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Pourquoi l’armée française n’est pas intervenue pour libérér Sophie Pétronin

Après la libération de deux Français au Burkina, Paris “n’oublie pas” Sophie Pétronin, enlevée au Mali en 2016, affirme Emmanuel Macron. Si l’armée n’intervient pas, c’est que le contexte est différent, explique Wassim Nasr, spécialiste du jihadisme.

 

La France “n’oublie pas” Sophie Pétronin, retenue au Sahel depuis son enlèvement par des hommes armés au Mali en décembre 2016, a assuré, mardi 14 mai, Emmanuel Macron à l’occasion de l’hommage rendu aux deux commandos marine tués au Burkina Faso en libérant quatre otages, dont deux touristes français.

“La France est une nation qui n’abandonne jamais ses enfants quelles que soient les circonstances et fût-ce à l’autre bout de la planète”, a affirmé le chef de l’État lors d’une allocution dans la cour d’honneur des Invalides, à Paris.

Mais si les mots du président de la République redonnent espoir quant à une future libération de Sophie Pétronin, son “cas” est très différent de celui des touristes délivrés au Burkina Faso : “une intervention de l’armée était difficilement envisageable dès le départ”, analyse Wassim Nasr, spécialiste des réseaux jihadistes à France 24.

La septuagénaire, qui dirigeait une petite ONG franco-suisse venant en aide aux enfants souffrant de malnutrition, a été enlevée le 24 décembre 2016 à Gao, dans le nord du Mali, et est détenue depuis par le groupe pour le soutien de l’islam et des musulmans (GSIM), affilié à l’organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

Il est de notoriété publique que le groupe détient quatre autres personnes : l’Australien Arthur Kenneth Elliott, le Roumain Iulian Ghergut, la missionnaire suisse Béatrice Stockly et la religieuse colombienne Gloria Cecilia Narvaez Argoti, kidnappés entre 2011 et 2017. Le GSIM, qui a arrêté toute communication publique à ce sujet depuis décembre 2018, est également soupçonné de détenir d’autres ressortissants occidentaux.

Enlevée “sur le terrain des jihadistes”

“D’emblée, Sophie Pétronin a été enlevée dans un territoire dangereux, sur le ‘terrain de jeu’ des jihadistes. Ils ont ainsi pu très vite mettre en place la logistique nécessaire à la prise en charge et au déplacement d’un otage, ce que n’ont pas eu le temps de faire les ravisseurs des deux touristes français enlevés début mai dans le nord du Bénin. Une zone où les jihadistes n’ont pas les mêmes capacités logistiques”, explique Wassim Nasr. Il estime que plus le temps passe, plus la libération devient compliquée :”C’est un peu comme un feu, plus il dure, plus il est difficile à contenir”.

Sur RTL mardi matin, le chef d’état-major des armées françaises, François Lecointre, a indiqué “ne pas avoir d’élément sur l’endroit où est détenue Sophie Pétronin” actuellement.

La dangerosité et l’issue incertaine des opérations militaires destinées à délivrer des otages ne fait guère de doute. En Somalie, en 2013, le commando mené pour libérer un agent de la DGSE échoue et se solde par la mort de soldats puis celle de l’otage. La même année, le Français Michel Germaneau est assassiné par Aqmi après plusieurs mois de détention au Mali. L’opération des militaires français pour le retrouver, quelques jours avant son exécution, fut vaine.

Selon le général François Lecointre, les touristes enlevés dans le nord du Bénin devaient, eux, être remis au Katiba Macina, une des composantes du GSIM qui prend de l’ampleur au Sahel. C’est l’imminence de ce transfèrement qui a justifié une intervention très rapide, avant que les deux Français ne rejoignent le circuit d’otages d’Aqmi, extrêmement rodé.

Pour Bénédicte Chéron, historienne spécialiste des questions de défense, interrogée lundi 14 mai sur le plateau de France 24, “le cas Pétronin explique aussi la rapidité d’intervention de la semaine dernière. Le prix du sang qui a été payé, l’a été pour libérer les deux otages, mais pour les libérer vite. Car ils auraient pu se trouver dans une captivité très longue, ce qui est difficile à vivre. Par ailleurs, un otage longuement captif donne aussi un élément de négociation en plus dans un rapport de force politique et militaire sur place”.

Des négociations compliquées

Autre élément qui a sans doute joué dans la dégradation des rapports entre la France et les ravisseurs de Sophie Pétronin : le changement de politique de Paris en matière de négociation. “La France, qui auparavant pouvait négocier des rançons, comme ce fut le cas pour les otages d’Arlit, est moins encline à le faire même indirectement, notamment sous la pression des États-Unis et du Royaume-Uni opposés à cette pratique qui, en un sens, finance le terrorisme et fait monter la valeur marchande des otages”, analyse Wassim Nasr.

Dans une vidéo diffusé en juin 2018 – la dernière en date -, Sophie Pétronin était apparue très fatiguée et en avait appelé à Emmanuel Macron, estimant que le chef de l’État l’avait “oubliée”.

En décembre dernier, ses ravisseurs ont publié un communiqué faisant état d’une “dégradation de sa santé” et en rejetait la faute sur le gouvernement français dont “l’obstination” a “empêché” la clôture de cette “affaire”.

“Des sources au sein d’Aqmi affirment que Sébastien Chadaud-Pétronin avait obtenu de pouvoir voir sa mère au Mali, sous l’égide d’Aqmi. Mais les ravisseurs ont estimé que l’armée française le filait à son insu. Ils ont donc coupé court à la rencontre et ne veulent plus avoir Paris pour interlocuteur”, avance Wassim Nasr, qui estime que “cet épisode montre au moins que la France est toujours mobilisée militairement sur ce dossier”.

Le fils de Sophie Pétronin, qui interpelle régulièrement les autorités françaises, estime que sa mère est “sacrifiée” par le refus, selon lui, de la France de négocier avec les ravisseurs. “La volonté (d’Emmanuel Macron) ne suffit pas, maintenant il faut des actes, a affirmé sur franceinfo celui qui souhaite se rendre au Mali pour soutenir sa mère.

Source : france info

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