Dimanche 28 janvier, les trois juntes militaires au pouvoir au Mali, au Niger et au Burkina Faso ont annoncé leur retrait de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest. Une nouvelle pierre dans le jardin de l’ancienne puissance coloniale.
Personne n’a vraiment été pris par surprise. Le Mali, le Niger et le Burkina Faso avaient déjà brandi la menace d’un retrait de la Cedeao. Les juntes au pouvoir veulent faire table rase du passé. Il n’est pas étonnant qu’elles claquent la porte d’une institution presque quinquagénaire qui n’a eu de cesse de condamner les putschistes.
Pour rappel, des coups d’Etat ont propulsé des militaires aux commandes des trois pays : le Mali en 2020 puis 2021, le Burkina en 2022, et le Niger en 2023. Trois pays désormais réunis au sein de l’Alliance des Etats du Sahel.
La Cedeao à laquelle ils appartiennent les avait suspendus et avait imposé de lourdes sanctions économiques au Niger et au Mali.
Au Niger, elle a même envisagé une intervention militaire pour rétablir l’autorité du président Mohamed Bazoum renversé.
Voilà donc pourquoi les trois Etats de l’Alliance tournent le dos à la Cedeao. Dans un communiqué lu hier sur les chaînes télé nationales, les juntes estiment que l’organisation, devenue « une menace pour ses Etats membres », est « sous l’influence de puissances étrangères ».
Ce communiqué vise indirectement la France. Dans leur texte, le Mali, le Niger et le Burkina constatent que la Cedeao « s’est éloignée de ses pères fondateurs et du panafricanisme ». En clair, l’organisation serait instrumentalisée par l’ancienne puissance coloniale française qui prive les Etats membres de leur autonomie. Il est temps d’en sortir.
Avant cela, les trois pays ont exigé le départ des soldats et diplomates français, ils ont récemment quitté l’alliance antiterroriste G5 Sahel, et se sont chacun rapprochés de la Russie.
Vers une sortie du franc CFA ??
Par ailleurs, la Cedeao demande le retour des civils au pouvoir pour lever ses sanctions. Or, les juntes ne semblent pas pressées d’organiser des élections, pourtant prévues normalement cette année au Mali et au Burkina.
Difficile d’évaluer l’impact de ce retrait de la Cedeao. L’organisation compte quinze pays. Selon ses textes, il faut déposer sa demande un an avant une sortie effective. Mais si la décision était validée, la liberté de circulation des citoyens des pays membres ne serait plus garantie. La Cedeao permet à des millions de personnes de voyager sans visa, de s’installer et de travailler où bon leur semble. Les tarifs douaniers pourraient aussi augmenter.
Et les trois pays du Sahel pourraient aller plus loin. On leur prête l’intention de vouloir créer leur propre monnaie et d’en finir avec le franc CFA. Le Mali, le Niger et le Burkina Faso appartiennent à l’Uemoa, une des deux organisations régionales dont les membres utilisent le franc des Colonies françaises d’Afrique.
L’Uemoa garantit elle aussi la liberté de circulation et de résidence, mais la tentation est grande de couper le cordon monétaire avec Paris.
Pour le moment les trois pays de l’Alliance des Etats du Sahel se contentent de défendre le principe de leur « émancipation économique ». La sortie de la zone franc pourrait être une prochaine étape.
En tout cas, le retrait de la Cedeao s’inscrit dans le même récit d’un rejet de l’ancienne puissance coloniale. Le Sahel redessine de nouvelles alliances pour s’assurer un avenir à l’abri des sanctions. Le premier ministre nigérien Lamine Zeine revient tout juste d’une tournée en Russie, en Iran et en Turquie, pas tout à fait des amis de la France.