Claude Verlon et Ghislaine Dupont, pleurés par les Maliens, informés bien sûr, par leurs familles, les médias français et du monde ? Leur assassinat, en dépit de la présence de Barkhane dans l’Adrar, reste à présent non élucidé pour le citoyen lambda du monde. Ce sont tous ces deuils quasi quotidiens au Mali, auxquels le président Ibrahim Boubacar Keïta veut mettre fin, encouragé par la Conférence d’Entente nationale des 27 mars au 02 avril 2017 et le Dialogue national Inclusif tenu du 14 au 22 décembre 2019.
Du respect pour le peuple malien quand il se réunit en conclave et décide de son avenir et veut prendre son destin en main.
Que serait devenu le Mali si l’opération Serval n’était pas enclenchée le 13 janvier 2013 ? Le Mali se serait tout simplement réunifié ! Peut-être Iyad Ag Ali serait installé à Koulouba. Il aurait proclamé une République Islamique, imitant en cela ses maîtres du Qatar, d’Abu Dhabi, d’Oman, du Bahreïn, du Koweït et d’Arabie Saoudite, monarchies du Golfe avec lesquelles l’Occident fait si bon ménage !
Le Mali réunifié serait tout entier debout pour faire face à toutes les forces de nuisance avec les moyens de bord. Les Kel Tamasheq gérant l’ensemble de l’Espace qui s’est appelé tour à tour Ghana, Mali, Songhoy, Empire Toucouleur, avec des provinces dénommées royaume du Kenedougou, royaume de Ségou, royaume du Beledougou, du Khasso, du Birgo, du Guimbaya, du Maasina, les fédérations de l’Azawak, de l’Azawad, de l’Adrar ! Où est le problème ? Le Mali continuera sa longue marche dans la construction de sa Nation à ce jour inachevée. Une certitude, les Maliens ont toujours absorbé ceux qui les ont envahis. Jusqu’ici, du moins !… Ils absorberont, assimileront tout nouvel envahisseur, tout nouveau dominateur. À défaut, ils l’expulseront !
Qui parle des Almoravides au Mali aujourd’hui ? Ces envahisseurs qui ont islamisé les soninkés, lesquels ont fait de même pour les autres ghanéens, songhoy, les Segu-ka, les Kenedugu-ka, les Beledugu-ka, les Sosso-ka, les Maasinanke ? Les fantassins du pacha Djouder, messagers du sultan El Mansour et envahisseurs du Songhoy, se réclament-ils marocains aujourd’hui, qu’ils soient Haïdara, Siise, Tandina, Arbi, Babi, Ben Barka ou autres ? Qui, entendant ces temps-ci l’Honorable Mountaga Tall, ancien ministre et ancien vice-président de l’Assemblée nationale, décortiquer avec beaucoup de saveur le bamanakan le prendrait pour un descendant du jihadiste El Haj Umar Tall, un des obstacles à la pénétration française au Soudan ? Le Mali arrivera toujours à « digérer » ses envahisseurs. C’est une certitude !
La charia ? Le Mali à 80 % au moins vit sous le régime de la charia lors des mariages, lors des baptêmes, lors des cérémonies funèbres aussi bien au cimetière qu’au retour au domicile du défunt ! Qu’est-ce que Hammadoun de Koufa et Iyad Ag Ali n’apprécient pas dans ces pratiques de la charia ? Ils le diront au cours des entretiens, des pourparlers. Et Iyad, et Hammadoun de Koufa ont encore des condisciples, des camarades de promotion des écoles coraniques par lesquelles ils sont passés. Ceux-ci peuvent partager avec eux chacun sa part de vérité. Ils ne pourront que se mettre d’accord sur quel Islam il faut pratiquer au Mali. A fortiori si les maîtres, des frères qui se sont mis à l’écart de leur société et parfois de façon violente, sont encore vivants et peuvent leur parler.
Allons aux pourparlers ! Allons au dialogue ! Allons à la recherche des voies et moyens de mettre fin à l’effusion de sang, au deuil quasi quotidien au Mali, au Burkina, au Niger, au Nigeria, au Cameroun, au Tchad.
J’ai foi en la Umma Islamique du Mali, du Niger, du Burkina, du Tchad, de la Mauritanie, du Sénégal, de la Guinée. J’ai foi en les citoyens du Sahel. Les frères chrétiens, catholiques et protestants, avanceront dans cette recherche de la paix, la main dans la main avec leurs frères musulmans. Personne ne lâchera l’autre ici-bas. C’est Dieu qui jugera chacun dans l’au-delà. Et nul ne sera lésé, comme disent toutes les Saintes Écritures.
Prof. Ali Nouhoun DIALLO
Médecin Interniste
Ancien président de l’Assemblée nationale
Et du Parlement de la CEDEAO
Grand Officier de l’Ordre national du Mali
Bamako, le 07 Mars 2020.
INFO-MATIN