Les exercices de prévision pour l’économie mondiale se suivent, et finissent par se ressembler. A chaque nouvelle mise à jour, les perspectives se dégradent. Cette fois, c’est le Fonds monétaire international (FMI) qui les juge «de plus en plus sombres et incertaines» et qui revoit à la baisse les différents indicateurs. L’institution internationale ne table plus que sur une croissance du PIB mondial de 3,2% cette année. C’est presque deux fois moins qu’en 2021 (6,1%). Et 0,4 point de moins que ce qu’elle prévoyait trois mois auparavant. Quant à l’inflation, elle est anticipée à 6,6% sur l’année dans les pays aux économies avancées et à 9,5% dans les pays émergents et en développement.
Et encore, il ne s’agit pas du pire scénario. Pierre-Olivier Gourinchas, l’économiste en chef du FMI, a évoqué «un ralentissement considérable», sans miser encore sur un «scénario de récession mondiale», mais ne cachant pas les inquiétudes vis à vis «des risques baissiers qui s’accumulent». Parmi ces derniers, la guerre en Ukraine et ses éventuelles nouvelles conséquences comme une interruption des importations de gaz russe en Europe, une inflation qui s’incrusterait, une lutte contre l’envolée des prix qui se révélerait très onéreuse, un surendettement des pays émergents, une nouvelle flambée de Covid en Chine… Si ces menaces se concrétisaient, alors «le monde pourrait bientôt se trouver au bord d’une récession mondiale, deux ans seulement après la précédente».
Les Etats-Unis accusent le coup
La France n’échapperait pas à ce marasme. La croissance de son PIB serait cette année de 2,3% – une prévision conforme à plusieurs autres prévisions, mais en-deçà de celle du gouvernement (2,5%), et elle retomberait à seulement 1% l’an prochain. Là aussi, c’est inférieur à la prévision de 1,4% pour 2023 que Bercy a inscrite dans le programme de stabilité, que l’exécutif français s’apprête à communiquer à la Commission européenne.
Si l’Europe subit de plein fouet les conséquences de l’invasion russe de l’Ukraine et le resserrement de la politique monétaire, elle n’est pas la seule à voir l’horizon s’assombrir. Avec une croissance estimée à 2,3% cette année, soit 1,4 point de moins que lors de la dernière prévision d’avril, les Etats-Unis accusent le coup d’un ralentissement de la croissance, d’une baisse du pouvoir d’achat des ménages et d’un durcissement de la politique monétaire. D’ailleurs, la Réserve fédérale américaine s’apprête à relever cette semaine ses taux directeurs pour la quatrième fois depuis le début de l’année. Le pays se rapproche même à grands pas de la récession. La probabilité que les Etats-Unis y échappent est faible, estime le FMI. Pierre-Olivier Gourinchas juge qu’un «choc infime risque de faire plonger l’économie américaine dans la récession». Quant à la Chine, son PIB ne progresserait plus que de 3,3% en 2022, soit 1,1 point de moins que dans la dernière prévision du FMI. L’explication tiendrait aux «reconfinements» et à «l’aggravation de la crise de l’immobilier» dont les répercussions ont été «majeures à l’échelle mondiale».
Inflation partout
Une exception notable à cette dégradation générale, la Russie. Quand le FMI tablait sur un affaissement de son PIB de 8,5% cette année, à cause des sanctions occidentales, il ne prévoit plus qu’une baisse de 6%. Ce serait notamment une conséquence des «exportations de pétrole brut et de produits non énergétiques se maintenant mieux qu’attendu» et d’une certaine résilience de la demande intérieure.
L’inflation, elle, s’installe partout dans le monde à la suite de «la hausse des prix des produits alimentaires et de l’énergie, les contraintes pesant sur l’offre dans de nombreux secteurs et un rééquilibrage de la demande en faveur des services», souligne le FMI. Et elle progresse aussi à cause «des tensions sur les coûts par le biais des chaînes d’approvisionnement et de la pénurie de main-d’œuvre, en particulier dans les pays avancés». Les salaires ne suivant les prix nulle part, le pouvoir d’achat s’effrite partout. Le FMI n’est pas non plus très optimiste sur le moment du pic inflationniste : «Il est généralement attendu que l’inflation se rapproche de ses niveaux enregistrés avant la pandémie d’ici la fin de 2024. Plusieurs facteurs pourraient cependant la faire continuer sur sa lancée et augmenter les anticipations à plus long terme.» Ces facteurs sont là encore en lien avec la guerre menée par la Russie en Ukraine, qui pourraient accroître l’inflation et entraîner un nouveau relèvement des taux directeurs par les banques centrales. «Ces chocs, s’ils sont suffisamment graves, entraîneraient une récession accompagnée d’une inflation élevée et en hausse, un phénomène dit de stagflation», redoute le FMI qui précise néanmoins que cela «ne fait cependant pas partie du scénario de référence». Pas sûr que cela soit si rassurant.