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Plan d’action du gouvernement : le regard de deux acteurs politiques

Le Premier ministre Moctar Ouane a présenté, vendredi dernier, devant le Conseil national de Transition (CNT) le document qui tiendra lieu de bréviaire pour son équipe. Le président en exercice de la Coalition des forces patriotiques (Cofop), Dr Abdoulaye Amadou Sy, et le porte-parole de l’Alliance Espérance nouvelle-Jigiya Kura, Ismaël Sacko, se prononcent dans les lignes qui suivent sur l’ambitieux document

 

Dr Abdoulaye Amadou Sy, président de la Cofop : «C’EST LE DIAGNOSTIC DES PRÉOCCUPATIONS DES MALIENS»

«Je voudrais d’abord féliciter le Premier ministre pour réellement s’être prêté à cette action salutaire pour le pays. Sa prestation au CNT montre qu’en réalité, il est au fait de tout ce qui se passe, car les six axes qu’il a présentés constituent chacun un programme triennal, sinon même quinquennal. Il faut un minimum de cinq ans pour pouvoir traiter chacune des questions de bout en bout.
Le rôle de la Transition, c’est de remettre en place des autorités légitimes : un président élu, une Assemblée nationale élue. évidemment, d’ici là la gouvernance doit continuer les actions pour que le peuple malien qui paye ses impôts soit quand même servi… Le Premier ministre a effectivement fait le diagnostic de l’ensemble des préoccupations du peuple malien, mais très souvent il n’a pas exposé les solutions.

Pour les élections, il est bien d’accord avec le Dialogue national inclusif (DNI) qui a demandé qu’il y ait un seul organe pour organiser les scrutins, mais il n’en a pas parlé. Est-ce qu’il va organiser les élections avec le ministère de l’Administration territoriale, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et la Délégation générale aux élections (DGE) ? Je rappelle que ce triumvirat a montré déjà ses limites. Mais, si c’est cela, on se retrouvera devant les mêmes problèmes. Il faut mettre rapidement un organe unique pour organiser ces élections. Au bout d’un trimestre, cet organe peut être mis en place, si on s’y met. Certains partis, surtout qui étaient au pouvoir, ont peur d’un organe unique. Car cette fois-ci, on aura au moins des gens légitimement élus, et il n’y aura pas de contestations, car l’organe sera indépendant. Pourquoi, il n’en a pas parlé ? C’est un questionnement pour moi.

Le Premier ministre a aussi parlé de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Le DNI a également demandé la relecture de cet Accord qui concerne le territoire national et le peuple malien. Cette relecture implique un dialogue avec le peuple à partir de la base : de la commune jusqu’au niveau national. Est-ce que ce dialogue a eu lieu ? Au mois de décembre dernier un Arrêté a été pris pour les conseillers qui seront chargés des Zones de développement du Nord. Ils ont donné cinq conseillers aux zones sédentaires et 21 aux zones nomades qui sont faiblement habitées. Il faut faire attention. Il faut faire en sorte qu’un Songhoy soit égal à un Touareg, égal à un Arabe, égal à un Peulh, égal à un Manding…

Je ne pense pas que la Transition puisse régler les problèmes de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Et d’ailleurs, les textes qui gouvernent la Transition parlent de « lancer seulement le processus de mise en place des réformes institutionnelles et politiques », mais pas de les exécuter. Maintenant, les autorités de la Transition veulent faire la révision de la Constitution. L’article 121 de cette Constitution dit comment elle peut être révisée. C’est l’initiative du président de la République et des députés. Est-ce qu’on a un président de la République et des députés élus ? Non, donc ceux qui sont nommés peuvent être des cadres de tous les niveaux. Mais, dès l’instant où ils ne répondent pas à l’appel d’une partie de la population malienne pour se regrouper dans une Assemblée nationale, ce n’est pas un Parlement.

En 1991, la Constitution de la IIè République a été carrément suspendue, donc il n’y avait rien. Deuxièmement, il y a une Conférence nationale où les décisions étaient légales, exécutives et souveraines. Mais aujourd’hui, au cours du DNI et de la Concertation nationale, on n’a pas décidé que les conclusions seront souveraines. Voilà pourquoi d’ailleurs l’opposition a refusé d’y participer. Nous avons demandé qu’il y ait une Conférence nationale souveraine. Si les décisions ne sont pas souveraines, elles peuvent être contestées à tout moment. Il faut réunir tout le monde en une conférence qui prendra des décisions souveraines qui s’appliqueront et à la Transition actuelle et à ceux qui vont être élus après. Nous estimons que cela manque aussi dans l’ensemble des décisions proposées par le Premier ministre.

