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Politique énergétique du Mali : La marche à reculons

La société nationale de production et distribution de l’énergie électrique au Mali (EDM-sa) est au fond du précipice. La crise dans laquelle elle s’enfonce de jour en jour est loin de se résumer en un problème de fourniture de carburant aux centrales thermiques. Cette crise, conséquence de la mauvaise gestion du secteur énergétique par les régimes successifs au Mali, nécessite une attention particulière des autorités, notamment par l’application d’un plan de sauvetage pour dépasser les rafistolages actuels.

Concernant le secteur énergétique du Mali, c’est la vision qui a manqué diront certains ; la volonté, diront d’autres. L’une n’excluant pas l’autre, les dirigeants du pays, au fil des ans, ont laissé s’installer une crise énergétique pourtant prévisible.

Ces derniers temps, on fait comme si le problème se ramenait à une question de fourniture de carburant, notamment suite au tollé entretenu autour de présumés détournements et indélicatesses concernant l’approvisionnement des centrales de production d’électricité. La justice saisie, des gens interpellés, les Maliens s’attendaient donc à ne plus devoir s’éclairer à la lueur de la bougie ou de la lampe torche. Mais c’est comme le temps avait subitement imposé une marche à rebours, refusant tout progrès. En effet, les citoyens qui y croyaient ont déchanté, ceux interpellés et finalement embastillés n’étant que des lampistes d’un système sclérosé.  La thérapie pour guérir EDM-sa ne permet plus de tergiversation, encore moins de discours, les mots ne pouvant guérir les maux qu’il faille extirper depuis la racine.

Depuis près de vingt ans, EDM-sa évolue dans une situation financière aux antipodes de l’orthodoxie des normes d’une gestion viable. Les autorités des différents régimes qui se sont succédé au Mali, depuis l’avènement de ce qu’on appelle l’ère démocratique, n’ont pas privilégié, dans les projets de développement, les investissements nécessaires pour remplacer les centrales de production vieillissantes. Et mieux, avoir une vision de diversification des sources de production d’énergie en investissant dans le développement du mix-énergétique, le Mali étant un pays très ensoleillé.

Mais l’on a préféré ignorer le renouvellement des centrales qui datent pour l’essentiel de la période qualifiée de dictature, alors que le plan d’amortissement d’EDM-sa a condamné ces équipements à l’abandon pur et simple. Avec la hausse des cours du pétrole entrainant l’augmentation du coût du carburant pour les alimenter, les centrales sont devenues très budgétivores. En plus de charges de fonctionnement et administratives trop lourdes, EDM-sa se morfond depuis des lustres dans le déficit financier, puisque les dirigeants du pays, au nom d’une prétendue politique sociale, sont toujours réfractaires à une quelconque hausse du prix de l’électricité pouvant aider EDM-sa à se remettre à flots, en termes financiers. En lieu et place, il fut toujours opté pour la subvention de l’Etat, en compensation du manque à gagner. Malheureusement, les sommes accordées par l’Etat à EDM-SA au titre des subventions ne couvrent pas les besoins réels pour assurer un équilibre financier de la société. Non seulement les montants des subventions ne sont pas octroyés en fonction du différentiel de prix, mais aucun autre mécanisme n’a été mis en place pour financer le déficit tarifaire qui était en train d’éroder la capacité de la société à assurer correctement ses missions de production, de transport et de commercialisation de l’électricité. Une étude menée par la Banque mondiale signalait, en 2013, que plus de 125 milliards de nos francs ont été versés par l’Etat en cinq ans et cela n’avait pas permis d’améliorer la qualité de service à l’EDM-sa qui, en plus de la question du déficit tarifaire, trainait un lourd handicap de mauvaise gestion. Le plan de redressement proposé par les experts de la Banque Mondiale prévoyait, entre autres dispositions, un investissement en équipements modernes et permettant de diversifier les sources de production, mais en contrepartie il fallait nécessairement revoir à la hausse les tarifs de vente de l’électricité produite. Cette hausse étant la question qui fâche, les gouvernants l’évitent toujours parce que source de tensions sociales, avec comme point de mire l’agitation syndicale.

