Un périple de 18 mois dans l’immensité glacée du grand Nord ponctué par des centaines de plongées: la goélette “Why” et ses huit membres d’équipage ont quitté vendredi les côtes bretonnes pour une aventure extrême destinée à révéler la face cachée des régions polaires, encore largement méconnues.
Du Sud au Nord du Groenland, quelque 400 plongées seront effectuées dans des conditions particulièrement difficiles, non seulement en raison des températures extrêmes de l’eau pouvant aller jusqu’à -1,8°, lorsqu’elle commence à geler, mais également de la dérive de la banquise.
L’exploration sous-marine, qui interviendra sur un cycle saisonnier complet, au coeur de l’hiver comme en été, permettra des prises d’images inédites jusqu’à 130 m de profondeur, ce qui “n’a encore jamais été fait”, selon Ghislain Bardout, à l’origine du projet avec sa femme Emmanuelle Périé-Bardout, qui rejoindra le Why en mars avec leur petit Robin, deux ans, et leur husky blanc, Kayak.
“La plongée profonde est une discipline technique, la plongée polaire en est une autre, et là on va essayer d’associer les deux”, assurait l’explorateur de 33 ans jeudi à Concarneau (Finistère). “C’est un défi, mais on a les moyens de le réaliser…”, a estimé cet ingénieur mécanicien qui a travaillé avec Jean-Louis Etienne.
L’expédition fait partie du projet “Under The Pole” d’exploration de la face cachée des régions polaires, dont le premier acte s’est déroulé en 2010 sur la banquise de l’océan Arctique. Les 45 jours de l’expédition, au cours de laquelle une cinquantaine de plongées ont été réalisées, ont notamment abouti à un film de 52 mn, primé à de nombreuses reprises pour ses images sous-marines fascinantes.
Hivernage dans la nuit polaire
“Les images nous permettent de toucher les gens, mais la finalité de nos expéditions c’est vraiment de parler des régions polaires et de ce qui les perturbe aujourd’hui, le réchauffement climatique, la fonte de la banquise et tout ce que ça implique par rapport à la biodiversité”, a souligné Ghislain Bardout.
Outre un volet pédagogique, grâce à un partenariat avec l’académie de Rennes, ce nouveau périple a également des visées scientifiques, pour mieux comprendre la biodiversité sous-marine polaire, les relations atmosphère/glace/océan et l’adaptation physiologique de l’homme en milieu extrême.
Une quinzaine de partenariats scientifiques, en France comme à l’étranger, ont été noués. “On offre aux scientifiques une opportunité rare”, se félicite Romain Pete, océanographe et coordinateur scientifique de l’expédition, assurant que “le milieu polaire est un réservoir presque intarissable de découvertes”.
L’expédition –relatée via le site underthepole.com– débutera, à proprement parler, une fois le Why arrivé au Sud du Groenland, en mars, à la sortie de la nuit polaire. Elle remontera sa côte Ouest en suivant le recul de la banquise, où se concentrent les mammifères marins. Une fois prise dans les glaces, à partir d’octobre, la goélette blanche de 20 m, deviendra camp de base pour un hivernage dans la nuit polaire.
Dès le retour du soleil, en mars 2015, une partie de l’équipage partira avec des Inuits et leurs chiens de traineau pour rallier, quatre mois plus tard, Station-Nord, dans le Nord-Est du Groenland, à 600 km au nord de la plus septentrionale des terres.
Mais les porteurs de cet ambitieux projet –qui ont “tout vendu” pour acheter le Why– n’ont pas encore bouclé leur budget, évalué à quelques 4 millions d’euros sur quatre ans. “Le projet est réalisé actuellement totalement de manière bénévole”, a reconnu Ghislain Bardout, soulignant cependant la présence de dizaines de partenaires.
Parmi ceux-ci, Kaïros, l’écurie de course au large de Roland Jourdain, mais également son fonds de dotation Explore, destiné à soutenir “les explorateurs du XXI siècle”, ceux dont la démarche est éco-responsable, selon le double vainqueur de la route du Rhum et parrain de l’expédition, à la barre du deux mâts jusqu’en Islande.
© 2014 AFP