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Pour un système judiciaire performant : Le RDDH-Mali propose de retirer au parquet l’opportunité des poursuites et la délivrance de mandat de dépôt

Dans une de ses réflexions, le président du Réseau des défenseurs des droits humains du Mali (RDDH-Mali), Souleymane Camara, propose la réforme des attributions du parquet dans le système judiciaire malien afin de le rendre performant.

Selon lui, à l’origine, la justice malienne est d’inspiration française à cause de l’héritage colonial du pays. Ainsi, depuis l’indépendance du pays, le système judiciaire malien ne s’est pas départi de la tradition judiciaire française. Car, poursuit-il, les praticiens du droit de l’Afrique dite francophone formés à l’école française, se sont toujours inspirés du droit positif français.

En fait, dit-il, c’est le mimétisme à outrance dans tous les domaines y compris dans le système judiciaire. “S’inspirer de ce qui passe chez les autres, n’est pas mauvais en soit. Mais c’est l’incapacité d’adapter les sources d’inspiration à nos réalités et nos vécus quotidiens qui doit interpeller l’intelligentsia africaine”, martèle-t-il.

A l’en croire, dans la pratique judiciaire malienne, la fonction du parquet ou du procureur est similaire à celle de la France, mais les attributs ne sont pas adaptés aux réalités maliennes à cause des abus et des excès d’où la nécessité de faire des réformes pour l’adapter au contexte malien notamment le principe de l’opportunité des poursuites judiciaires et le pouvoir de délivrance des mandats de dépôts dévolus au parquet ou au procureur malien devraient être révisés à cause des excès et des abus décelés.

S’agissant du principe de l’opportunité des poursuites judiciaires, il propose que le législateur enlève complètement ce principe du système judiciaire malien parce que les Maliens sont gouvernés par des lois et doivent être traités sur le même pied d’égalité.Or, ajoute-t-il, le principe de l’opportunité des poursuites judiciaires donne la latitude au parquet ou au procureur de poursuivre ou non une personne. “Au nom de ce principe, des personnes peuvent échapper ou subir la rigueur de la justice selon la volonté du parquet ou du procureur ou même selon les injonctions du ministre en charge de la justice qui est en fait l’autorité politique et hiérarchique ayant le pouvoir de dicter au procureur, la conduite à suivre”, fait savoir M. Camara.

Une arme redoutable entre les mains du pouvoir politique

Au Mali, poursuit-il, on voit mal un procureur poursuivre un de ses proches ou ses supérieurs, étant lui-même sous les ordres de ces derniers. En outre, ce principe par la sélection qu’il permet, peut être analysé comme une arme redoutable entre les mains du pouvoir politique pour brimer les opposants.

En définitive, selon lui, le principe de l’opportunité des poursuites judiciaires dans le contexte judiciaire malien fausse l’équilibre social et le principe de l’égalité des citoyens devant la loi à cause de son utilisation qui est par essence sélective et abusive.

A ses dires, dans les pays dits anglo-saxons, la police a la possibilité d’interpeller un ministre et ses proches ayant enfreint à la loi et de les présenter devant la justice. “Une telle possibilité est pratiquement impossible au Mali. Il n’y aurait jamais un procureur pour interpeller le ministre de la Justice en cas de commission d’infraction. Pourtant, il n’est pas au-dessus de la loi”, ajoute-t-il.

Pour le président du RDDH-Mali, ces différents scénarios visent à faire prendre conscience aux Maliens que notre système judiciaire comporte des faillites qui caractérisent son manque de performance en ce sens qu’il permet l’inégalité.

A vue d’œil, déplore-t-il, il a deux poids, deux mesures, voire la possibilité d’accorder sous le couvert de la loi un traitement de faveur à une catégorie de personnes ou d’instaurer l’impunité pour certaines d’entre elles. Aussi, il note qu’il existe même des dispositions légales qui rendent très difficile la poursuite en justice de certaines catégories de personnes telles que les juges, les avocats, les huissiers-commissaires de justice, les porteurs d’uniforme… qui violeraient la loi.

Aux dires défenseurs des droits humains, à cause du principe de l’opportunité des poursuites judiciaires sélectives, le procureur général peut ne pas donner suite aux poursuites judiciaires contre certains citoyens même en cas de commission flagrante d’infraction. Donc la probabilité que certaines personnes puissent échapper à la justice est réelle.

A l’entendre, c’est un principe qui porte en son sein les germes mêmes de l’injustice, de l’inégalité et de l’impunité. Il est en contradiction flagrante avec la norme supérieure qu’est la constitution qui dispose que les Maliens naissent libres et égaux devant la loi.

“Des Maliens continuent de s’interroger pourquoi ces personnes ne sont pas interpellées quand elles violent la loi. Dans un véritable Etat de droit, les citoyens ou nationaux doivent répondre de leurs actes quel que soit leurs statuts.

Nous devons nous poser la question : pourquoi certains citoyens ou nationaux peuvent échapper facilement à la rigueur de la loi à cause de leurs statuts”, s’interroge-t-il.

Le parquet, une autorité de poursuite judiciaire sans pouvoir de détention

En ce qui concerne la délivrance du mandat de dépôt, il propose que celle-ci soit retirée au procureur malien pour éviter les abus et les excès constatés. Car, au Mali avec l’actuelle architecture juridique, la liberté du citoyen est très fragile et peut banalement basculer parce que le procureur ou le parquet peut délivrer facilement un mandat de dépôt en son encontre.

“Face à ces abus avérés, répétitifs, liberticides et très dommageables, il y a lieu de retirer au procureur ou au parquet le pouvoir d’emprisonnement intempestif. Il est préférable de confier cette tâche au juge de siège, qui par essence est indépendant et ne reçoit pas d’ordre extérieur dans l’exercice de ses fonctions”, propose-t-il.

Aux dires de M. Camara, le Mali a aussi la latitude d’instituer un corps de juges indépendants ou juges de la paix publique chargés des tâches de délivrance de mandat de dépôt ou de détention. “Nous avons assisté à la délivrance quasi-systématique de mandat de dépôt contre des citoyens par le procureur ou le parquet. Certains d’entre eux, aussitôt libérés, font l’objet d’un autre mandat de dépôt souvent téléguidé par le pouvoir politique”, déplore-t-il.

Il ajoute que dans le contexte judiciaire malien, le procureur ou le parquet doit être uniquement et seulement une autorité ou un organe de poursuite judiciaire sans pouvoir de détention.

En conclusion, le président du RDDH-Mali dit que des réformes judiciaires adaptées au contexte malien doivent être rapidement entreprises pour assurer l’égalité de traitement des citoyens devant la loi : en enlevant le principe de l’opportunité des poursuites judiciaires et en retirant au procureur ou au parquet le pouvoir de détention ou de délivrance de mandat de dépôt à cause des abus et des excès avérés.

  Boubacar Païtao

 

Source: Aujourd’hui-Mali
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