Pour les missions et représentations onusiennes au Mali, il y a peu ou presque pas de différence entre les autorités maliennes et les des mouvements armés. S’accommodant de la division de fait du pays, l’ONU hisse les séparatistes au rang de représentants légitimes de leur région d’origine et les consulte désormais sur toutes les démarches déterminantes sur le devenir du pays. Il ne reste peut-être plus qu’à leur accorder un statut à la dimension des territoires autonomes de Palestine et celui d’observateur aux nations unies.
Dans la perspective d’une reconduite du mandat de la Minusma qui arrive à son terme, une mission onusienne, sous la conduite du Sous-secrétaire M. Mulet, séjourne depuis quelques jours dans notre pays. Ladite mission, selon ce qu’on en sait officiellement, a pour objet d’évaluer la présence de l’Onu au Mali et d’envisager une nouvelle résolution adaptée à l’évolution du contexte : l’avènement de nouveaux pouvoirs et le retour définitif à l’ordre constitutionnel.
Ainsi, après le président de la République à Koulouba, la délégation de Mulet a rencontré la représentation nationale sur les mêmes sujets, à savoir : les avancées et résultats engrangés depuis l’implication de la communauté internationale dans la résolution de la crise malienne.
Les parties, selon toute vraisemblance, ont admis un peu partout que notre pays a enregistré des avancées notables et affiche des signes encourageants de stabilisation et d’apaisement.
L’équivoque n’a de cesse de planer, en revanche, sur les perceptions et approches de la communauté internationale sur la problématique du Nord-Mali et la récurrente question spécifique de la région de Kidal. Et pour cause, les échanges avec les hautes autorités maliennes ont été précédés d’une rencontre de nature similaire avec les mouvements rebelles – dont l’avis sur la présence de la Minusma au Mali a été recueilli au même titre que Bamako.
Ladite rencontre, selon notre source, s’est déroulée à Kidal, en marge du congrès du Mnla où étaient également conviés les représentants du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad ainsi que ceux du Mouvement Arabe de l’Azawad.
Les émissaires de l’Onu, qui s’était d’ailleurs chargés de transporter les chefs de file du Mnla à Kidal pour la circonstance, ont pris langue avec les trois mouvements et pris bonne note de leurs remarques sur la présence de la Minusma au Mali. Il nous revient, de même source, que les mouvements consultés ont certes fini par adhérer à une continuation de la mission onusienne, mais en laissant entendre, toutefois, que celle-ci représente à leurs yeux «l’armée malienne en casque bleu», ni plus ni moins.
Par la voix de leurs représentants respectifs, ils ont déploré, par la même occasion, la tendance à ne considérer la problématique du septentrion malien que sous le prisme de sa seule dimension terroriste. Or la question, pour eux, mérite d’être recadrée en tant que problème politique de fond, qui perdure depuis l’indépendance.
Non satisfait donc d’avoir été consultés comme autorité de fait dans une région hors du contrôle de l’2tat malien, les mouvements rebelles ont par ailleurs réclamé, selon la même source, que la Minusma fasse preuve d’impartialité en admettant que les différentes entités indépendantistes supportent les revendications légitimes des populations de l’Azawad.
L’épisode, à en juger par les récentes escalades de la crise, n’est que le prolongement une spectaculaire victoire diplomatique que les mouvements séparatistes maliens n’ont de cesse d’engranger aux dépens de la diplomatie malienne tétanisé devant l’agressivité de l’autre protagoniste.
Pareille marque de considération à l’égard de mouvements armés – dont le séparatisme s’affiche avec des couleurs, des symboles et armoiries distincts de ceux de la nation – incite pour le moins à s’interroger sur la réelle posture de l’Onu sur la brûlante question du Nord-Mali. La démarche procède, selon toute évidence, d’un équilibrisme suspect et révélateur de la grande ambiguïté qui continue d’entourer la problématique, en dépit des résolutions claires et sans équivoque sur l’intégrité du territoire malien et la souveraineté de l’Etat.
Aujourd’hui, il parait de moins en moins évident que la communauté internationale partage la position des hautes autorités maliennes sur l’étendue des aspects négociables dans le processus de résolution de la crise.
En attestent la survenue de soubresauts qui créé le doute autour du devenir du territoire, une ingérence subtile qui anéantit le dialogue inter-malien et qui prouve l’existence de schémas peu lisibles dans ledit processus.
Comment s’expliquer autrement qu’une mission étrangère puisse mépriser des autorités d’un pays souverain, déprécier leur légitimité en les mettant sur les mêmes pieds d’égalité qu’une rébellion ? Il convient de rappeler au passage que les mêmes mouvements armés n’ont jamais été associés aux résolutions que le Mali a fait adopter pendant la transition, au prix d’un combat diplomatique héroïque auquel la rébellion avait même fait obstacle.
A. Kéïta
SOURCE:Le temoin