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Plainte sur les crimes du nord : Une facture salée pour le gouvernement

Animés du désir de répondre au besoin de justice des femmes victimes de viols et violences sexuelles pendant la crise du Nord, l’AMDH et ses partenaires ont porté plainte devant les juges d’instruction du Tribunal de la Commune III. Cette initiative va coûter cher au gouvernement, engagé dans un processus politique, qui risque de passer par pertes et profits les exactions sur les femmes et les filles pendant l’occupation.

 maitre moctar mariko avocat president association malienne droit justice homme amdhDans le cadre du projet conjoint « mobiliser la société civile pour une réponse à la crise de droits humains au Mali », l’AMDH et cinq organisations ont organisé mercredi une conférence de presse avec à l’ordre du jour « les victimes de crimes sexuels du conflit du Nord du Mali portent plainte ».

L’objectif était d’informer l’opinion nationale et internationale sur la plainte avec constitution de parties civiles déposée le 12 novembre 2014 par les 6 organisations au nom de 80 femmes victimes de viols et violences sexuelles pendant le conflit du Nord du Mali et à attirer l’attention des autorités politiques et judiciaires maliennes sur la gravité de ces crimes sexuels commis et la nécessité de poursuivre les auteurs de ces violations graves constitutives de crimes contre l’humanité.

Evoquant l’objet de la plainte, le président d’honneur de l’Association malienne de droits de l’Homme et coordonnateur du pool d’avocats des victimes, Me Brahima Koné, a fait remarquer que les violations des droits humains commis ont été ignorées par la justice nationale. Or, ajoutera-t-il, les viols et les violences sexuelles qui ont été perpétrées à grande échelle doivent constituer une priorité pour la justice.

« Les infractions sont désormais incorporées dans notre disposition judiciaire, conformément au Code pénal. Les infractions visées par cette plainte sont constituées par des faits de viols, de prostitutions forcées, d’esclavages forcés parce que les faits constituent des crimes de guerre et crimes contre l’humanité », a-t-il annoncé.

Il a ajouté que les organisations ont déposé ensemble une plainte collective auprès des juges d’instruction du Tribunal de première instance de la Commune III afin que la justice malienne puisse répondre rapidement au besoin de justice des femmes et filles victimes de viols et violences sexuelles lors du conflit.

 

Bisbille entre le gouvernement et défenseurs

Cette plainte collective des organisations AMDH, la FIDH, Wildaf-Mali, Cri du cœur, Association des juristes maliennes, Dèmè-So est déposé au moment où l’Etat du Mali est pleine négociation avec des groupes armés. L’initiative risque d’influencer le processus politique en cours qui, dans le temps, s’était toujours soldée par des libérations des auteurs de crimes.

Le non-respect, la non-application des principes juridiques font que la violence sur les personnes gagne du terrain. Elles sont des milliers de victimes qui vivent dans l’ignorance de leurs droits ratifiés par l’Etat en vue de leur permettre de vivre dignement dans la sécurité physique et morale. Cette volte-face des autorités fait que les principaux acteurs continuent les mêmes privilèges, marginalisant le système judiciaire. Ils se retrouvent puissants face au pouvoir.

La plus récente libération dans le cadre l’accord préliminaire de Ouagadougou a eu lieu le 15 août 2014. Ag Alfousseyni Houka-Houka, ancien juge islamiste de Tombouctou, inculpé pour son rôle présumé dans la commission de violations graves des droits humains, a été libéré par les autorités maliennes dans le cadre des négociations politiques en cours entre le gouvernement malien et les groupes armés.

Cette libération politique dénoncée dans le temps a été une véritable atteinte à l’indépendance de la justice et une violation flagrante des droits des victimes à la justice et à la vérité. La raison est motivée par la réconciliation. Mais ce processus ne doit absolument pas se faire au détriment de la justice ni dans l’oubli des victimes.

Ce personnage important du mouvement islamiste à Tombouctou, libéré y dirigeait un tribunal islamique qui a ordonné, entre autres, des amputations, lapidations, flagellations et arrestations arbitraires lors des dix mois durant lesquels le nord du Mali était sous le contrôle des groupes islamistes armés. Cette libération controversée devait tenir compte les principes de l’indépendance de la justice nationale.

« La réconciliation doit s’appuyer sur la justice pour une paix durable. Aucune nation, aucun peuple qui a souffert de graves crimes contre l’humanité ne peut prétendre à la réconciliation, à la paix et au développement durable sans une justice saine, équitable et luttant efficacement contre l’impunité », a affirmé la présidente de Wildaf-Mali. Les défenseurs des droits humains ont déjà engagé 13 avocats (10 maliens et 3 internationaux) pour défendre le dossier.

Bréhima Sogoba

SOURCE: L’Indicateur du Renouveau  du   14 nov 2014.
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