Dans sa lettre ouverte du jeudi 30 avril dernier, l’Association malienne contre la corruption et la délinquance financière (Amcdf) invite les dirigeants maliens à soutenir les actions du Procureur en charge du Pôle économique et financier de la Cour d’Appel de Bamako, Mamoudou Kassogué, et celles du ministre de la Justice, Malick Coulibaly.
En guise de rappel, l’Association indique que depuis l’avènement de la démocratie théorique au Mali en 1991, aucun des chefs d’État qui se sont succédé ne peut dire face aux Maliens, avec de la fierté, qu’il a bien honoré ses engagements. Bien au contraire, poursuit la lettre, même si la justice sociale et la liberté politique ont parfois manqué, les deux premiers présidents de la République, bien qu’idéologiquement opposés, Modibo Kéïta et Moussa Traoré, sont les seuls qui peuvent s’anoblir d’avoir garanti la souveraineté territoriale du pays.
“Pour ceux qui s’en rappellent, sous le régime de Moussa Traoré, lorsque la Cour spéciale rendait ses jugements durant les procès pour détournements de fonds publics, nous étions horrifiés d’entendre les juges évoquer les sommes en jeux, de dix millions à un peu plus.
Pour le citoyen malien, à l’époque, le détournement de dix millions de francs représentait le forfait absolu, le crime punissable d’une peine de prison à perpétuité. Mais depuis la première transition de 1991 à ce mois d’avril 2020, les crimes économiques oscillent entre les montants de plus de cent millions aux milliards”, déplore l’Association.
Ensuite, précise la lettre, ces voleurs milliardaires voient l’absolution dans les partis politiques qu’ils financent parfois ou mouillent d’autres hommes de pouvoir qui peuvent échapper à la justice. “Nous avons déjà dit que ces hommes ont fait de la médiocrité une vertu. Ils trichent et étalent leurs fortunes sordidement gagnées contre les Maliens résignés parce que tombés de très haut après l’illusion démocratique ayant succédé à l’événement de mars 1991″, mentionne-t-elle.
Pour l’organisation de lutte contre la corruption, le Procureur du Pôle économique et financier de la Cour d’Appel de Bamako, Mamoudou Kassogué, et le ministre de la justice, Malick Coulibaly, sont aujourd’hui, les deux hommes d’espoir pour qu’enfin les prédateurs et pilleurs de nos maigres ressources rende des comptes au pays. “Les Maliens saluent leurs actions et prient pour qu’on leur laisse les coudées franches afin de mener à bien la mission salvatrice qu’ils se sont assignée. Mais, comme de coutume, nous avons appris qu’ils auraient pu être menacés, empêchés de faire leur travail par ceux-là même qui leur avaient garanti une liberté de mouvement totale dans ces sacerdoces”, ajoute la lettre.
L’Association a saisi l’occasion pour interpeler le pouvoir politique. “Est-il vrai que les actions de ces deux hommes sont contrariées chaque fois qu’ils touchent les hommes au pouvoir ? Est-il exact qu’on leur mette des bâtons dans les roues à chaque fois que leurs enquêtes portent sur une orientation risquant de mettre en lumière des pratiques douteuses impliquant des protégés des gouvernants ?”, s’est-elle interrogée.
A l’attention des destinateurs de sa lettre ouverte, l’Association dira qu’un remake de l’événement de mars 1991 est toujours possible parce qu’il n’y a pas de confiscation du pouvoir par des hommes qui, comme en 1991, ont fait le coup d’État pour éviter d’être emportés par la bourrasque populaire. Et de poursuivre que les gènes de l’incurie actuelle étaient dans le pouvoir transitoire de mars 1991. Depuis, ils sont en train de phagocyter tout le système.
L’Association a mis l’occasion à profit pour demander solennellement au pouvoir politique de cesser ses manigances contre le procureur Mamoudou Kassogué et le ministre Malick Coulibaly car les Maliens en ont assez de la traitrise politique et administrative. “Si l’administration malienne fonctionnait correctement, le Mali n’aurait pas eu besoin de mendier des aides extérieures humiliantes, de créer des projets en comptant sur des financements provenant d’ailleurs pour leurs réalisations, ayant ainsi des dettes ne pouvant se passer.
Nous adressons cette déclaration aux pouvoirs publics, nous comptons sur le peuple souverain pour veiller à la traduction des faits”, a conclu la lettre.
Boubacar PAÏTAO