Ce plan de la Banque mondiale n’a certes pas produit les résultats attendus parce qu’abandonné. Mais, dans ses grandes lignes, elle inspirait des axes d’action. C’est ainsi que sur la période 2015-2021, le mix-énergétique a connu un changement considérable. Aussi, la part de la production hydroélectrique, prépondérante en 2015, est passée de 44,7% à 28,2% en 2021. La part de la production thermique a augmenté, passant de 40,8% à 51,1%, avec une contribution des producteurs indépendants, à plus de 50%.

Il est clair que la capacité de production de l’EDM-sa reste plombée par le faible niveau et le retard d’investissements en ouvrages de production à moindre coût. Alors que, prépondérante dans le mix-énergétique, la production thermique engendre d’importants et onéreux besoins en combustibles. Rien que sur la période 2015-2021, EDM-sa a acheté 855 millions de litres de combustibles, soit près de 570 milliards Fcfa, selon des chiffres révélés par le Bureau du Vérificateur Général dans son rapport publié en juillet 2023, relatif au suivi des recommandations de sa vérification en 2019.

Ce même rapport révèle des pertes d’énergie par EDM-sa sur la période 2019, 2020, 2021. Une perte respective de 22,8%, 23,88% et 23,49% soit une progression en termes de perte par rapport à la période de référence qui était de 20% en 2019.

La Transition sous le Colonel Assimi Goïta a semé l’espoir de mettre fin à cette situation catastrophique pour le secteur énergétique, avec notamment l’adoption d’un plan de redressement. En effet, la Direction Générale de l’EDM-sa avait recruté un consultant pour élaborer le Plan Directeur de Production à Moindre Coût. A partir de cette étude, le Plan de développement du sous-secteur de l’électricité 2022-2026 a été élaboré et adopté par le Conseil des ministres en date du 30 mars 2022. Ce plan devait prendre en charge les investissements à réaliser à court terme pour l’amélioration du mix énergétique.

C’est dans ce cadre que fut organisé le salon des investisseurs pour l’énergie au Mali, du 21 au 22 février 2023 au Centre International de Conférence de Bamako, sous le vocable SIEMA 2023, avec comme thème principal : “Investir pour améliorer le mix énergétique”. A la fin de ce salon, le ministre de l’Energie d’alors, Lamine Seydou Traoré, annonçait plus de 300 milliards Fcfa d’investissements à venir, sur la base des engagements des investisseurs ayant participé audit salon.

Mais depuis lors, patatras ! Point d’investisseur confirmé. Il y a des difficultés pour alimenter les centrales en carburant, dans un contexte où l’interconnexion venant de la Côte d’Ivoire a été débranchée sur ordre des autorités ivoiriennes. Les autorités de la Transition s’époumonnent donc à un rafistolage, pendant que les populations sont dans l’obscurité. La situation va de Charybde en Scylla car si au départ c’était six (6) heures de délestage sur 24H, c’est désormais le contraire : six (6) heures de fourniture de courant sur 24H.

Ce dossier EDM-sa, qui nécessite un vrai plan d’investissements onéreux, est ainsi une patate chaude entre les mains des autorités de la Transition. Pourtant, des réformes en profondeur, l’EDM-sa en a besoin, même si cela devra dépasser le cadre temporel de la Transition qui devra donc refonder EDM-sa (pour être dans l’ère du temps). Il faut donc, pour la Transition, poser les jalons et soubassements (la vraie refondation) de la séparation des fonctions de production, de transport et de commercialisation du courant car, à chacun de ces niveaux, l’EDM-sa présente des insuffisances. Qui trop embrasse mal étreint.         Amadou DIARRA

Aujourd’hui-Mali

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