Aussi, le CNT et le gouvernement actuels ne sont pas inclusifs. N’oublions pas de le dire, le Parlement est politique, le CNT doit l’être aussi. Les questions qui sont posées là-bas sont politiques. La preuve : ce que le chef du gouvernement vient de présenter avec beaucoup d’aisance et de compétence constitue des actes politiques. Et ce sont des décisions politiques qui vont en sortir. Comment pouvez-vous le faire avec des apolitiques ou des gens qui ne sont pas désignés par des acteurs politiques ? Nous avons décidé d’accompagner la Transition, mais nous avons fait des propositions. Nous avons dit de rendre le CNT inclusif en y mettant des politiques. Nous avons dit de porter le nombre des membres du CNT à 147 comme c’était le cas de l’Assemblée nationale et de donner les 26 qui restaient aux partis politiques. C’est pour élever le débat et amener au moins les questions qui vont être posées à un niveau assez compréhensible. Les cadres qui sont au CNT peuvent être compétents, mais ils manquent de légitimité.
La Transition doit régler les problèmes de l’état, mais aussi s’occuper à tout faire pour que d’ici un an, on puisse organiser des élections libres, indépendantes et réellement non contestées.

Ismaël Sacko, porte-parole de l’Alliance Espérance nouvelle-Jigiya Kura : «NOUS SOMMES EN PHASE AVEC CE PLAN D’ACTION»

 

«D’abord, je salue le Premier ministre Moctar Ouane pour sa clairvoyance, pour la promptitude avec laquelle il a bien voulu présenter les six axes prioritaires. On comprend très bien que dans un pays en période transitoire, compte tenu du contexte actuel du Mali, tout est prioritaire. Il n’a pu que dégager les six axes les plus pertinents, les plus attendus, notamment le premier parlant essentiellement de la sécurisation de l’ensemble du territoire, des biens et des personnes. On sait très bien qu’après la sécurisation, il faut travailler sur l’accès aux services sociaux de base de l’ensemble de la population qui doit se fixer, y compris ceux qui doivent revenir sur le territoire, notamment les réfugiés.

Le chef du gouvernement a, ensuite, présenté sa volonté d’aller vers les réformes politiques, électorales et institutionnelles. C’est à la suite de cela que les trois autres axes se sont déclinés en mettant un point d’honneur sur l’organisation des élections crédibles, transparentes et acceptées par la majorité des Maliens. Dans sa démarche, on a senti, bien avant de présenter son plan d’action gouvernemental, sa volonté de rencontrer la classe politique, de désamorcer un peu ce climat de méfiance.
Donc, le Premier ministre est dans une dynamique et dans une démarche d’inclusion. Cette démarche d’inclusion prouve à suffisance que ces réformes politiques qui vont être organisées doivent se faire aussi avec la participation de la société civile, mais aussi de la classe politique qui est un acteur majeur de l’animation des élections à venir.

Donc, Jigiya Kura a pris acte du Plan d’action du gouvernement. Nous avons décidé qu’il était important que nous accompagnions le gouvernement dans la mise en œuvre de ce Plan d’action présenté devant le CNT. Nous demandons aussi au gouvernement et au Premier ministre de prendre bien soin de l’organisation de ces élections qui sont importantes, attendues par tous, de l’intérieur comme de l’extérieur. Et pas d’élections si on n’a pas naturellement la sécurisation du territoire. Que les populations soient fixées, que ces réformes se fassent de façon inclusive. Donc, Jigiya Kura s’inscrit en droite ligne de ce Plan d’action et accompagnera le gouvernement pour la meilleure compréhension et l’adhésion des forces vives de la Nation à cela.

à sa création octobre 2020, Jigiya Kura s’est donnée un rôle de sentinelle, accompagner, conseiller, alerter, tirer la sonnette d’alarme et en même temps être une force de propositions en termes d’analyse. Par exemple, nous avons organisé récemment un atelier de formation pour outiller les membres de Jigiya Kura, et proposer la vision de l’Alliance par rapport aux réformes politiques, institutionnelles et électorales. Ce document sera remis au gouvernement pour être une proposition de Jigiya Kura.

Propos recueillis par
Massa SIDIBÉ

Source : L’ESSOR

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