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Pourparlers d’Alger : le Document de la discorde

Débutées depuis le 20 novembre dernier dans la capitale algérienne, les négociations Etat malien/groupes armés du Nord ont un goût amer pour nombre de nos concitoyens, qui restent du moins vigilants sur ce brûlot. Surtout que le Document présenté par la Médiation et sur lequel on discute actuellement, n’a pas fait l’unanimité au sein de la classe politique et de la société civile.

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Si du côté de l’exécutif malien, on se dit satisfait de ce Document de la Médiation et de la Communauté internationale, dans les rangs des groupes armés, c’est l’indignation mêlée à un sentiment de trahison de ceux qu’ils considèrent comme un allié de taille, la France, sans oublier celui qu’ils considéraient aussi comme leur parrain, Blaise Compaoré, après sa chute spectaculaire.

De toutes les façons, la classe politique malienne et la société civile ont un œil vigilant sur ce qui se passe actuellement à Alger. C’est le cas du parti Fare de l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé.

Après analyse, le parti Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (Fare An Ka Wuli) a dénoncé les pièges cachés qui se trouveraient dans ce Document de préaccord élaboré lors des discussions d’Alger entre le gouvernement et les groupes armés.

Un Document dont semble se satisfaire le gouvernement. Pour Modibo Sidibé, la notion de «régions intégrées» contenue dans le Document est une volonté manifeste de confirmer, par le droit positif malien,  la création d’une entité dite Azawad.

Et au diplomate Souleymane Koné d’ajouter que la création d’un Sénat, qui pourrait comprendre en son sein les «notabilités traditionnelles et religieuses», porte en elle les germes d’une nouvelle source de déstabilisation de l’ensemble des régions du Mali.

Il déplore aussi la mention d’une «zone de développement des régions du nord», pourvue d’un Conseil consultatif inter-régional chargé du développement socio-économique local.

Ce qui consacrerait un véritable statut particulier des régions du Nord du Mali. «Les modalités de représentation des régions du Nord  à l’Assemblée nationale, telles que proposées par le Document, constituent une rupture de l’égalité des citoyens devant la loi, ce qui est contraire à la Constitution.

Le gouvernement s’engage à déconcentrer le recrutement dans la fonction publique territoriale, dont 50% des effectifs seront réservés aux ressortissants des régions du Nord. Cela constitue  également une rupture de l’égalité des citoyens devant la loi», a-t-il fait remarquer.

Ces réformes, indique le Secrétaire général du parti Fare, Amadou Kéïta, ne doivent pas concerner qu’une partie du territoire national, mais l’ensemble du Mali. «Elles requièrent également l’implication soutenue de l’ensemble des sensibilités et des segments de la société malienne», a-t-il soutenu.

Selon les responsables des Fare, ce Document prévoit également «la mise en place d’un mécanisme opérationnel de coordination composé des représentants de l’armée malienne et des mouvements armés, et basé à Gao. Le mécanisme opérationnel dispose d’antennes à Kidal, à Tombouctou et dans d’autres endroits à convenir».

Cette  proposition n’est, pour les Fare, rien d’autre que  la création d’un véritable état-major conjoint, avec le risque de placer l’ensemble du Mali sous le commandement du Mnla ; de permettre à ce dernier, sous le couvert de la légalité, de renforcer ses positions et rendre irréversible la partition du Mali ; de développer les actions terroristes contre l’ensemble du pays et des pays voisins.

Ce qui serait proprement inacceptable. Les Fare relèvent d’autres insuffisances dans ce Document, avant de dénoncer le manque de concertations de la part du gouvernement.

«95% des Maliens…rejettent ce Document» 

Plus critique, Soumaïla Cissé de l’Urd soutient que la «signature de tout accord définitif de paix doit passer par un accord négocié». «Ce Document est juste bon à être jeté. Car contenant des choses que les Maliens ne peuvent accepter. 95% des Maliens, à l’Assemblée nationale, au gouvernement et au sein de la société civile rejettent ce Document», a déclaré Soumaïla Cissé.

Avant de dénoncer l’attitude du gouvernement qui a «organisé des simulacres de rencontres au sujet du Document, alors qu’il n’est pas dans une logique de prendre en compte les critiques et remarques suscitées par le contenu du Document». L’Urd affirme que ce Document, tel que présenté, est inacceptable.

«Au fond, les quatre points tels que formulés dans ledit Document sont inacceptables, à savoir la notion de Zone de développement des régions du Nord et celle des régions intégrées, la représentation des communautés du Nord au niveau national, la répartition des pouvoirs entre l’Etat et les régions ainsi que la gestion de la sécurité après l’accord», précise Soumaïla Cissé.

Quant au parti de Soumana Sako, Cnas-Faso Hèrè, il a aussi purement et simplement rejeté le Document de la Médiation. «Outre les nombreuses contradictions et incohérences qui le caractérisent, le Document de synthèse de la Médiation fondamentalement entériné par le gouvernement, est sous-tendu par une analyse erronée des causes profondes, lointaines ou présentes de la rébellion armée au Nord du Mali.

En effet, le Document de synthèse, affirme-t-il, met généreusement et naïvement toute la responsabilité de la crise sur le seul dos de l’État malien, ignorant ainsi l’impact négatif des différentes rébellions successives comme facteur entravant le développement des régions nord du Mali», explique M. Sako.

Ce, avant d’ajouter : «Ce Document viole la Constitution de la République du Mali. Il constitue une attaque frontale contre la République, l’égalité des citoyens devant la loi, le service public et la justice, ainsi que contre la laïcité de l’État, la démocratie ; encourage l’immixtion des leaders religieux dans le champ institutionnel politique ; légitime les groupes séparatistes armés et terroristes ainsi que la rébellion, en violation des lois en vigueur et cautionne la partition de fait du pays et le retrait de l’Armée nationale d’une bonne partie du Nord».

S’il est signé en l’état actuel, la Cnas-Faso Hère estime que ce Document «consacrera la mise de la République du Mali sous tutelle de l’Algérie, pays par lequel a pourtant transité la colonne du colonel Najim en provenance de la Libye et en route pour la déstabilisation du septentrion malien, en transformant l’État malien en un condominium franco-algérien géré par des nostalgiques du régime colonial et de la Métropole».

Très sceptique, le président du parti Avenir et développement du Mali (Adm) croit dur comme fer que le Document de synthèse issu des pourparlers d’Alger laisse présager «une partition programmée du Mali».«L’analyse de cet accord laisse présager une partition programmée du Mali.

Les notions de régions intégrées et autres discriminations, tant au niveau local que national, sont des incubateurs d’injustice à l’endroit des autres minorités et du peuple dans son ensemble. Pour autant, rien ne saurait justifier que l’unité nationale soit mise à mal pour réparer ces préjudices. Mais, c’est la devise : Un Peuple, Un But, Une Foi qui est mise en berne par cet accord», a-t-il martelé.

Ces quelques exemples prouvent à suffisance que le Document soumis par la Médiation est loin, très loin de faire l’unanimité. Du coup, c’est la sonnette d’alarme qui est tirée en direction du gouvernement afin qu’il prenne ses responsabilité face à l’Histoire.

 

Bruno E. LOMA

Source: Le Reporter

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